Pianos Become The Teeth
Screamo / Post

Wait For Love
01. Fake Lighting
02. Charisma
03. Bitter Red
04. Dry Spells
05. Bay Of Dreams
06. Forever Sound
07. Bloody Sweet
08. Manilla
09. Love On Repeat
10. Blue
Chronique
Faut bien avouer que 2018 démarre sur les chapeaux de roues. Entre les sorties de Black et d’Emo / Hardcore mélodique / Post-Hardcore (bref, disons la musique émotive pour englober plus large), on est vraiment servit, j’en veux pour preuve le prochain Casey qui commence doucement à être publié. Je reviendrais sûrement sur Where I Go When I’m Sleeping dans une prochaine chronique, car aujourd’hui c’est une de leurs principales influences qui va nous intéresser, j’ai nommé Pianos Become The Teeth.
Pour ceux qui liraient ce papier sans connaître le groupe, vous devez savoir que leurs précédentes sorties comptent parmi les pierres angulaires de la scène screamo actuelle (ou peut être est ce seulement dans ma tête). C’est en particulier The Lack Long After qui a marqué sa génération : cathartique, torturé et introspectif, il exposait la foule d’affects divers dérivants de la mort d’un parent. C’était un skeud vraiment intense, au chant Screamo d’une maîtrise parfaite, oscillant suffisamment dans les aigus pour faire ressortir la tristesse et l’émotion des paroles. A celui ci succéda Keep You, héritant des passages criés de son prédécesseur, mais également de nouvelles (?) influences typée Post-Rock, nous plongeant dans un énième néologisme que j’ai nommé " Post-Emo ". Doux, évasif mais tout aussi émotif que son parent très Screamo, c’était encore une fois un sans faute pour les américains. Autant vous dire qu’après deux pareils albums, Wait For Love, notre sujet du jour, était solidement attendu au tournant.
Autant être cash à ce sujet : la formation américaine a de nouveau tapé dans le mille. Les débats avaient commencé dès le publication de Charisma, premier extrait de l’album. Il nous présentait un Pianos Become The Teeth qui avait effectué sa transition entre post rock et son ancien style, quelque chose de plus posé, de plus mélodique. J’avoue que personnellement, j’espérais réellement que c’était le retour du chant violent et intense de Kyle (le chanteur, vous l’aurez deviner), mais il faut dire que la formation a effectué une transition qui n’est pas des moindres.
Bon déjà, il convient d’oublier les éléments et la structure musicale de The Lack Long After. Disparus les breaks terribles et dévastateurs de Shared Bodies, les rythmiques rapides et martelées par un batteur hyperactif. On oublie également les riffs cinglants du Post-Hardcore / Screamo, mais surtout on efface toute éventualité du retour d’un chant extrême. Il y a en ce point précis deux profils types d’auditeurs du groupe. On passera ceux à qui le groupe est inconnu car ils prendront Wait For Love comme tel ; mais pour ceux qui étaient de gros fans des précédents, c’est un pas à franchir que d’abandonner le passion sulfureuse des débuts de Pianos Become The Teeth.
Mettons d’abord un terme sur le style musical désormais déployé par la formation. On pourrait ainsi parler d’Indie Rock, une musique relativement radieuse, toute aussi émotive mais plus de la manière si pessimiste que l’on connaissait aux précédentes sorties. Ici, nous avons d’avantage à faire à des morceaux énergiques, aux riffs bien plus doux, toujours accompagnés de la voix superbe de Kyle. Loin de tout chant extrême, c’est désormais un chant 100 % clair qui est proposé. Mais il n’est pas linéaire et lassant comme ça peut l’être dans d’autres formations. Le chanteur possède toujours la maîtrise qu’on lui connaissait, sachant faire varier comme il se doit sa voix. C’est ainsi qu’on retrouve des passages au tempo changeant très rapidement comme pour le refrain de Love On Repeat. La violence des cris laisse désormais place à la passion et la constance des longues lignes de chant claires (« Mercy now, mercy now bloooooood... » sur Bitter Red) .
On pourrait d’ailleurs développer un peu plus l’analyse de ce superbe titre qui expose bien les nouveautés sonores proposées. D’un couplet plus catchy aux riffs entraînants, on passe très rapidement à un refrain plus épuré, composé de quelques notes uniquement, mettant en avant les paroles et la voix dont j’ai parlé juste au-dessus. C’est cette atmosphère austère mais riche en émotion qui caractérise bien d’autres morceaux de l’album, comme Blue, contrastant par dualisme avec l’autre côté de cet album, les "tubes" (à prendre entre gros guillemets) très enjoués, pleins d’espoir et d’attentes heureuses, comme l’exposait très bien Charisma que nous avons déjà cité.
Finalement Wait For Love me rappelle en de nombreux points Keep You et ses passages très doux et lumineux,sans le côté névrosé qu’on pouvait parfois retrouver sur ce dernier. Plus "Rock", aux sonorités très indie qui caractérisent par exemple des groupes comme Now, Now (qui nous reviennent d’ailleurs aussi en 2018). Au risque de me répéter, je pense vraiment que Wait For Love est à prendre comme un élément à part du Pianos Become The Teeth que nous avons longtemps connu. Il est une fois de plus dans l’esprit du groupe, très émotif et introspectif, intime et sincère, mais est musicalement l’opposé de ce qu’ils ont pu nous proposer lors de leurs débuts. Ce n’est néanmoins pas un mal, loin de là. Il tient juste, le temps de l’écoute, d’occulter les sorties des débuts de Kyle et sa troupe, pour se focaliser sur la performance concrète fournie ici. Mais que les troubadours les plus attristés ne se méprennent point : avec cet album, vous aurez toujours le droit à votre dose de chair de poule, ce petit quelque chose de magiquement larmoyant qu’on retrouvait chez le groupe et ce peu importe la période (Dry Spells le témoignant très bien).
Après de longs tourments contés à travers plusieurs albums d’une qualité et d’une intensité incontestable, Pianos Become The Teeth peuvent se permettre d’attendre. Attendre le soleil, patienter sans soucis, oublier l’anxiété des coups de téléphones mortuaires et des faces déformées par la tristesse. Wait For Love rayonne d’un jour nouveau, habillé d’un nouveau paysage, nous dirigeant vers un tout nouvel univers musical où la maîtrise reste une qualité qu’on ne peut contester chez la formation américaine. Leur deuil est fait, entraînant avec lui le style qui forgea leur réputation. Bien évidemment, éternels seront les regrets des aficionados des premiers morceaux, le chant si torturé de Kyle semblant avoir été enterré pour de bon. Mais après tout, ça importe peu. Le jour brille, et les mélodies inondent l’espace. Prenez le temps d’attendre.
A écouter : 1