Après plus de trente années passées sous l'étendard de Motörhead, que peut-on attendre du guitariste Phil Campbell ? Qu'il amorce doucement une fin de carrière, comme son comparse Mikkey Dee (batterie) qui s'est contenté de rejoindre des Scorpions vieillissants ? Que nenni, Campbell fait le choix de rester du côté créatif, en prenant un nouveau départ et en se plaçant cette fois au centre de l'attention, tout entouré de sang neuf : ses trois musiciens de fils, ainsi qu'un chanteur dont on ne débattra pas de la filiation malgré le nom du groupe, ceci ne nous regarde pas.
Première question qui nous taraude, une affaire de famille, c'est bien beau, mais la compétence coule-t-elle dans le sang, ou est-ce le piston qui fait tourner la grosse machine ? À l'écoute, il semble heureusement que la première solution soit la bonne. Sans vouloir faire de publicité pour une boisson alcoolisée, l'intégralité du clan Campbell s'en tire haut la main. Ça groove, ça rocke, ça roule, bref, niveau technique rien à redire, c'est bien rôdé, c'est simple et énergique, et c'est à peu près tout ce qu'on demande quand on a ainsi affaire à du gros Rock qui tache. On n'oublie pas non plus le chanteur, qui colle parfaitement à l'esprit : on ne vise pas la prouesse mais l'efficacité. Globalement, on ne s'éloigne pas franchement du son motörheadien ; moins axé Speed, un poil moins rugueux aussi, mais dans l'ensemble on s'imagine sans peine la voix de Lemmy remplacer celle de Neil Starr sans que ça détonne.
Jusque-là, tout va bien, donc. Mais voilà, on n'a pas encore abordé la composition, qui semble par moments un peu paresseuse. Le plus gros reproche qu'on pourrait adresser serait envers quelques titres qui s'embourbent dans des refrains répétitifs (Ringleader, Step Into The Fire, ou même Gypsy Kiss qui ne dure pourtant que 2 minutes 20). Au-delà de ça, rares sont les morceaux à se détacher de la masse : le tout s'écoute agréablement, d'accord, mais on en retient peu de choses. Jusqu'à la piste cachée, Silver Machine, reprise d'Hawkwind (le groupe de Lemmy avant Motörhead) : dynamisée et dépouillée de son côté Space Rock Psychédélique d'origine, on ne peut pas vraiment dire qu'elle sorte du lot. En fait, ce sont surtout les titres mid-tempo qui ressortent : Dark Days, en mode Southern Rock et harmonica, ou Into The Dark, plus mélancolique. Pour le reste, on citera simplement Freakshow, preuve s'il en faut que les bonshommes connaissent leur affaire.
Au fond, The Age Of Absurdity ne fait pas tache dans la discographie de Phil Campbell ; c'est simplement un album de plus. De quoi proposer du neuf en concert, continuer à avancer plutôt que de rester engoncé dans le passé. Peut-être aussi permettre à des musiciens prometteurs de s'épanouir sur scène avant de suivre leur propre chemin, pourquoi pas. Mais voilà : quitte à repartir sur de nouvelles bases, un peu plus de fougue aurait été bienvenue.
A écouter : Freakshow, Dark Days