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Biographie

Oomph!

Quand on parle de Metal Indus outre-Rhin, le nom de Rammstein s’impose avec lourdeur. C’est pourtant presque 5 ans avant que Oomph! prends vie avec un premier album éponyme sorti en 1991. Débuts très électro et brutal dans la ligné de Ministry, le groupe continue sur sa lancée avec Sperm, sorti 3 ans plus tard, en jouant la carte de la provocation avec un visuel assez suggestif, ce qui fait parler d’eux ! Les deux albums suivants, Defekt et Wunshkind, explorent des terres plus électrique, plus metalliques. Unrein sorti en 1998 est sûrement l’album le plus violent de leur discographie : visuel satanique et autres réjouissances sont au rendez-vous. 1999 est l’année du tournant : crucifix, hurlements, orgues et chants grégoriens sont mis au placard et Oomph! dévoile une facette plus lumineuse où mélodies et subtilités se partagent l’affiche avec Plastik où figure tout de même un duo avec Nina HagenEgo paru en 2001 pousse encore plus loin dans cette voie avec un son plus abouti, Oomph! a parcouru beaucoup de chemin dans l’ombre de leurs célèbres collègues en cultivant un son plus organique et sincère. En 2004 sort Whareit Oder Pflicht qui, comme à chaque fois, recèle d’un contenu imprévisible et bluffant, suivit en 2006 par GlaubeLiebeTod. Oomph! revient en 2008 avec Monster. son dixième album, après près de vingt ans de carrière.

Richter Und Henker ( 2023 )

Difficile de parler du dernier Oomph! sans évoquer le changement historique qui s'est produit en 2021 : alors que le trio était stable depuis sa formation en 1989, voilà subitement que son frontman quitte l'aventure. Et tandis que Dero Goi (l'ex-chanteur, donc) entame une carrière solo plus axée Electro, Oomph! revient en 2023 avec un nouveau vocaliste et un nouvel album attendu au tournant.


Dans ces conditions, on s'inquiète forcément : ont-ils trouvé un remplaçant à la hauteur ? La transition va-t-elle se faire sans accroc ? Dans les faits, cette transition se fait même tellement en douceur que celui et celle qui ne suit le trio que de loin n'y verra sans doute que du feu. Der Schulz (le nouveau venu) pose un timbre très similaire à ce dont on avait l'habitude, peut-être un poil plus grave sur certains passages, peut-être un peu moins versatile, mais dans le fond, pas de changement vraiment significatif… Ce qui est à la fois rassurant et un peu décevant : en l'état, on serait presque tenté de lui reprocher un manque de personnalité, de se contenter de suivre le modèle de son prédécesseur. Mais pour son premier album avec le groupe, si le but était de prouver qu'il y était à sa place, c'est mission accomplie. Espérons simplement qu'il se lâchera davantage à l'avenir.


Maintenant, que le nouveau chanteur n'appose pas sa propre personnalité, c'est une chose. Mais que musicalement non plus, Richter Und Henker ne se démarque pas, c'en est une autre. Exit les sonorités plus dures retrouvées sur les deux précédents albums, on sent une volonté de renouer avec l'aspect plus immédiat, plus tubesque qui a fait exploser leur popularité dans les années 2000, tout en restant concentré sur quelque chose de typé Metal Indus, évitant de partir dans tous les sens (coucou Des Wahnsinns Fette Beute)... En somme, tout ça ressemble fort à une tentative de nous servir très exactement ce qu'on attend de Oomph!. Pour un résultat un peu mitigé : si ça ne tombe jamais à côté de la plaque, on ne peut pas non plus dire que ce soit particulièrement brillant, certains titres fonctionnant bien, d'autres s'avérant plus oubliables.

Ça commence pourtant de façon efficace avec Wem Die Stunde Schlägt, titre d'ouverture et premier single, c'est dynamique, ça rassure quant à cette nouvelle version du trio, bref, ça remplit bien son rôle. Puis on enchaîne sur le morceau-titre, Richter Und Henker, un peu plus posé, qui mise davantage sur son ambiance, et là aussi la sauce prend. On rencontrera également Nur Ein Mensch et son côté plus martial, autre choix évident de single. Et surtout, on terminera par le morceau le plus intéressant du lot, le plus atmosphérique Ein Kleines Bisschen Glück et son refrain poignant, bien belle manière de clore le disque.

Quant au reste… ah, il y avait un reste ? Je plaisante, mais seulement à moitié. Le reste fait le job, rien de plus. Des couplets sur fond de sonorités plus typées Electro / Indus, les grosses guitares qui débarquent pour les refrains, mais sans le petit truc en plus qui rendrait le tout véritablement accrocheur : plutôt qu'un nouveau Oomph!, on aurait presque l'impression d'écouter une pâle imitation d'Eisbrecher. Il y a bien quelques éléments ici et là qui pourraient relever l'ensemble, comme les envolées du refrain de All Die Jahre, mais ce n'est pas suffisant pour en faire un titre mémorable, et bien souvent le tout paraît un peu interchangeable. Du genre qu'on peut mettre en bête fond sonore sans risquer de nous distraire de ce qu'on est en train de faire.

Au final, à trop vouloir jouer la sécurité, Richter Und Henker se résume à quelques bons morceaux et une majorité de fillers. C'est d'autant plus dommage quand on considère que la carrière d'Oomph! est ponctuée d'évolutions stylistiques qui rendent sa discographie si intéressante. Alors espérons qu'il s'agissait d'un simple galop d'essai pour ce trio nouvelle formule et que la prochaine fois ils feront preuve d'un peu plus d'audace et de passion.

A écouter : Ein Kleines Bisschen Glück ; Wem Die Stunde Schlägt
15.5 / 20
3 commentaires (15.17/20).
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Ritual ( 2019 )

À quel moment décide-t-on d'accorder son entière confiance à un groupe ? (Le décide-t-on, d'ailleurs, ou est-ce que cela vient plus naturellement, inconsciemment ?) Quand jamais ô grand jamais il n'a sorti d'opus mauvais ou indigne d'intérêt ? (Quelques maladresses, oui, mais de celles qu'on pardonne facilement.) Quand malgré les années écoulées, on peut reprendre chacun de ces opus et s'en délecter ? Quand il a évolué perpétuellement tout en parvenant à toucher une corde sensible à chaque fois ? (Essentiel, ça, l'évolution.) Quand même le best-of acheté au petit bonheur la chance il y a plus de dix ans contient une telle pelletée de pépites introuvables autrement qu'il siège toujours fièrement parmi la discographie ? (Delikatessen, c'est bien à toi que je pense.) Au fond, est-ce vraiment important ? L'idée, c'est que ma confiance en Oomph! me pousse à persévérer, à refuser de croire à une déception initiale. Je n'ai pas aimé XXV à la première écoute, ni à la troisième. Quelques mois plus tard, il était devenu l'un de mes favoris (sinon mon favori), et c'est encore le cas plus de trois ans après.

La première fois, je n'ai pas tellement plus adhéré à Ritual. La vingtième fois, je l'ai suffisamment apprivoisé pour avoir confirmation : Oomph! a encore une fois sorti un fichtrement bon album, et je ne m'en serais probablement pas rendu compte sans cette confiance, m'arrêtant à un rapide "pas trop mal" après deux-trois tours de platine, à ne retenir que les quelques titres les plus accessibles (Europa en featuring avec le groupe de Metal Gothique Lord Of The Lost, Trrr-Fckn-Htlr et son côté plus Electro, In Der Stille Der Nacht assez accrocheur). Le fait est qu'on nous promettait un album plus sombre et heavy (ou plus précisément, le plus sombre et heavy depuis longtemps), et c'est le cas. De ce point de vue, Ritual va plus loin que XXV, qui lui-même tranchait avec Des Wahnsinns Fette Beute ultra varié et même pas mal déjanté sous certains aspects. Mais la noirceur est nettement moins explicite qu'à l'époque d'Unrein, aujourd'hui les Allemands jouent davantage sur les apparences et les faux-semblants, s'appuient sur des contrastes tout en déjouant les attentes de l'auditeur, jusqu'à décevoir ces attentes dans un premier temps.
Prenons Tausend Mann Und Ein Befehl, qui ouvre la galette. Une brève intro qui évoque un bombardement (tout à fait dans le thème, puisqu'il y est question de guerre), on passe à un couplet étonnamment léger, plutôt axé Rock avec une basse groovy, pour enchaîner brusquement sur un pré-refrain saccadé avant de tout remettre à plat avec un refrain martial, et si chacun de ces éléments fonctionne sorti de son contexte, il est nécessaire de prendre le temps d'en saisir la logique avant d'apprécier vraiment l'ensemble. Mais ces contrastes, ces décalages ne se font pas que dans les enchaînements, on les retrouve également dans les associations. Quelques exemples ? Si les orchestrations de Das Schweigen Der Lämmer aspirent à la grandeur, à l'élévation, en revanche sa composante Metal Indus fait tout le contraire, s'appesantit peu à peu pour aboutir à un « Gott ist gross » (« Dieu est grand ») tiraillé entre angoisse et majesté. De son côté, In Namen des Vaters est rendu anxiogène par l'impression de lourdeur en opposition avec la célérité du morceau, tandis que Lass' Die Beute Frei dissimule son obscurité sous des airs faussement joyeux (la joie du tortionnaire, pourrait-on dire : « Ich bin bereit, lass' die Beute Frei » signifie « Je suis prêt, lâchez les proies ») avant de laisser ressortir toute sa férocité dans le pont. Quelque chose d'un tout petit peu plus doux, pour finir (si l'on excepte les bonus) ? Seine Seele a des airs moins heavy, plus mélancoliques... et raconte une jolie histoire où il est question de chercher une âme à l'aide d'un couteau.

Avec Ritual, Oomph! confirme ce que l'on pressentait avec XXV : l'ère débutée en 2004 avec Wahreit Oder Pflicht est désormais révolue. On cesse de se focaliser sur les tubes au profit de morceaux plus sombres et moins accessibles, mais qui collent d'autant plus à la peau une fois qu'on a appris à les connaître. Certains seront inévitablement déçus, tout comme certains vieux de la vieille ont été déçus par l'orientation prise au tournant des années 2000. Mais au fond, c'est avant tout dans sa capacité d'évolution que brille la formation, et cela se vérifie une fois de plus sur ce nouvel album. Alors d'un point de vue plus personnel, je peux l'affirmer : ma confiance était bien placée et n'en sort que renforcée.

16.5 / 20
13 commentaires (16.62/20).
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Wahrheit oder Pflicht ( 2004 )

Le métal industriel peut engendrer bien des monstres, aussi bien sur scène qu’en studio et, même si le public non germanique n’est pas nécessairement au rendez-vous, cet effort ne peut qu’en faire partie. Whareit oder Pflicht impressionne par bien des aspects, devait-on en atteindre moins de ce trio qui dispense samples cradasses et gros riffs depuis déjà 13 ans ? Le groupe a su évoluer et s’est parfois un peu perdu dans ses expérimentations sonores mais ici l’évolution s’approche plus de l’assimilation : les incursions dans divers styles sont digérées, la leçon est retenue et appliquée … Diversité et efficacité règnent en maître sur cette petite merveille. La totalité de l’album est chantée dans leur langue maternelle et pourtant celle-ci est plus fluide, plus vivante et moins rude que chez Rammstein. On serait tenté de les ranger dans deux tiroirs différents Oomph! s’éloignant beaucoup d’un métal indus « traditionnel » où riffs répétitifs et rythmes binaires s’accouplent contre l’avis de leur parents (désolé …). Malgré tout, certaines compos demeurent dans cette tradition (Tausend neue lügen)mais sont largement allégée par de séduisants refrains qui dérouteront peut-être les novices de par la voix particulière de Dero (un chant qui pourrait se rapprocher de celui de Burton C. Bell de Fear Factory sur les parties chantées).
Un versant plus éclairé par NIN fait également jour : quasi absence de guitares, seuls claviers et samples soutiennent un chant doux et sincère ( Im Licht et le magnifique morceau caché I’m going down). On sent que les élucubrations de The Fragile ont eu un fort écho chez les trois teutons. Mais là où Oomph! excelle et applique la totalité de son potentiel, c’est dans l’exercice de SON métal indus, un style qui leur ai propre et qu’ils ont forgé peu à peu en empruntant à tout les styles, quels qu’ils soient. Créative et respirables est la bonne parole dispensée par le groupe. Augen auf, Dein Feuer ou encore Wenn du weinst sont autant de petit bijoux qui, bien que ne brillant pas par une originalité sans failles, font office d’incontournables … grattes flirtant avec les envolées korniennes, puissance et groove, en un mot efficacité (c’est la fosse qui bientôt souffrira). Un rendu entre ombre et lumière se retrouvant à tout les niveaux mais surtout à celui du chant partagé entre partie impressionnantes de clarté et délires vocaux maniaques et torturés. Les compos vont même jusqu’au limite d’une pop hybridée avec une agressivité à peine contenue. Sex hat keine Macht et Der Strom se font digne représentantes de la face la plus mélodique du groupe qui prédominait sur les deux albums précédents. Mention « bombe en puissance » pour Dein Weg, qui je ne sais exactement pour quelle raison heurte plus violemment ma sensibilité : refrain violent et haché, samples distordu qu’on croirait tout droit sortis d’une chanson des 80’s, montées en puissances émoustillantes … ils ne lésinent pas sur les moyens pour bousculer mes neurones.
Les expériences n’effraient pas Oomph!, leur parcours en ai l’explicite reflet, pourtant cette album m’apparaît plus comme une synthèse de leur œuvre, ou la violence des premiers efforts rejoins la douceur des plus récents. Ils ont peut-être atteint une forme de maturation, si c’est le cas, on ne peux que se réjouir. D’un autre côté ce n’est sûrement qu’un palier, l’inconnu entretient ses charmes. De part et d’autre nous en sortiront à coups sûr séduit. Pour les plus rapides, une version collector apporteront encore une raison de plus de leur voué un culte avec trois titres inédits en anglais (dont le magnifique Nothing) et le déroutant clip de Augen auf.
Du spielst gott … il semblerai qu’ils ne s’en privent pas, les nouveaux fidèles devraient bientôt accourir.

A écouter : Dein Weg, Augen auf, Sex hat keine Macht, Dein Feuer