Omar Rodriguez est un véritable bourreau de travail. Epaulé par ses collègues de groupe, le texan a choisi son nouveau pays d’adoption pour coucher ses idées sur bandes, et profita donc d’une escale à Amsterdam, entre deux dates de la tournée Frances The Mute de The Mars Volta, pour intégrer les studios et proclamer à nouveau tout l’amour qu’il porte à l’œuvre de Frank Zappa, l’une de ses idoles de toujours.
Les cinq pistes instrumentales de cet éponyme, aux titres hollandais imprononçables, laissent donc une large place aux embardées jazz rock, et plus largement à l’esprit psychédélique des années 70. Preuve en est avec Regenbogen Stelen Van Prostituees sur lequel la rythmique (en particulier la basse de Juan Alderete) se fait très vive, le saxophone et les guitares virevoltant librement dans un habile jeu de question/réponse autour d’un thème auquel viennent se greffer les congas de son jeune frère, Marcel Rodriguez. L’immersion est totale, à tel point que l’on se croit engagé dans une course poursuite dans les rues de San Francisco trente ans en arrière. La recette est appliquée avec le même succès sur Spookrijden Op Het Fietspad, mais Omar Rodriguez favorisera par ailleurs son feeling guitaristique plus désarticulé. Tel est le cas sur Jacob Van Lennepkade (en hommage au quartier d’Amsterdam du même nom), titre au groove plus tempéré s’étalant sur près de 17 minutes, et qui évoque de manière fugace une version jazzy du Cicatriz ESP de De-loused In The Comatorium, le premier album des Volta.
En outre, ce deuxième opus ne déroge pas à la volonté d’expérimentation cosmopolite de Rodriguez. Een Ode Aan Ed Van Der Elsken s’intéresse ainsi aux ambiances népalo-tibétaines par le biais de clochettes et de gongs discrets, ces derniers cédant progressivement leur place à un beat singulier confectionné à partir de cymbales martelées. De Katmandou à Goa il n’y a qu’un pas, et c’est donc avec l’aide percussive de Cedric Bixler (chanteur de The Mars Volta) que Vondelpark Bij Nacht propage une ambiance des plus hippisante. L’utilisation du sitar (instrument typique du nord de l’Inde) n’y est évidemment pas étrangère, tout comme la posture orientale finement adoptée par le saxo.
Sans savoir réellement si c’était le résultat escompté, ce deuxième effort solo d’Omar Rodriguez s’avère nettement moins indigeste que son prédécesseur. Les conditions d’enregistrement accélérées ont vraisemblablement dû rentrer en ligne de compte. Cet "Amsterdam Parano" (pour emprunter la formule au film de Terry Gilliam) se présente avant tout comme un hommage sincère à Frank Zappa, ne s’écarte donc pas de l’œuvre du Maître, mais ne sombre pas pour autant dans la parodie. Toutefois, cet album ne trouvera sûrement grâce qu’aux oreilles des amateurs de Frances The Mute, ou celles des familiers du jazz rock ; mais il peut constituer également un possible tremplin vers cette scène si peu exposée.
A écouter : Regenbogen Stelen Van Prostituees, Spookrijden Op Het Fietspad