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Biographie

Oranssi Pazuzu

Oranssi Pazuzu est un groupe de Black Metal Psychédélique formé en 2007 en Finlande par un quintet constitué de Ontto (Basse), Krojak (Batterie), Moit (Guitare), Evil (Claviers / Percussions) et Jun-His (Guitare / Chant).
Adoptant une posture très différente des autres groupes de Black-Metal, Oranssi Pazuzu choisit la voix du psychédélisme autant dans leur approche musicale expérimentale que dans les paroles qui évoquent la relation entre l'homme et l'univers. Cela vient entre autre du leader Jun-His, ancien membre du groupe de Space-Rock, Kuolleet Intiaanit.
Leur premier et surprenant album Muukalainen Puhuu sort en 2009 et fait parler de lui. Après un split avec Candy Cane en 2010, une suite lui est donné en 2011, nommé Kosmonument mais c'est avec leur troisième album Värähtelijä, qui sort en 2016, que la formation finlandaise change de dimension. Le succès critique est alors unanime. 2017 est marqué par la sortie d'un EP intitulé Kevät / Värimyrsky. Ce dernier explore les facettes les plus Post du groupe. En 2018, ils s'allient avec Dark Buddha Rising, groupe tout droit venu de Tampere comme eux, sous le nom de Waste Of Space Orchestra pour un concert exceptionnel au Roadburn, suivi d'une sortie studio de cette pièce. En 2020, ils signent chez Nuclear Blast Records et sortent Mestarin Kynsi qui rencontrera un franc succès.

17.5 / 20
12 commentaires (16.58/20).
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Mestarin Kynsi ( 2020 )

Rares sont les groupes à notre époque qui réussissent encore à innover au point de transcender la scène musicale qui les a vus naître pour la transporter vers des sentiers inexplorés et la marquer en profondeur. Si on a pu récemment compter dans cette catégorie restreinte une œuvre comme You Won't Get What You Want de Daughters, dont on ne mesure pas encore toute l'étendue de son impact et l'influence qu'il aura sur les prochaines années, il est un nom qui est régulièrement cité lorsqu'il s'agit de lister des prétendants à cette catégorie et ce nom est Oranssi Pazuzu.

Habitués des chemins tortueux et des expérimentations au sein de leur musique, l'univers des Finlandais balaie un large panel d'influences diverses et variées. Le groupe a d'ailleurs été plutôt prolifique depuis la parution de Värähtelijä en 2016 et de l'EP Kevät / Värimyrsky l'année suivante. Son accointance avec le festival Roadburn où il s'est produit maintes fois ainsi qu'au travers d'autres projets chez qui officient la plupart de ses membres (Grave Pleasures et Kairon; IRSE! notamment) a d'ailleurs débouché sur une collaboration avec le groupe Dark Buddha Rising. À l'initiative du festival, ce projet est devenu, après transposition sur album en 2019, un véritable nouveau chapitre sous le nom Waste Of Space Orchestra. Forts de cette expérience enrichissante, les musiciens n'ont pas mis bien longtemps avant de retrouver le chemin du studio et de nous revenir en 2020 avec Mestarin Kynsi.
En dépit d'une signature chez Nuclear Blast Records après leur départ du label Svart Records, pas de chamboulement du côté des collaborateurs sur l'album puisqu'on retrouve Julius Mauranen derrière la table de mixage. Non, la vraie évolution est plus sous-jacente et touche à leur propre approche de la composition.

Singulière et très inspirée par le Space Rock et le Krautrock, celle-ci prend le temps de mettre en place plusieurs boucles psychédéliques entêtantes, appuyées ici par une présence accrue du synthétiseur (Ilmestys), tandis qu'à contrario les explosions de riffs et de blasts se veulent plus brutales et sans détour (Taivaan Portti). Des aspects de leur musique pensés pour une réelle immersion de l'auditeur comme sur le titre Kuulen Ääniä Maan Alta dont la progression quasi-Swansienne, n'ayons pas peur des mots, laisse s'exprimer chaque musicien à travers un court échange puis culmine lors d'un pur moment d'essence Oranssi Pazuzu. Les voix répétitives et minimalistes de Uusi Teknokratia rappellent étrangement la façon dont Steve Reich a pensé l'utilisation des chœurs sur sa pièce The Desert Music, d'abord à peine perceptibles dans le fond sonore ambiant puis s'élevant peu à peu jusqu'à la cassure au pont du morceau où les instruments viennent reprendre le thème et le propulser encore plus loin.
Ce Uusi Teknokratia justement, qui dépasse à peine la dizaine de minutes, est une véritable charnière sur l'album. Bien que la formation nous ait pourtant habitué à des titres bien plus longs comme Vasemman Käden Hierarkia sur Värähtelijä et ses 18 minutes tout en montée doomesque, on en vient vite à la conclusion que Mestarin Kynsi n'en a nul besoin pour briller plus encore que son prédécesseur. Car si à travers leur discographie passée, certains de leurs albums souffraient de quelques inégalités entre les morceaux, ce n'est point le cas ici. Les six titres qui le composent sont parfaitement à leur place et ne font preuve d'aucun défaut de rythme. Dégageant un ensemble d'une grande homogénéité et se distinguant chacun par une identité propre qui au fil des écoutes nous laisse abasourdi par le tour de force que les Finlandais ont réalisé.

À un tel degré de brouillage des frontières, il n'est finalement pas pertinent de continuer à verser dans le dropping de genres et d'étiquettes pour essayer de qualifier ce Mestarin Kynsi, si ce n'est le chant toujours aussi distinctif de 'Jun-His' qui vient nous rappeler une des influences principales de la formation. Bien loin de l'image froide et stagnante que certains peuvent avoir du Black Metal, Oranssi Pazuzu accentue avec cet album sa place de figure de proue à l'avant-garde de la scène, si tant est qu'il faille encore le souligner.

Kevät / Värimyrsky ( 2017 )

La nuit est tombée, sombre, glaciale, désincarnée. Oubliez les boucles hallucinées et tribales qui conféraient à Värähtelijä la chaleur malsaine d’une transe chamanique. Long développement progressif d’une trame mid-tempo aux ambiances lugubres, Kevät vous enveloppe de sa noirceur. Le chant de Jun-His, plus menaçant que jamais, accentue le malaise, le sentiment d’inhospitalité. En comparaison, émerge de Värimyrsky une relative sensation de clarté. A l’image des nuits finlandaises, qui peuvent être peuplées d’aurores boréales, cette seconde face du diptyque se montre plus lumineuse. Reposant sur une ligne de basse toute en rondeurs, les guitares se font d’abord aériennes avant de se mêler aux nappes électroniques pour former une envolée finale cosmique.

Un an après la sortie du monument Värähtelijä, Oranssi Pazuzu n’est pas là où on l’attendait. Tirant (le temps d’un EP ?) un trait sur les sonorités Black pourtant fondatrices de leur musique, les finlandais délivrent une production radicalement différente. La référence a beau être éculée, on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a du Cult of Luna dans ces constructions toutes en agrégation, dans ces lignes de synthé. Dans un autre style, l’ambiance générale rappelle celle développée par leurs compatriotes Unkind avec leur dernier EP, Polku. A bien y réfléchir, le seul reproche que l’on pourrait formuler à l’égard de Kevät / Värimyrsky est qu’il ne se suffit pas à lui-même et ne peut ainsi qu’être considéré que comme un complément. En ce sens, il ne possède donc pas la force de son illustre prédécesseur. Indulgents, ce n’est peut-pas non plus ce que l’on lui demandait.

17 / 20
14 commentaires (17.39/20).
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Värähtelijä ( 2016 )

Amis lecteurs, vous vous êtes souvent demandés à quoi ressemblerait une fusion de Destruction UnitCan et Darkthrone, probablement convaincus qu'aucun musicien n'oserait un jour se lancer dans ce défi fou ou bien que le résultat ne serait qu'un témoignage de l'impossibilité de faire cohabiter de tels monstres sacrés de la musique. Votre attente prend fin aujourd'hui grâce à Värähtelijä, le nouvel album de Oranssi Pazuzu.

Les Finlandais avaient déjà bien avancé sur cette voie touffue et escarpée de l'hybridation toute leur carrière durant mais il semble bien que leur ascension soit terminée et que nous puissions contempler les résultats de leur difficile effort. Leur quatrième album s'éloigne à grand pas du Black Metal traditionnel pour n'en garder que l'essence, cette science du riff répété de manière hypnotique jusqu'à la perte de tous repères spatiaux et temporels, qualité partagée par le Krautrock et le Space Rock. Il conserve également cette atmosphère froide, sombre et mystérieuse qui donne toute sa couleur à Värähtelijä, personnifiée par la voix de Jun His, maître à penser des démons oranges. 

Les compositions se basent sur une construction souvent similaire, la répétition d'un thème fort, aux accents tribaux dans la plupart des cas ("Vasemann Käden Hierarkia") afin d'amener le lecteur tout en douceur vers le centre d'une forêt hantée. Il ne se méfie pas, entre de son plein gré et comprend trop tard avec quelle force il sera frappé. Solis hallucinés, claviers dignes de bandes originales de films d'horreurs ("Hypnotisoitu Viharukous") ou blast beats brutaux, réminiscence du passé du groupe et d'une époque révolue ("Havuluu"). 

Inventif, Vibreur (oui, c'est bien la traduction du titre) l'est tout autant qu'il est maîtrisé. Oranssi Pazuzu fait appel à chaque style évoqué plus haut et met en avant son caractère unique sur la scène musicale actuelle. D'une durée de plus de 69 minutes, le disque est construit autour de sept pistes ayant chacune leur petite personnalité, de la lugubre "Lahja" à "Valveavaruus" et sa conclusion électronique et mélancolique. 

Oranssi Pazuzu a, avec son dernier disque, créé le cauchemar de tout critique musical : un album excellent, que l'on prend plaisir à écouter mais qui se moque des styles et de toute appartenance à une école comme de sa première corde. Il n'est pas plus agréable avec son auditeur, au moins au premier rapport : dense, riche, long, parfois répétitif, il n'est pourtant jamais ennuyeux et se digère avec le temps. Si nous devions donner une description simple à ce disque complexe, nous dirions ceci : comme son artwork, Värähtelijä est inquiétant, sombre et pourtant lumineux, dense et pourtant aisé à appréhender, une fois que l'on est en son centre. 

A écouter : Sous acide, perdu dans une forêt hantée