La surprise est de taille. Pensez donc, un nouvel album de Pianos Become the Teeth sans toute la partie scream, avec uniquement un registre Indie / Emo / Rock, on pouvait avoir des difficultés à laisser s’épanouir cette idée avec Old Pride ou The Lack Long After. Et pourtant, en quelques mois, les américains se sont forgés une nouvelle identité qu’ils prennent un malin plaisir à dévoiler sur Keep You.
Même si la tradition Post reste omniprésente (« Repine »), Pianos Become the Teeth s’envole vers des horizons plus radieux, avec un frontman laissant couler sa voix sur chaque titre. De la douce montée en puissance de « Late Lives » aux effluves vaporeuses de « Say Nothing » (et un retour aux origines sur les dernières parties vocales), les musiciens n’ont pas délaissé leur histoire peuplée de Post / Screamo, mais en ont atténué la fureur.
Si le poids des instruments est toujours aussi important, les paroles jouent toujours leur rôle. Touchantes, il faut reconnaitre qu’elles cachent toujours une amertume poignante, même si l’on devine assez aisément les thèmes abordés lorsqu’on lance chaque titre. Le ressenti global de Keep You est émotionnellement agréable, un peu comme si The National décidait de mettre en avant un côté moins Indie. Ce nouvel album captive, émeut, effleure et donne des frissons : de la fragile poésie de « Enamore Me » à la délicatesse malmenée de « Say Nothing », Pianos Become the Teeth exécute ses dix compos avec passion.
A première vue, ce Keep You est plus que prometteur. Pour autant, 2 points de vue s’opposent aisément.
D’une part, ceux qui n’attendaient rien ou qui ont apprécié la tournure prise par le combo : rien à redire, Keep You aura son charme et en ravira certains.
De l’autre côté, les déçus, qui attendaient un album dans la continuité de The Lack Long After avec un peu plus d’envolées screamo. Ils auront peut être raison puisque l’un des atouts de Pianos Become the Teeth s’est ici dévoilé sous une autre facette, même si le résultat manque encore de véritables forces : trop homogène, ce disque n’a pas de moment fort, certains passages se succèdent et se ressemblent, la folie et l’émotion de « I’ll be damned » ou « Filial » sont ici diluées dans un océan qui parfois semble trop calme. En s’évertuant à trop changer, Pianos Become the Teeth peut avoir perdu en intensité et en poigne.
Evolution intéressante que celle de Pianos Become the Teeth et en s’orientant sur des compos et interprétations beaucoup plus emo, le combo surprend. Pour autant, au travers de titres comme « April », il est une capacité à canaliser les sentiments qui accapare l’attention. Véritable réussite ? Il serait peut être un peu présomptueux d’aller jusque là, mais il faut reconnaitre que la prise de risque et les perspectives engagées par les Américains sont plus qu’intéressantes. Reste à peaufiner les détails.
L’évolution qu'on présentait depuis le split avec Touché Amoré est donc définitive et louable. Le problème, c'est que Pianos Become The Teeth se perd en cours route et semble ne pas savoir quelle tournure donner à leur nouveaux morceaux. Manque de vrais moments de bravoure, de passages trop calmes et surtout de compositions bien trop homogènes pour se révéler pleinement intéressantes, Keep You pâti de tout cela à force de taquiner les frontières de Indie / Post, qui n'est visiblement pas à la portée du premier groupe de Screamo venu. N'est pas Comadre qui veut.