"C'est peut-être cela qu'on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir." Quête de Louis-Ferdinand Celine et de son Voyage au bout de la nuit, quête que l'on peut aussi rattacher à Paris Violence, qui depuis ses débuts nous recrache son ressenti de la morosité citadine en pleine gueule, comme pour calmer son angoisse face au néant de l'existence. Flav ne s'est d'ailleurs jamais caché de son admiration pour ce grand écrivain maudit, mais les références littéraires du groupe ne s'arrêtent pas là: Baudelaire, Cioran, Nietzsche, Huxley, ... Autant dire que l'on est loin ici d'une quelconque utopie humaniste, bien au contraire: les paroles sont résolument noires et désabusées. Impossible également ici de ne pas évoquer Jacques Tardi et ses bandes-dessinées relatant les faubourgs de Paris, les soldats et la guerre, avec en toile de fond cette misère omniprésente. Et si de telles inspirations artistiques plaçaient déjà le groupe comme une entité à part dans le paysage punk français (du "punk intellectuel" diront à tort certains), les influences new-wave et heavy-metal présentes sur L'Age de glace achèveront de démarquer définitivement Paris Violence . Car bien que puisant ses racines dans la oi! / punk des années 80, celle des premiers groupes skins anglais et des productions françaises du label Chaos Production, Paris Violence enrichit désormais ses morceaux de synthés et de quelques effets sur la voix. Au programme pour les amateurs ? Plongée dans le monde morose et gris du groupe, avec déprime en bonus pour les plus assidus.
Ouverture des hostilités avec quelques nappes de clavier qui feront sans doute déjà fuir les plus réfractaires aux synthétiseurs façon années 80. Pourtant, une fois habitué à ces sonorités, celles-ci se font finalement créatrices d'ambiance et enroberont tout l'album dans ce triste brouillard qui sied si bien au groupe. Une grisaille qui nous emmène au plus profond de la déprime urbaine, dépeignant les côtés les plus sombres de la ville-lumière ("Dans la tourmente", "Douche froide"). Mais au delà de cette thématique de l'enfer de la capitale particulièrement présente sur les précédents efforts du groupe, Paris Violence s'attaque ici à des sujets plus variés: vision apocalyptico-nihiliste de notre époque décadente sur le très nitzschéen "Crepuscule des Idoles", polar musical avec "Troisième Nuit Dans La Bagnole" ou illustration de l'enfer vécu par un prisonnier politique ("Psykhouchka"). Musicalement, on s'oriente vers un mélange assez inédit, avec ces riffs de guitare fruits d'une symbiose entre punk traditionnel et heavy-metal à la Iron Maiden, le tout surplombé par la voix de Flav, triste et rauque à la fois, confinant à de la oi! mélancolique (!) en somme. La durée des morceaux fera frémir les puristes à crêtes (ou aux crânes rasés): il n'est pas rare que l'on dépasse les 5 minutes, et bien que la complexité des morceaux soit plus grande qu'auparavant; on regrette quelquefois certaines longueurs. Autres défauts, des instruments pas toujours parfaitement calés et une production un peu limite, mais une fois plongé dans l'univers du groupe on fait finalement assez vite abstraction de ces quelques points noirs. Et ce surtout lorsqu'arrive le morceau phare de l'album, "Raison d'Etat", véritable hymne dénonciateur de la sanglante répression de la Commune de Paris en 1871, avec son refrain à foutre des frissons et ses couplets portés par la ligne de basse.
Un bon album au final, assurément non exempt de défauts, mais que l'on se prend vite à aimer, une fois entré dans l'univers glacial du groupe. Paris Violence se dévoile un peu plus sur cet Age de Glace: par ses textes, d'une part, plus variés (mais toujours aussi bons) qu'à l'accoutumée et qui sont souvent comme autant de petites tranches de vie. Par la musique, enfin, avec des agrémentations qui ne seront assurément pas du goût de tout le monde, tant ces sonorités souvent à la limite du kitsch freineront sans doute bien des ardeurs auditives, mais envouterons les autres un peu plus. Avis tranchés à l'horizon pour cet Age de glace, on aime ou on déteste en somme. Paris Violence laisse rarement indifférent de toute manière, et c'est bien tant mieux ainsi.
A écouter : "Raison d'Etat"