Oranssi Pazuzu

Black Metal Psychédélique

Finlande

Mestarin Kynsi

2020
Type : Album (LP)

Chronique

par nonohate

Rares sont les groupes à notre époque qui réussissent encore à innover au point de transcender la scène musicale qui les a vus naître pour la transporter vers des sentiers inexplorés et la marquer en profondeur. Si on a pu récemment compter dans cette catégorie restreinte une œuvre comme You Won't Get What You Want de Daughters, dont on ne mesure pas encore toute l'étendue de son impact et l'influence qu'il aura sur les prochaines années, il est un nom qui est régulièrement cité lorsqu'il s'agit de lister des prétendants à cette catégorie et ce nom est Oranssi Pazuzu.

Habitués des chemins tortueux et des expérimentations au sein de leur musique, l'univers des Finlandais balaie un large panel d'influences diverses et variées. Le groupe a d'ailleurs été plutôt prolifique depuis la parution de Värähtelijä en 2016 et de l'EP Kevät / Värimyrsky l'année suivante. Son accointance avec le festival Roadburn où il s'est produit maintes fois ainsi qu'au travers d'autres projets chez qui officient la plupart de ses membres (Grave Pleasures et Kairon; IRSE! notamment) a d'ailleurs débouché sur une collaboration avec le groupe Dark Buddha Rising. À l'initiative du festival, ce projet est devenu, après transposition sur album en 2019, un véritable nouveau chapitre sous le nom Waste Of Space Orchestra. Forts de cette expérience enrichissante, les musiciens n'ont pas mis bien longtemps avant de retrouver le chemin du studio et de nous revenir en 2020 avec Mestarin Kynsi.
En dépit d'une signature chez Nuclear Blast Records après leur départ du label Svart Records, pas de chamboulement du côté des collaborateurs sur l'album puisqu'on retrouve Julius Mauranen derrière la table de mixage. Non, la vraie évolution est plus sous-jacente et touche à leur propre approche de la composition.

Singulière et très inspirée par le Space Rock et le Krautrock, celle-ci prend le temps de mettre en place plusieurs boucles psychédéliques entêtantes, appuyées ici par une présence accrue du synthétiseur (Ilmestys), tandis qu'à contrario les explosions de riffs et de blasts se veulent plus brutales et sans détour (Taivaan Portti). Des aspects de leur musique pensés pour une réelle immersion de l'auditeur comme sur le titre Kuulen Ääniä Maan Alta dont la progression quasi-Swansienne, n'ayons pas peur des mots, laisse s'exprimer chaque musicien à travers un court échange puis culmine lors d'un pur moment d'essence Oranssi Pazuzu. Les voix répétitives et minimalistes de Uusi Teknokratia rappellent étrangement la façon dont Steve Reich a pensé l'utilisation des chœurs sur sa pièce The Desert Music, d'abord à peine perceptibles dans le fond sonore ambiant puis s'élevant peu à peu jusqu'à la cassure au pont du morceau où les instruments viennent reprendre le thème et le propulser encore plus loin.
Ce Uusi Teknokratia justement, qui dépasse à peine la dizaine de minutes, est une véritable charnière sur l'album. Bien que la formation nous ait pourtant habitué à des titres bien plus longs comme Vasemman Käden Hierarkia sur Värähtelijä et ses 18 minutes tout en montée doomesque, on en vient vite à la conclusion que Mestarin Kynsi n'en a nul besoin pour briller plus encore que son prédécesseur. Car si à travers leur discographie passée, certains de leurs albums souffraient de quelques inégalités entre les morceaux, ce n'est point le cas ici. Les six titres qui le composent sont parfaitement à leur place et ne font preuve d'aucun défaut de rythme. Dégageant un ensemble d'une grande homogénéité et se distinguant chacun par une identité propre qui au fil des écoutes nous laisse abasourdi par le tour de force que les Finlandais ont réalisé.

À un tel degré de brouillage des frontières, il n'est finalement pas pertinent de continuer à verser dans le dropping de genres et d'étiquettes pour essayer de qualifier ce Mestarin Kynsi, si ce n'est le chant toujours aussi distinctif de 'Jun-His' qui vient nous rappeler une des influences principales de la formation. Bien loin de l'image froide et stagnante que certains peuvent avoir du Black Metal, Oranssi Pazuzu accentue avec cet album sa place de figure de proue à l'avant-garde de la scène, si tant est qu'il faille encore le souligner.

17

A écouter : 1

Les critiques des lecteurs

Moyenne 16.58
Avis 12
Unsocialeh July 1, 2020 11:39
Je découvre seulement Oranssi Pazuzu avec cet album (ouais je sais..) Scotché du début à la fin, après avoir jeté un rapide coup doeil à leur discographie ce qui caractérise Mestaryn Kynsi est sa production vraiment démentielle qui rend lensemble ultra homogene malgré le nombre incalculable de registres traversés et l'omniprésence des synthés. Complètement hallucinogene (Le drop aux 2/3 de Tyhjyyden Sakramenti! Envolée finale avec Taivaan porti)
18 / 20
SkaldMax June 23, 2020 18:36
Un album très différent du déjà excellent Värähtelijä. Du synthé à tout bout de champ et une pochette sublime, que demande le peuple?
17 / 20