Le chemin parcouru par Peste Noire, autrefois simple représentant de l'underground Black Metal français à de quoi surprendre. Miracle du bouche-à -oreilles virtuel, l'engouement suscité par le groupe n'a cessé de croître en moins d'un an, depuis la sortie de leur premier album en août 2006 jusqu'à cet été 2007 où son petit frère est déjà disponible. Entre-temps, un EP vinyle sortie en guise d'apéritif avait déjà affamé ce même underground, ainsi que deux lives. Ceux que La Sanie des siècles - Panégyrique de la dégénérescence avait déjà désorienté par sa production plus claire, ses nouvelles versions d'anciennes pistes remises au goût du jour et son succès surprenant ne devrait pas changé d'avis avec ce Folkfuck Folie.
Composé donc en moins d'un an alors que son prédécesseur avait hérité du patrimoine de plus de cinq années de travail acharné, Folkfuck Folie, qui comprend les quatre nouvelles pistes que présentait le précédent EP en retravaillé, nous montre un groupe changé. Ainsi, l'EP précédent n'était pas mensonger, le groupe a effectivement changé son fusil d'épaule et nous offre au lieu d'un Black haineux et mélancolique, un mélange Black/Thrash détonnant, plus instinctif et sauvage. Finis les compositions longues et décousues, Peste Noire frappe maintenant vite et bien, et sonne bien plus cohérent. Plus mature, leur boulot sonne davantage professionnel et évite les collages de riffs maladroits et les breaks hésitants en forme de silence comme par le passé. Toujours aussi sulfureux, le groupe n'hésite plus à se lancer dans des attaques frontales, et tape là où ça fait mal. En témoigne le court et expéditif Psaume IV, très bon condensé de ce que représente Peste Noire aujourd'hui. Vite, court, mais encore empreint de cette touche mélodique qu'on retrouvait sur les anciennes sorties du groupe. Les soli sont donc toujours de la partie, les riffs sont plus que jamais mélodiques, seul le spleen du groupe semble s'être évaporé.
Pourtant, L'Envol Du Grabataire (Ode A Famine) qui ouvre l'album aurait très bien pu se retrouver sur La Sanie des siècles. Tout le passé du groupe revient sur cette intro : la basse désenchantée, les cris déchirants derrière une guitare qui semble gémir, de l'acoustique... elle qui manque tant au reste de l'album. Elle se fait plus rare, avare en émotions, planqué entre les envolés Thrashy, comme sur La Fin Del Secle, à l'intro militarisante, mais sa discrétion rend ses apparitions précieuses, et évite la surenchère d'antan.
Et Folkfuck Folie égrène ses pépites, Chute pour une Culbute pour son urgence et ses multiples soli, Condamné A La Pondaison (Légende Funèbre) pour son ambiance malsaine et sa longueur unique ici, La Césarienne, signée Neige et son parfum Hardcore et catchy aussi rafraîchissant qu'inattendu, Amour Ne M'Anoit Ne Je Li et son ouverture qu'on croirait piqué à Alcest et la piste titre qui avec ses lyrics Punkisant, sa fougue et sa mélodie, qui synthétise finalement bien l'album en général.
Et c'est ça le plus beau, les meilleures compositions de Folkfuck Folie sont à des années des anciennes, et leurs qualités sont bien différentes. Pour qui espérait un retour aux sources, ou un La Sanie des siècles volume 2, le disque sera dur à avaler. Famine retourne sa veste (avec ses patchs à la gloire d'Iron Maiden et de l'anarchie), et se fait plaisir. La production elle, n'a pas bougée, si ce n'est que la voix est mixé plus en avant. Le groupe continue donc d'imposer son propre son, d'albums en albums.
Mais ce petit dernier n'est pas exempt de défauts pour autant. Ainsi est-ce que la longueur considérablement réduite des compositions est un avantage ? Sûrement oui, cela colle au caractère de folie et de rage du disque (car la colère a bien pris le pas sur la tristesse), mais quelques erreurs de calcul sont à déplorer. En effet, quelques titres auraient bien mérités quelques minutes supplémentaires et de perdre leur statut de quasi-ébauche, tandis qu'au contraire, l'album se serait vu facilement amputer de quelques minutes à droite à gauche. Je pense à Extrait Radiophonique D'Antonin Artaud, interlude irritante et vide d'intérêt, passé celui de la surprise. Des cris, des battements sourds, et puis plus rien. Ce n'est qu'une minute sur un CD qui en compte quarante-huit, mais elle est clairement de trop. Au même niveau que le speech qui introduit Maleiçon, où l'on supporte pendant trois minutes un discours évidemment pas très gentil, burlesque mais qui dure bien trop longtemps. Suffisamment pour ébranler l'unité d'un disque pourtant solide, avec cette pause de mauvais goût, d'autant que vient après une excellente piste. On pourra aussi trouver l'album assez court, surtout que Paysage Mauvais, dernière compo jure ici par son aura complètement différente, et pour cause, c'est une bonus track. Pas désagréable, mais pas vraiment à sa place. On pourra aussi, même si c'est le parti pris du quartet, reproché un disque trop stérile en émotion, là où le dernier opus prenait aux tripes et débordait de sentiments divers, de la haine comme de la dépression, qu'on ne trouve ici que sous forme de bribes, rongé par la colère impulsive qui s'interdit tout compromis.
On ne peut pas critiquer grand-chose chez cette nouvelle livraison, si ce n'est son contenu entier, aux confins d'un genre dont ses prédécesseurs avaient défendus avec force les couleurs (sombres). Pour ma part j'applaudis cette évolution bien mené, signe d'une envie pour le groupe de ne pas s'enfermer dans un style précis mais bien de pousser plus loin les barrières de leur musique et de surprendre son auditoire, gardant avec eux leur production si caractéristique et leurs insanité. La surprise me fut agréable, dommage pour qui n'accrochera pas à ce nouveau cru et se cantonnera aux demos crasseuses, vestiges du passé, un passé qui semble bien loin maintenant...
A écouter : Tout, sauf les divers intermèdes.