Dire qu'Opeth n'est plus que l'ombre de lui même est un doux euphémisme. Le virage musical n'est plus à démontrer, certains ont accepté la mutation tandis que d'autres la rejettent en bloc, et ce nouvel album, une fois de plus, ne viendra pas vraiment contenter les deux parties. La bonne nouvelle par contre, c'est qu'Opeth assume de mieux en mieux son prog-rock aux relents seventies, et accouche ici de son album (post Watershed) le plus abouti.
On reste bien évidemment très en deçà de ce que pouvait proposer le groupe quelques années en arrière, mais globalement cet album est une bonne surprise, surtout si vous avez trouvé Pale Communion fade et Heritage un peu trop hybride pour réellement marquer les esprits.
Dans une certaine mesure, le groupe semble avoir pris de l'assurance dans l'élaboration des titres de ce Sorceress, les aspirations prog sont - et peut être pour la première fois depuis le virage stylistique - complètement assumées, vidées de leur substance composite, ce mélange heavy / prog qu'on sentait bridé ou au contraire un peu trop forcé.
Les passages heavy sont ici moins nombreux mais tellement mieux amenés, tellement plus pertinents et donc beaucoup plus marquants. Quelques écoutes de Era, The Wilde Flowers ou Strange Brew suffiront à vous convaincre de cette composante qui paraît anodine au premier abord mais qui deviendra évidente après quelques écoutes.
Quant aux passages purement prog 70's, à savoir une bonne moitié de l'album, et le point faible de l'album, on hésite longtemps entre pur ennui et génie mélodique, mais des titres comme Will O The Wisp, A Fleeting Glance ou The Ward laissent entrevoir une nette amélioration par rapport au vide musical de The Pale Communion, un effort technique et mélodique fort appréciable.
Après avoir digéré un peu cette petite heure bien dense, certains morceaux ressortent du mix, et déploient une patte artistique qui s'éloigne un peu de l'héritage musical qu'Åkerfeldt semblait vouloir jusque là inévitablement incorporer dans chaque morceau (Can, Jethro Tull, Yes, etc...), si bien qu'on entrevoit au bout de cet album un semblant de son propre au groupe, qu'on pouvait jusque là sentir, deviner, mais sans que ce soit jamais complètement évident sur ces trois derniers albums. Quelque chose de caractéristique au groupe, quelque part entre Harvest (Blackwater Park), quelques titres de Damnation, de Watershed, avec ce qu'il faut de mise à plat et de réalisme.
Globalement cet album est assez étonnant, on s'y ennuie fermement dès les premières écoutes, mais quelque chose d'assez peu palpable, de difficilement discernable, vous y fera revenir un bon nombre de fois, peut être les quelques titres qui sortent du lot : Sorceress et son mid tempo presque stonisant, sa basse ronflante, The Wilde Flowers et son dénouement heavy atypique, Will O The Wisp, tout simplement magnifique, ou encore Strange Brew, Chrysalis et Era, ce qu'a composé de mieux Opeth depuis bien longtemps. Ou peut être encore cette section rythmique hallucinante, petit bijou de symbiose et d'alchimie, basse et batterie font des merveilles sur cet album, et du début à la fin tout y est subtil et finement ciselé.
Bref, si l'ensemble paraîtra toujours aussi léger et ennuyeux pour les fans de la première heure, qui ont le droit d'être déçus et perplexes, ce Sorceress reste à n'en pas douter la meilleure chose que le groupe a sorti ces six dernières années.
Même si je respecte tout à fait les choix artistiques opérés (je ne vais pas demander à un musicien de jouer quelque chose qu'il n'a pas/plus envie de jouer), je suis un grand déçu de l'orientation prise par le groupe depuis Heritage que je n'ai pas aimé (ni Pale communion), mais je dois avouer que ce Sorceress est plutôt une bonne surprise. Même si je ne le trouve pas extraordinaire (bon, oui, mais pas plus), il me donne enfin envie de m'intéresser à ce "nouveau" Opeth. J'attends la suite avec curiosité.