« Esthétique racée », « production chaude et ronde » ou encore « mélodies soignées ». Voici entre autres ce que nous avions écrit il y a quelques mois à propos de l’excellent Dark Tower, Bright Lights de Cranial. Autant de mots à oublier au moment d’aborder le troisième LP des autres ex-Omega Massif car les trois-quarts d’heure qui suivent ne proposeront rien d’autre qu’un brutal voyage dans des contrées malsaines et inhospitalière. N’espérez même pas percevoir le bout du tunnel. Du début à la fin Into Dark Science s’emploie à maintenir l’obscurité la plus totale.
La trajectoire discographique de certaines formations semble être mue par une insatiable quête de la noirceur absolue. Il n’est pas ici question de la recherche des sonorités les plus extrêmes mais plutôt d’une forme d’âpreté, d’inhumanité. Depuis CVLT, d’album en album ce trait de caractère s’est à chaque fois renforcé, les compositions de Phantom Winter se faisant toujours plus massives, brutales et malsaines. Avec son assemblage d’ambiances industrielles, de dissonances, de la lecture d’un poème de Sylvia Path et de déchaînements de violence aussi impulsifs qu’éruptifs, le très bien nommé The Initiation Of Darkness nous plonge si brutalement dans cet univers noir que les premières écoutes s’en retrouvent dérangées, perturbées par cette apparente absence de compréhension de la structure globale. S’ils sont peut-être moins chaotiques, ne se dégage pas moins des morceaux suivants une ambiance malsaine, résultant en grande partie du jeu entre les deux chants et en particulier du plus aigu d’entre eux, personnification d’une forme de démon, de Gollum intérieur (Frostcoven). La tourmente qui se déchaîne au milieu de Ripping Halos From Angels offre ainsi un de ces moments de folie, où le rythme s’emballe dans une dynamique cyclonique qui finit par se heurter au chant le plus grave qui vient brutalement s’imposer. En termes de rythme, c’est d’ailleurs la lourdeur qui prédomine largement, comme avec The Craft And The Power Of Black Magic Wielding et son martèlement étouffant.
A contrario d’un Terra Tenebrosa, qui est sans doute l’un des maîtres absolus de l’extrême âpreté évoquée précédemment, les albums de Phantom Winter sont également porteurs d’une grande mélancolie. En cela leur musique se rapproche par certains aspects de celle de nombre de leurs compatriotes, à commencer par Downfall Of Gaia. Tantôt subtile émergence ne s’exprimant qu’au travers d’une discrète ligne de guitare, cette tristesse se fait au contraire, à d’autres moments, lame de fond, comme sur Frostcoven ou sur l’éponyme où elle est ancrée dans les fondations du morceau.
I am falling
Through a well
Then I drown.
But I hoped
To break my spine
Because you sang
It's a less painful
Way to die.
Sublimation du noir, Into Dark Science (dont les paroles prennent appui sur des textes d’Oscar Wilde, de Rainer Werner Fassbinder et d’autres auteurs allemands) s’achève sur un Godspeed! Voyager qu’Andreas Schmittfull, unique compositeur et parolier de la formation, considère comme porteur d’espoir et qui marque selon lui la fin d’un cycle. Une évolution semble donc à venir mais, pour tout dire, on n’imagine pas Phantom Winter verser subitement dans l’allégresse.
Into Dark Science s'écoute en intégralité ici.