Pneu
Math Rock / Noise Rock

Destination Qualité
1) Municipal Geographic
2) Pyramide Banana Chocola
3) Catadioptre Ambidextre
4) Gin Tonique Abordable
5) Futur Plus Tard
6) Temple Machine
7) The Biggest, The Ankle
8) Hinges
9) Astronomism
Chronique
Nommer son album Destination Qualité est particulièrement osé pour un Pneu qui ne semble pas craindre la pression, surtout si l’objet en question succède au pétaradant Highway To Health. Tâche compliquée que de surpasser ce qui semblait être la quintessence discographique du duo tourangeau. La présence d’Eugene S. Robinson (Oxbow) sur un titre et de Kurt Ballou aux manettes est sans doute un facteur aggravant, mais pas tant que ça puisque les bonhommes n’ont pas cherché à reproduire le passé, sans pour autant bouder ce qui les définit intrinsèquement, le « tac tac poum tac » noise.
JB et Jey s’en foutent un peu, engrangent les concerts, affinent leur souplesse de jeu, et recrachent le dernier fruit de leurs efforts en ce Destination Qualité, aux intentions bruitistes développées, toujours animés par autant de convulsions créatrices que de vélocité obscène. Municipal Geographic déboule sans crier gare et assume tout à fait son rôle qui consiste simplement à nous péter la gueule d’entrée, sans qu’on n’ait pu encore franchir totalement le pas de la porte. Un accueil néanmoins chaleureux qui permet de constater une précision accrue dans les mouvements, qu’il s’agisse des roulements ultra frénétiques de l’un ou des envolées mélo-noise de l’autre.
Le difficilement prononçable et formidable Catadioptre Ambidextre est le pont instable qui mène au titre le plus long jamais composé par Pneu : Gin Tonique Abordable (un mythe), presque dix minutes de « poum poum poum » excessivement minimaliste se muant en « tac tac tac » à la septième pour finir en orgie de basses, relativement pénible au premier essai mais capable de se révéler joliment hypnotique si l’on choisit d’y retourner, et dont les discrètes dissonances peuvent évoquer Battles au loin. Car malgré ses contours foutraques ce troisième format « long » est en fin de compte le plus réfléchi, peut-être le plus construit bien qu’Highway To Health tenait la dragée haute de ce point de vue. Les très fameux Futur Plus Tard et Temple Machine (clin d’œil au Temps Machine, lieu de résidence tourangeau) confirment les fulguro-capacités du duo à nous en foutre plein les esgourdes en quelques secondes, tandis qu’Astronomism termine le boulot un peu de la même manière qu’un Wagy’s Cup, synthétisant tout ce joyeux bordel avec une véhémence libératrice. On peut évidemment citer la participation inspirée du chanteur/narrateur d’Enablers, Pete Simonelli, qui apporte son délicieux grain de voix sur Hinges, n’atteignant pourtant pas la valeur ajoutée de Robinson sur Knife Fight du précédent objet.
Destination Qualité mérite son blase pour tout un tas de raisons. Pneu reste fidèle à ses pratiques, qui tendent naturellement vers davantage d’expérimentations, tout en affinant son sujet. On se retrouve toutefois avec un goût d’inachevé qui tranche avec le généreux Highway To Health, garni de sommets frénétiques, moins présents ici. Mais le meilleur moyen d’apprécier Pneu reste le direct, à quelques centimètres des cymbales, afin d'en ressentir le souffle incandescent.
En bonne qualité sur bandcamp.