Quand on évoque le Metal européen, ce n'est pas à la Grèce qu'on pense en premier. Et pourtant, en plus d'être le pays d'origine du tzatzíki et de la démocratie, la patrie de Demis Roussos et d'Aristote est aussi celle de Firewind, de Septic Flesh, de Rotting Christ, et de bien d'autres. Parmi ces "bien d'autres", Poem pourrait fort bien se faire rapidement une place de choix.
Même si l'aspect "Metal Prog sombre, mais pas trop bourrin" renvoie innévitablement à Pain Of Salvation ou à Leprous, la meilleure comparaison pour se faire une image de Unique serait d'imaginer un mélange, aussi étrange qu'il puisse paraître, entre Opeth (pré-Heritage) et Deftones. En effet, si Unique reste dans la veine artistique des deux précédents efforts des Grecs, l'album semble néanmoins plus obscur, et Poem arrive a traiter son sujet avec plus d'intensité. Pour autant, la musique ne gagne pas en violence ou en vélocité sur cet opus. Les chants hurlés sont par exemple exception (Euthanasia, Discipline, les refrains semi-saturés de Brightness Of Loss) et ne servent qu'à renforcer encore des images que le groupe aurait pu transmettre sans growls. La structure des titres est souvent évolutive, progressive, sans être un prétexte démonstratif : Poem privilégie systématiquement les émotions plutôt que la technique.
Mais de nombreuses formations peuvent se targuer d'en dire autant. Alors, qu'est-ce qui fait sortir Poem du lot ? Non contents de proposer des titres solides, les Grecs le font en assimilant leurs influences de façon surprenante. Tantôt imprégnée de Rock Alternatif des années 2000 (les couplets de Four Cornered God), tantôt de la poisseur de Tool ou de Leprous (My Own Disorder), la musique de Poem a souvent prévu de quoi surprendre tout en restant parfaitement logique et cohérente. Des chœurs bien pensés dans certains refrains qu'on aurait pas vu venir (Euthanasia, My Own Disorder), des éléments plus Pop assez surprenants (Unique), des parties syncopées sauvages dont on pensait être à l'abri (au milieu de Four Cornered God)... Poem donne presque l'impression qu'on écoute un nouveau genre de Metal, pertinent et habité, qui regrouperait A Perfect Circle, Biffy Clyro, Katatonia, et Deftones.
Malgré toutes les qualités de Unique, il faut tout de même mentionner que le titre éponyme représente une longueur dispensable. Faisant parfois écho à la façon dont Opeth arrangeait ses titres calmes ou acoustiques pendant sa période pré-Heritage, Unique n'en reste pas moins répétitive et donc lassante, et quand elle évolue enfin, c'est de manière bien plus maladroite que le font les autres titres.
Notons aussi la durée du disque, dépassant à peine les 40 minutes. Certes, c'est "suffisant", mais loin des standards des albums-pavés du milieu Prog. Avec seulement sept titres, Poem nous fait envie de plus, et personne n'aurait craché sur 10 ou 15 minutes de rab si Unique avait eu deux pistes de plus.
En dépit de ces axes d'amélioration, ce troisième effort est d'ores et déjà une excellente production, surtout venant d'un groupe encore assez discret. En comparaison aux précédents travaux des Grecs, Unique est une progression indéniable, et si Poem continue sur cette voie, peut-être que les clichés de l'introduction de cette chronique s'inverseront : "le pays de la crise financière de 2008, d'Archimède et de la féta ? Vous voulez dire le pays de Poem ?!"
A écouter : Four Cornered God, Brightness Of Loss,