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Biographie
Panopticon se forme en 2007 dans le Kentucky à Louisville, à l'initiative de l'unique membre Austin Lunn (contribuant également à Agnosis, Kolga, Throndt, Plainwords, Anagnorisis). Le projet se distingue par l'inclusion d'instruments folkloriques (flûtes, violons, banjos, mandolines) dans sa musique, mais aussi par les thèmes abordés. En effet, Austin Lunn, contrairement à beaucoup de musiciens Black Metal, s'identifie aux mouvements politiques de gauche et s'intéresse à l'anarchisme, aux mouvements sociaux des travailleurs, etc... Côté productions, le one-man band ne tarde pas et sort un premier album éponyme un an après la naissance du projet, en 2008. S'ensuivent depuis plusieurs split ainsi qu'environ un album par an.
Seulement deux petites années après Revisions Of The Past et un split avec Waldgeflüster, le One Man Band Panopticon refait trembler le sol avec The Scars Of Man On the Once Nameless Wild, un double album basé sur les légendes Nord – Américaines. Divisé en deux parties, il est grandement inspiré de la Nature dans son ensemble et des Hommes qui ont contribué à la protéger.
The Rushing Waters From Everlasting Snow *
De la terre gelée naît les torrents les plus furieux. Réchauffée par les timides rayons d’un trop jeune printemps la neige meurt paisiblement après avoir recouvert de son manteau immaculé les paysages sauvages. Ce sont ces images qu’évoquent The Scars Of Man On the Once Nameless Wilderness. Celles de cycles éternels qui s’entrechoquent avec une force silencieuse. Ce sont des torrents nés de neiges éternelles que proviennent ces guitares, ces voix, ces mélodies. Ce sont dans ces flux tumultueux qu’Austin Lunn a déchaîné son talent. Dans cette première partie d’album on est confronté à une musique puissante, sincère et très typée. Dans un style de Post Black Metal que n’aurait pas renié Mgla ou Blut Aus Nord, les riffs tranchants comme les roches aiguisées de montagne. Chaque piste est comme un chemin tracé dans une forêt dense : on ne sait jamais où il va aller et pourtant on lui accorde une confiance absolue, comme si les balises sonores nous servaient de guide. En effet dans cette première partie on évolue en terrain connu. On revoit ces paysages grandioses auxquels nous avons été habitués lors des opus précédents. Et pourtant on se laisse surprendre une fois encore par la richesse de chaque piste, tous les petits ornements, gimmicks qui viennent donner un cachet de première classe à l’ensemble. Il serait injustifié de mettre en avant un morceau plutôt qu’un autre tant Lunn parvient à cet équilibre si subtil qui permet de maintenir l’attention de l’auditeur, de sculpter ses sons comme un vieux baroudeur façonnerait son bâton de marche. Cette première partie se termine par Snow Burdened Branches, qui est un extrait du film The Wilderness World par Sigurd F. Olson (plus d'infos ici). Ce n’est pas un hasard car cet homme a joué un rôle fondamental dans la protection de l’environnement qui est si cher à Austin Lunn.
The Young Sapling **
Il fut un temps reculé, la Nature n’avait pas de nom. Elle n’était pas un endroit où on allait se détendre pour oublier les tracas de la ville, elle était notre début et notre fin, celle qui nous nourrissait et nous tuait. C’est la satisfaction des besoins les plus simples qui apportent le plus de plaisir. Ce mode de vie proche de nos racines qui est mis en avant n’est pas un rejet complet du monde tel qu’il est, mais plutôt un rappel qu’il faut savoir préserver ce qui à de l’importance. Si la première partie était un torrent furieux ici il s’agit plutôt d’une brise agréable. Les sons se désaturent et créent une atmosphère unique pleine de voix et de légendes de la culture Nord-Américaine. Elles grandissent à chaque écoute, reviennent dans le présent et font apparaître des présences que l’on peut seulement surprendre du coin de l’œil. Violons, accordéons, guitares, mandolines, banjos, harmonicas et tant d’autres viennent se poser sur les voix qui racontent ces fantômes oubliés qui habitent dans les bois. Beast Rider nous berce de mystères, A Cross Abandonned a un côté très Floydien, Echoes In The Snow est entraînante, The Wandering Ghost est bondissante … chaque morceau est empreint de personnalité et nous ouvre son petit univers comme un rayon de soleil entre les arbres qui nous montre la forêt sous une autre perspective.
Il y a tant à dire et en même temps c’est avec la force de l’évidence que Panopticon s’installe comme une référence incontournable du Metal dans son ensemble. Lunn nous fait passer des émotions très fortes de tant de manières différentes qu’il est clair que The Scars Of Man On the Once Nameless Wilderness sera un album qui va marquer profondément les esprits.
* Les Torrents issus de Neiges Éternelles ** Le Jeune Arbre
A écouter : Souvent
C'est sur un air de banjo que trois ans en arrière, Panopticon introduisait Kentucky et chantait le folklore du Nouveau Monde, raflant au passage un succès mérité et une bonne place au sein de la scène USBM. Depuis, l'homme derrière ce projet solo n'a pas déçu et a récemment accouché de l'ultime effort de cette trilogie unique.
Malgré seulement une année écoulée entre Autumn Eternal et Roads To The North, la tête pensante change la donne sur ce dernier opus. Le one man band n'a a priori pas de soucis à se faire pour rester dans les petits papiers des fans de Black Atmo mais se défait sur cette sortie d'éléments qui jusque là le rendaient unique. Adieu les violons plaintifs et lancinants, les épisodes folkloriques qui réchauffent le coeur au milieu de terres mortes et hostiles. La musique d'Autumn Eternal arbore plutôt les couleurs chatoyantes présentes sur la cover, un paysage sonore tout aussi splendide que mélancolique. Les riffs puissants se parent de mélodies Post-Rock, bien que l'instrumentation soit toujours aussi survoltée, nourrie par la batterie versatile et ravageuse et du tremolo picking infatiguable (Autumn Eternal). A vrai dire, Austin ne propose pas un Black incisif et haineux, car l'artiste se focalise bien plus sur des ambiances aériennes où la violence est au service de mélodies belles et triomphantes. Into The North Woods brille alors par sa richesse sonore et ses notes aiguës presque sorties tout droit du Melodeath ou du Heavy.
Plus accessible que ses prédécesseurs, cet opus tend vers un Black Metal Atmosphérique relativement conventionnel mais pourtant intéressant, comportant son lot de passages planants sur la plupart des titres, dont un Oak's Ablaze qui entraîne son auditeur dans le lointain vers de vastes espaces sauvages. Par leur force et par les images mentales qu'ils créent, chaque morceau nous plonge au beau milieu d'une nature toute puissante où les hommes subissent et admirent en même temps les caprices des éléments. Sleep To The Sound Of The Waves Crashing, seule piste véritablement méchante, restitue bien ces tourmentes et donne de quoi se sentir pris au coeur d'une tempête impitoyable, tandis que Pale Ghosts est presque rendu vertigineux tant ses lignes de guitares et son chant arraché évoquent l'immensité. Pour autant, sonnant moins vindicatif que sur Kentucky et plus lumineux que Roads To The North, cet opus respire une certaine sérénité dans son ensemble et nombreux sont les passages plus lents, épurés et accompagnés d'une six-cordes dénuée de distorsion. Panopticon joue de ces accalmies, et nous de respirer avant une nouvelle ascension (A Superior Lament).
L'album conclut un voyage en trois actes sur une note plutôt positive, refermant avec élégance ce récent chapitre de la carrière de Panopticon. Quête du son et des sens, chacune des offrandes de l'Américain aura bénéficié d'une identité propre tout en s'inscrivant dans un continuum depuis les premières notes de Bernheim Forest In Spring en 2012.
Le solstice d’été à peine passé, Roads To The North et son
géniteur ont décidé d’insuffler leur vague de froid venue du Nouveau Monde sur
les terres de Bandcamp, bien résolus à squatter les charts de la section Metal
pour un petit moment. Sans doute précédé de sa réputation musicale, justifiée
par un album comme Kentucky, Panopticon a visiblement su charmer une nouvelle
fois par son approche si atypique du Black Metal. Fourmillant d’influences et
guidés par cette envie de toucher à tout, l’Américain propose une épopée unique
loin d’avoir volé son succès.
Si la formation est avant tout connue parmi les amateurs,
c’est pour ce mélange a priori inconcevable du Blues Grass au Black ; choc
des cultures, Etats-Unis et Europe du Nord, essence chrétienne contre
inspiration satanique et païenne. Néanmoins, les deux genres restent unis dans
le désespoir et la mélancolie, sentiments évidents à l’écoute de cet opus au
caractère très atmosphérique. On y retrouve des échos Post-Rock sous-jacents
(« The Long Road Part 3 ») teintés d’une tristesse rappelant La Mort
Du Soleil de Sombres Forêts ; la flûte plus rarement ou le violon, présent
à de nombreuses reprises, renforcent eux aussi ce ton dramatique et
accompagnent les multiples mélodies des guitares. Si celles-ci décochent bon
nombre de riffs typiques du Black, elles versent par ailleurs beaucoup dans
l’acoustique, à la manière de Bergtatt (Ulver), et nous ramènent à un son
beaucoup plus organique, comme sur le final très Xasthurien qu’est « Chase
The Grain ». Fruit d’un travail que l’on imagine considérable, l’ensemble
sonne juste, cohérent, et le mélange ne sonne pas comme artificiel et créé de
toutes pièces simplement pour se démarquer.
Ainsi par son audace créatrice, Panopticon parvient à nous
ouvrir les portes d’un univers onirique et lointain. Alors que son prédécesseur
rendait hommage aux mineurs du Kentucky par une rage virulente et une part
prépondérante accordée à la Country, Roads To The North semble davantage
focalisé sur un périple que nous narrent voix et mélodies poignantes des
guitares. Parmi les échos et la batterie déchaînée se dessinent alors des riffs
que ne renieraient pas leurs compatriotes de Wolves In The Throne Room
(« Capricious Miles »), ou encore Saor et Falls Of Rauros, exemples
difficilement contestables en matière de tableaux sauvages et hivernaux. Guide
le temps de huit morceaux dépassant l’heure d’écoute, le one-man band use de
tout son talent pour nous transporter vers les méandres de son Art. Du départ
en trombe de « The Echoes Of A Disharmonic Evensong » jusqu’aux
dernières minutes de l’album, les paysages sonores changent, nous font côtoyer
le très enjoué et folklorique « One Last Fire » qui laisse place aux
guitares, banjos et mandolines, ou encore ce « Norwegian Nights »,
ballade acoustique où perce une voix claire presque haletante, fatiguée par la
distance, le froid et la fatigue. Tout comme l’opus précédent, Roads To The North
prend aux tripes car on ne saurait nier sa sincérité, tant l’effet cathartique
entre l’œuvre et son auteur semble fort, intense comme ces cris sur « In
Silence » qui ne laisseront pas l’auditeur indifférent. Austin Lunn sait
rendre ses émotions contagieuses, sans doute l’un des atouts majeurs de cet
album. Ici point de haine, place à la contemplation, l’imagination. Panopticon
fait partie de ces Romantiques (au sens strictement artistique entendons-nous
bien) du Black Metal, et ne nous encourage qu’à fermer les yeux et apprécier la
beauté d’une musique pourtant bien noire.
Roads To The North est à vivre comme un véritable voyage à
travers de vastes et diverses étendues naturelles et musicales que l’on
revisite chaque fois avec un plaisir semblable. Malgré un thème que l’on aurait
pu penser plus qu’éculé pour le genre, Panopticon parvient à nous plonger dans
ces scènes glacées où l’on oublie un temps les forêts scandinaves pour le
folklore américain, où la chaleur de la country prend une toute autre saveur,
et où l’exotisme déroute plus qu’agréablement les Européens que nous sommes.
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