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Biographie
Gared O'Donnell - chant, guitare Neil Keener - basse Chuck French - guitare Mike Ricketts - batterie
Originaire de Peoria (Illinois), Planes Mistaken For Stars est fondé en 1997 par Gared O'Donnell et Matt Bellinger sur les cendres de Dismiss. Mike Ricketts (batteur) et Aaron Wise (bassiste) complètent la troupe. En 1999, ce dernier quitte le groupe qui lui trouve un successeur en la personne de Jamie Drier, une vieille connaissance puisqu'il faisait déjà partie de l'aventure de Dismiss. Le groupe déménage alors pour Denver (Colorado) et sort en avril un premier album éponyme sur le label Deep Elm Records, qui n'est en fait qu'une réédition d'un album autoproduit en 1998. Sous cette formation, Planes Mistaken For Stars enregistre Fuck with Fire en 2001 sur le label No Idea Records. Chuck French remplace Jamie Drier en 2003. Cette même année, le quatuor du Colorado apporte sa contribution au tribute album de Black Flag sous la forme de deux reprises, "Gimme, Gimme, Gimme", pour la version vinyl, et "Wasted" pour la version CD. Le successeur de Fuck With Fire sort enfin en juillet 2004. Intitulé Up In Them Guts, il est enregistré par AJ Mogis au Presto Studios de Lincoln au Nebraska. Planes Mistaken For Stars signe sur le label Abacus un an plus tard. En janvier 2006, Matt Belanger décidant de se consacrer uniquement à Ghost Buffalo, Planes Mistaken For Stars fait appel à Mike Ricketts, vieille connaissance, pour officier derrière les fûts. A la fin de l'année, le groupe entre en studio sous la direction de Matt Bayles (Isis) pour enregistrer son quatrième album, Mercy. Après une pause de plusieurs années, le groupe recommence à tourner et nous offre en 2016 un nouvel album, Prey, chez Deathwish Inc.
Après dix ans sans aucune nouvelle sortie du groupe, même si ses membres sont restés très actifs et que le combo a tourné sporadiquement ces dernières années, c’est dans un train en marche que l’on doit s’efforcer de grimper lorsque démarre Prey, le nouvel album de Planes Mistaken For Stars. Dementia Americana donne en effet l’impression de commencer à mi-morceau, une façon pour les Américains de nous attraper par le col et de nous entraîner avec eux, sans nous laisser le temps d’hésiter une seconde. Une manière aussi, certainement, de montrer que cette pause d’une décennie n’a en rien entamé la détermination et la sincérité d’un groupe à la personnalité toujours plus affirmée. Si Chuck French et Neil Keener ont grandement contribué aux somptueux derniers albums de Wovenhand et que Gared O’Donnell a employé sa voix rocailleuse chez Hawks and Doves, l’excitation était cependant montée d’un cran à l’annonce de l’arrivée du successeur du superbe Mercy.
En moins de 40 minutes, Planes Mistaken For Stars démontre à ceux qui auraient encore des doutes sa classe et sa capacité à se mettre à nu sans jamais tomber dans la facilité et le racolage. Si le qualificatif « émo » a souvent été accolé au nom du groupe, oubliez tous les clichés récurrents et inhérents à ce mouvement. Prey joue autant avec nos sentiments qu’avec notre nuque, réussissant à écrire une musique tendue et abrasive, mais qui transpire toujours sous une chaleur générée par une énergie composée à part égale de joie fragile et de mélancolie. La fluidité qui se dégage de ce disque, dont les morceaux s’enchaînent sans temps mort, lui donne une efficacité qui laisse rêveur. Trempés dans le Hardcore et le Punk (Riot Season), les compositions de Prey n’oublient jamais de garder une certaine rondeur qui à aucun moment ne dessert le propos, mais accentue encore davantage leur effet addictif. Variant le tempo, Planes Mistaken For Stars est aussi à l’aise dans l’immédiateté (Fucking Tenderness et ses faux airs de Hot Water Music) que lorsqu’il s’agit de nous faire ressentir progressivement et lourdement le poids de notre existence (Clean Up Mean, Enemy Blinds).
L’ensemble est servi par une production relativement « compacte » qui met en valeur la cohésion et la maîtrise du groupe, avec un son sale et poussiéreux mais qui conserve suffisamment de tranchant pour ne pas faire évoluer l’album dans un climat irrespirable. Le groupe se charge de toute façon lui-même de nous offrir quelques passages plus apaisés, mais derrière lesquels le danger semble constamment aux aguets, comme à l’écoute de ces hurlements au milieu de She Who Steps. La ballade désabusée Black Rabbit le confirme, c’est une histoire de survie qui semble avoir inspiré Prey. Vivre les mauvais moments comme les bons, avec la même honnêteté, tel est le message qui semble être délivré à la fin de chacun de ces morceaux. Tout en tension, Alabaster Cello clôt l’album avec la même rage menaçant à tout instant d’éclater. Planes Mistaken For Stars peut bien attendre encore dix nouvelles années avant de nous offrir un autre disque, Prey sera toujours là pour nous rappeler que l’on peut déjà s’estimer heureux que ce groupe existe.
On ressent toujours une légère crainte lorsqu'un groupe quitte un label au sein duquel il a réalisé ses plus belles oeuvres. La crainte de voir s'envoler son inspiration, la crainte que ce groupe soit soumis à de nouvelles directives qui l'empêchent d'exercer pleinement sa création.
Jusqu'à l'excellent Up in Them Guts, dernier opus sorti chez No Idea* en 2004, Planes Mistaken For Stars avait mis l'accent sur un son résolument punk rock, totalement débridé où l'énergie primale de Black Flag cotôyait allègrement la bizarrerie de Killing Joke. Même si l'orientation générale de Mercy, quatrième du nom, semble être la même, l'arrivée chez Abacus et la direction de Matt Bayles ont, semble t-il, donné aux pensionnaires des Rocheuses la volonté d'envisager la suite des opérations sous un angle quelque peu différent. En effet, même si "One Fucked Pony" tente de nous impressionner d'entrée par sa charge frontale digne de "End Me In Richmond" (Fuck With Fire), on sent clairement chez Planes Mistaken For Stars la volonté de ne pas mettre toute sa puissance de feu en début de course mais plûtot de la diluer de manière plus subtile pour un résultat similaire. Mercy s'écoule ainsi de manière insidieuse, sur un faux rythme jonché de mid tempos, de mesures cahotiques et de postures plus nonchalantes, à première vue, innoffensives, mais dont l'enchaînement dégage une puissance réelle où le bourdonnement de la basse hyper saturée de Chuck French et la voix éraillée et chevrotante de Gared O'Donnell impriment un côté malsain émaillé d'une rage désespérée. La production de Matt Bayles permet surtout à Planes Mistaken For Stars la mise sur orbite d'un potentiel mélodique, peut-être un peu trop comprimé par les productions rustiques antérieures. Mais un potentiel d'une teneur bipolaire où, si la surface visible présente toutes les caractéristiques de la bienséance, la partie immergée apparaît chargée d'un wagon de névroses ne laissant derrière lui qu'amertume et mal-être. Ainsi, des cocottes épileptiques bien dans la veine des Smiths ou de Joy Division ("Widow a Love Song", "Little Death"), aux mesures plus mélancoliques de "To Spit A Sparrow" et "Never Felt Prettier", Planes Mistaken For Stars nous attire progressivement au fond d'un abîme nauséeux, refuge de toutes les vanités humaines ("Here Lies Pestilence Feeding on the Flesh of our Discontent, Here Stands Arrogance Spitting in the Face of our Best Intents") où les possibilités de rémission sont extrêmement réduites voire quasiment nulles.
Les amateurs de Fuck With Fire trouveront certainement que Planes Mistaken For Stars s'est assagi avec cette cuvée 2006. Dans un sens ils auront raison. Toutefois, en perdant un peu de sa force de frappe, le groupe de Denver y trouve une intensité émotionnelle qu'il n'avait jamais atteinte jusque là, faisant de Mercy, par conséquent, son oeuvre la plus aboutie.
Ndr : A noter que les ponts avec No Idea ne sont pas coupés, la version vynil de Mercy devant sortir chez le label de Gainesville.
A écouter : Never Felt Prettier, Mercy, One Fucked Pony
Profitant de la prochaine venue en France de Planes Mistaken For Stars aux cotés de Converge, il semblait intéressant de se remémorer pour certains, de découvrir pour d'autres, le troisième et dernier album en date du combo.
Sorti en juillet 2004 et produit par A.J. Mogis, connu pour son travail avec Bright Eyes, Cursive et Lullaby For The Working Class, Up In Them Guts est la preuve qu'il est encore possible de pratiquer un punk rock sortant des sentiers battus tout en conservant l'énervement originel. Album d'une très grande richesse d'inspiration, les douze titres qui le composent sont d'autant plus difficiles à appréhender de prime abord que chaque écoute procure un sentiment différent. En clair il ne faut pas être pressé si l'on veut apprécier l'oeuvre à sa juste valeur.
Sans être violent, Planes Mistaken For Stars développe pourtant une musique relativement énergique, souvent agressive, établissant au fur et à mesure de l'album, la preuve qu'il n'est pas toujours utile de jouer les morceaux à cent à l'heure - même si çà aide en témoignent "A Six Inch Valley" et surtout l'outro démentielle de "Bastards" - pour atteindre cet objectif. L'exploitation d'un tempo moyen voire lent assorti de variations d'intensité, de différences d'attaque et de force de frappe peut s'avérer tout aussi efficace.
Bien que reposant sur un socle musical punk rock assez classique proche de Toxic Reasons ou de Black Flag ("Glassing", "Belly Full of Hell"), Planes Mistaken For Stars maltraite la tradition en incorporant aux morceaux des éléments qui en font un groupe difficilement classable. Parmi ceux-ci, notamment, il convient de noter la petite ambiance stoner, perceptible tout le long de l'album, mais qui devient beaucoup plus tangible sur "The Last Winter Dance Party" ou "Spring Divorce". Mais, par dessus tout, la richesse de Planes Mistaken for Stars, qui l'affranchit totalement de l'aspect rustique pouvant éventuellement transparaître à la première écoute, est sa capacité à développer des accords, des mélodies au caractère dissonnant, à tendance noisy notamment sur "Dying by Degrees" et "Pigs", donnant aux morceaux une substance aussi originale que malsaine, presque maladive parfois proche de Converge. Ce sentiment se trouve surmultiplié par la terrible voix de Gared O'Donnell, sorte d'hybride vocal entre Tom Waits, Jaz Coleman (Killing Joke) et Al Jourgensen (Ministry) dont le timbre, émergeant d'une gorge qui a dû en voir de belles, vous serre les tripes et ne les relâche qu'une fois l'album avalé.
Toutefois, Up in Them Guts ne se réduit pas à une décharge d'énergie continue. Planes Mistaken For Stars montre également qu'il sait maîtriser ses émotions et n'hésite pas à faire tomber la fièvre sur la ballade "No Prize Fighter" ou même à surprendre avec le morceau "To All Mothers" servant d'introduction. A première vue, leur présence peut étonner mais une écoute approfondie montre qu'ils s'intègrent relativement bien à la tonalité générale de l'ensemble.
Bref, avec Up in Them Guts, Planes Mistaken For Stars nous propose un album à écouter de toute urgence où toutes les tendances punk et rock tout simplement peuvent y trouver leur compte. Une oeuvre oecuménique en quelque sorte.
Télécharger : e-card, "Belly Full of Hell"
A écouter : "Belly Full of Hell", "Bastards", "A Six Inch Valley"
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