"Ah mais oui, mais alors oui, c'est tout à fait ça !" Voilà le type de phrase qui pourrait venir à l'esprit lorsqu'on tombe sur un des morceaux du premier album de Pinback. La musique des ces 2 américains est ce qu'on peut appeler une "évidence même". Pourtant, triviale ou pas, Rob et Armistead sont bel et bien les premiers a y avoir pensé. Avec une poignée de craies aux couleurs pastels et quelques fusains à la pointe fine, Pinback dessine avec précision et application une frise onirique, originale et sans artifice tape à l'oeil.
L'ensemble raisonne comme un véritable voyage dans le temps et dans l'espace qui va bien au delà du plaisir d'entendre une suite de notes harmonieuses et limpides. Sur la forme, Pinback joue d'une certaine habilité à créer des morceaux dosés aux milligrammes près. Les compositions jouent ainsi les funambules sur une ficelle cotonneuse issue d'une boite à rythme qui ne s'autorise aucun écart de conduite. Cet aspect calculé, qui pourrait nuire à l'émotion dans certains contextes, produit ici l'effet inverse. D'une part parce que les cordes de Pinback ne sonnent comme aucune autre, et d'autre part parce que la plupart des morceaux sont déchirants. La faute à ces entremêlements de voix aigues et graves qui donnent des ailes et à cet atmosphère unique et énigmatique qui attire inexorablement. Une ambiance mélancolique, parfois nostalgique, un peu paradoxale et anachronique, quelque part en apesanteur entre le décalage du Roi et L'oiseau de Paul Grimault, les paysages bucoliques de Et au milieu coule une rivière (cf. l'artwork) et les plans de mécanismes complexes imprimés sur un vieux grimoire venu d'un monde imaginaire.
Les briques de ce premier album sont assemblées avec un mélange secret et personnel de sonorités digitales à base de samples et de parties jouées avec énergie et maîtrise. Ces dernières font la part belle aux guitares acoustiques dont les cordes, frôlées par les phalanges, donnent des frissons, aux nappes de pianos sonnant parfois comme un clavecin ("Versailles") ou un orgue ("Chaos Engine") puis à ces changements d'humeurs imprévisibles qui le reste (imprévisibles !) après maintes et maintes écoutes.
Bien sur, quelques très rares temps mort ("Charborg") empêchent le coup parfait, mais ma fois, "Tripoli", "Loro", "Hurley" ou encore "Byzantine" atteignent une sorte d'idéal et d'apogée qui nous donne largement les moyens de fermer les yeux. Les airs de Pinback raisonnent en nous et touchent l'esprit de manière indélébile. L'indie pop rock de ces 2 là n'a strictement rien à envier à personne.
A écouter : Tripoli - Loro - Chaos Engine - Lyon