Paru en 1994, après deux années d’écriture et de travail intensif sur chaque son, chaque seconde de musique, The Downward Spiral est un voyage obsédant dans l’esprit tourmenté de Trent Reznor, un Reznor esclave de ses machines qui remplissent à plein régime leur fonction cathartique ("I beat my machine, it's part of me it's inside of me" sur The Becoming).
Le fil conducteur, la peine et la douleur, idées fixes qui reviennent tout au long de quatorze pistes particulièrement abouties et originales. L’atmosphère de perdition, sale et désespérée qui se dégage doit sûrement aussi au lieu d’enregistrement, puisqu’il s’agit de la maison où Sharon Tate et ses convives furent assassinés par les disciples de Charles Manson. Il en résulte un disque étouffant et particulièrement dérangeant s’ouvrant sur le bien nommé Mr Self-Destruct, avec son intro faite des cris d'un homme qu'on (a)bat, suivi d'une sorte de dialogue schizophrène dévastateur. La suite ne déçoit pas puisqu’on trouve quelques uns des titres les plus connus de NIN. A commencer par les singles March Of The Pigs, étonnant morceau où le piano le plus classique voisine avec les guitares abrasives, et le très disco déglingué Closer (qui figurera sous forme de remix au générique du film Seven de David Fincher), un titre dont le refrain "I want to fuck you like an animal " scande une sexualité plutôt agressive servant d’échappatoire par l’oubli de soi.
On retrouve par ailleurs le désespoir comme leitmotiv dans Piggy et Ruiner à travers des paroles telles que "nothing can stop me now cause i don’t care anymore", mais aussi I do not want this et son refrain martelé "Don’t you tell me how i feel". L’excellent morceau Heresy, rugueux et furieux, préfigure même ce que sera bientôt l’antichrist superstar Marilyn Manson au détour de paroles évocatrices de la mort symbolique de dieu. L'instrumental A Warm Place assure une pause ambiante dans ce déluge autodestructeur, mais son titre lui-même évoque le piacenta originel qu'on voudrait parfois ne jamais avoir quitté. En fait, chaque parole, chaque son de chaque chanson est un pas de plus vers la déchéance et l’abandon de tout, The Downward Spiral morceau titre qui implose de cris de désespoir et de douleur. Cette décharge émotionnelle culmine avec la sublime Hurt, ballade dépouillée d'artifices, névrosée, touchant à l’automutilation libératrice, autant qu'à l'abus de dope, systématiquement jouée en concert et bien évidemment morceau préféré des fans.
The Downward Spiral est un album d’une rare violence intérieure, organique, aussi brutal que pouvait l’être Broken, mais sans omettre d’y intégrer l’électronique ultra léchée de Pretty Hate Machine. Le son saturé et les paroles douloureuses, l’implication totale de Trent Reznor qui s’y met à nu en font une perle du métal industriel et un album rare tout simplement, riche en émotions et en vérité. Il faut noter que l’album de remixes qui en a été tiré, Further Down The Spiral, est tout aussi intéressant.
20/20 puis c'est tout !