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Biographie

Neurosis

La désormais longue histoire de Neurosis débute en 1985. Le groupe évolue alors dans un registre punk hardcore / crust à l'image de nombreux groupes californiens à cette époque avec ses deux premiers albums : Pain Of Mind et The Word As Law en 1988 et 1989. Toutefois, ils empruntent rapidement une voie bien plus expérimentale et surtout plus obscure. D'abord attiré par des thèmes tels que l'anarchie ou la rébellion propre à la scène hardcore, Neurosis dévoile par la suite une véritable fascination pour les cotés sombres de la mythologie et de la religion.

Rapidement le groupe tente d'aller plus loin que le punk hardcore crusty de ses débuts, de complexifier son jeu tout en conservant la noirceux et la violence de ses antécédents. L'album de la transition fut sans contexte Souls At Zero en 1992. Cet opus, liant agressivité, lourdeur doomesque et atmosphères industrielles est la naissance et l'essence du style que Neurosis va alors développer.

Avec le temps, le groupe s'applique à obscurcir les compositions via le développement d'ambiances atmosphériques macabres et obscures. Des albums comme Enemy Of The Sun ou Through Silver In Blood parus en 1993 et 1996 illustrent parfaitement cette tendance. Peu à peu, Neurosis abandonne donc son côté hardcore au profit d'une musique plus lourde et plus cérébrale transpirant le désespoir. Ainsi en 1999, Times Of Grace marque un tournant dans la discographie du groupe et s'illustre comme un album délivrant son véritable potentiel au compte goutte et au terme de nombreuses écoutes. A Sun That Never Sets qui sort en 2001 continue dans cette optique.

En 2003, le groupe collabore avec l'artiste féminin Jarboe entrevue lors d'un concert. Cette rencontre engendre l'album Neurosis&Jarboe qui dévoile Neurosis sous un nouveau visage. Les thèmes abordés sont toujours aussi sombres, et les paroles autant que la musique développent à merveilles les faces obscures de la psyché humaine. Toutefois, la lourdeur s'estompe et laisse une grande place aux atmosphères. En 2004, Eye Of Every Storm montre encore un peu plus la face cachée de Neurosis aperçu via la collaboration avec Jarboe. En 2007, les américains livrent Given To The Rising qui développe toujours ce mélange d'ambiances sombres, mais aériennes. Trois ans plus tard, un live enregistré lors de l'édition 2007 du Roadburn sort chez leur label de toujours, Neurot Recordings.

17 / 20
15 commentaires (15.73/20).
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Fires Within Fires ( 2016 )

Neurosis n’a jamais regardé derrière lui, arpentant à chaque disque des terres qu’il paraissait être le premier à fouler. Sa dernière sortie avait pourtant laissé une impression mitigée. Si Honour Found In Decay ne manquait pas de qualités intrinsèques, l’énergie viscérale produite par le quintet semblait se diluer dans des compositions un peu trop longues et poreuses, rendant moins marquante que de coutume l’expérience que représente un nouvel album de la formation d’Oakland. Le fait que ses membres vivent maintenant éloignés les uns des autres a poussé le groupe à rendre pour ce disque son processus de composition le plus spontané possible, Steve Von Till ayant confié que l’écriture de Fires Within Fires n’avait, au final, été qu’une affaire d’heures. Ce sentiment d’urgence est flagrant tout au long d’un album d’une durée inhabituelle pour les Américains (à peine plus de 40 minutes), qui ont choisi de laisser parler leur cohésion et de faire confiance au résultat : La maîtrise dont ils font preuve laisse pantois et la tension, qu’elle soit manifeste ou latente, ne baisse pas d’intensité au fil de compositions particulièrement réussies. Neurosis enfonce ses riffs dans notre cerveau, sans se soucier à aucun moment de notre avis. La répétition de motifs relativement simples mais à l’efficacité redoutable prend une dimension chamanique. Les ambiances créées par Noah Landis viennent à la fois enrichir et contrarier les guitares de Steve Von Till et Scott Kelly, qui hurlent à tour de rôle avec une hargne impressionnante. Et lorsque les deux se rejoignent sur le méditatif puis cathartique Reach, un frisson nous parcourt, avec l’impression de redécouvrir sous un jour nouveau ces deux voix qui nous accompagnent depuis trente ans. Parfaitement produit par Steve Albini, Fires Within Fires vous avale et vous recrache, laissant en vous la sensation d’être sous l’orage, le goût de la pierre, l’odeur de la terre humide…

Depuis une douzaine d’années et son périple au coeur de chaque tempête, Neurosis semble avoir décidé que l’oeil du cyclone est bien le meilleur endroit pour observer le chaos qui l’entoure, rester à la limite des vents les plus violents et s’y engouffrer sans hésitation quand le besoin s’en fait sentir : A Shadow Memory et Broken Ground illustrent à la perfection ce va-et-vient totalement contrôlé entre le calme et le tumulte. L’entité Neurosis n’a peut-être jamais sonné de façon aussi naturelle et compacte. Basse et batterie apportent une lourdeur qui ne freine pourtant à aucun moment la dynamique des morceaux, qui prennent des directions parfois inattendues. Bending Light tape fort d’entrée puis lâche le plus insidieux des riffs avant de faire exploser, à mi-chemin, les quelques accords cristallins qui commençaient à nous faire baisser notre garde. Fire is the End Lesson nous ramène au martèlement apocalyptique de morceaux comme Enemy of The Sun ou Times of Grace, mais en prenant soin de laisser l’oxygène s’y introduire. L’heure n’est plus aux séances d’apnée angoissantes que pouvait nous proposer le groupe dans les années 90, lorsque sa musique ne semblait avoir pour objectif que la survie. 

La Terre tourne et Neurosis a décidé de tourner avec elle, dans l’espoir que son impact soit assez puissant pour influer sur sa rotation, rendant ainsi nos nuits un peu plus longues que nos jours. La lumière n’est appréciable que lorsqu’elle déchire les ténèbres, et Fires Within Fires le prouve une nouvelle fois.

A écouter : Beaucoup
16 / 20
16 commentaires (14.63/20).
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Honor Found In Decay ( 2012 )

Plus de 25 ans de carrière et, toujours et sans doute à jamais, cette montée en puissance du noeud au ventre lorsqu'on lance un nouvel opus de NeurosisHonor Found in Decay n'échappe pas à la règle, après une attente un peu plus longue qu'à l'accoutumée, mais on se retrouve à nouveau, le casque sur la tête ou les oreilles collées aux enceintes, à frémir et vibrer au ronflement sonore de Neurosis.
La noirceur de Given to the Rising emplit à nouveau le ciel et les notes résonnent comme un orage dont les bourrasques sont l'ensemble des vibrations des cordes. Eole souffle et Neurosis se fait héraut du Dieu, passant de violence en accalmies en quelques minutes. On ressent donc cette continuité de composition annoncée, une filiation sonore marquée mais pourtant variée.
Les premières écoutes seront sans doute délicates : tout peut glisser facilement au creux des tympans mais ne pas arriver à aller au-delà, les compos sont massives, pataudes, trébuchent parfois d'une maladresse inconcevable ("Raise the Dawn") quand elles ne frappent pas aux mêmes endroits que l'opus précédent. Et c'est là, à cet instant, que se révèlera la principale difficulté de Honor Found in Decay, sentiment que l'on ne pouvait qu'imaginer sur A Sun That Never Sets ou The Eye of Every Storm. Comme la continuité sonore avec son prédécesseur se fait directe, Honor Found in Decay s'y retrouve rattaché, comparé et au final rabaissé.
Mais le temps passe par là, les écoutes également. Et l'esprit échaudé devient promoteur : Finesse, délicatesse et noirceur se révèlent au grand jour, Neurosis redevient lui-même et ce qui faisait défaut à cet album ne manque plus. Les 2 frontmans maitrisent leur sujet, appuient leurs mots ("At the Well") et aèrent un peu plus leurs morceaux, avec un aspect plus aérien ("My Heart from Deliverance"). Pour autant, Honor Found in Decay n'en devient pas plus lumineux, juste plus tortueux. L'accalmie de The Eye of Every Storm est passé, la colère de Given to the Rising s'est atténuée pour donner un disque à mi-chemin entre ces 2 albums.

Le travail de Steve Albini n'est pas en reste : des multi couches de "My Hear from Deliverance" aux montées en puissance progressant lentement mais mises en exergue ("All is Found … in Time"), le travail est ici peaufiné jusqu'à la moindre note. Les textures de chaque instruments sont mises en avant, jusqu'aux instants de tension ou même le clavier est clairement audible ("Raise the Dawn"). L'artiste a su adapter son travail à l'évolution de Neurosis, se pliant aux envolées et retombées du combo pour faire de Honor Found in Decay un disque à la hauteur de ses prédécesseurs.

Point de révolution au final, Neurosis est lui-même, ou du moins une facette de sa personnalité que le combo dévoile à nouveau, à l'image de Given to the Rising ou The Eye of Every Storm. Peut-on s'évertuer à y recherche un nouvel éclair de génie alors qu'au final les Américains ne font qu'assoir leur place sans pour autant devenir une parodie d'eux mêmes ? Parce qu'au final, il y a autant d'émotions que précédemment, et même si on les connait déjà à l'avance, on prend toujours autant de plaisir.

A écouter : At The Well
16.5 / 20
27 commentaires (17.94/20).
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Given To The Rising ( 2007 )

A chaque fois c’est la même peur, la même angoisse. La découverte d’un nouveau disque de Neurosis nous embarque vers une épopée cyclique qui nous fait traverser plus ou moins les mêmes étapes. Pourtant, c’est un fait, depuis Souls At Zero et la révolution qu’il représente, Neurosis n’a eu de cesse de sortir chef d’œuvre sur chef d’oeuvre, d’avoir une avance phénoménale sur ses poursuivants directs et indirects.

Mais c’est humain. Plus encore cette fois-ci, parce que la vague postcore a fait des dégâts, parce que The Eye Of Every Storm est un monument, parce ce que ce nouveau disque était annoncé comme un retour aux sources (panne d’inspiration ?), Neurosis était une nouvelle fois sur la sellette, plus populaire que jamais, attendu au tournant, comme toujours, mais peut-être un peu plus.

Puis il y a l’écoute, enfin, puisqu’on parle de musique après tout, ce Given To The Rising qui s’est fait attendre. Une nouvelle fois avec Neurosis plus qu’avec tout autre groupe, rien n’est jamais acquis, la relation que l’on entretient avec la musique des américains devient quelque chose de personnel, où tout est en mouvement, où l’ennui peut se muer en bouleversement, les sentiments les plus noirs en jubilation extrême, les ambiances les plus épurées en souffrance chaotique atroce. Les premières impressions sont fades, décevantes, faute d’intimité, les sonorités trop familières pour laisser penser à une évolution intéressante, et l’on se dit que peut-être, Neurosis a échoué, que cette fois-ci, il est là ce disque en demi-teinte. Pour autant, rien ne pousse à stopper l’effort, il y a cette lumière, ces éléments auxquels se raccrocher qui nous poussent à écouter encore et encore cette nouvelle offrande des mystérieux américains. Avec Given To The Rising, ils jouent avec le feu, puisant effectivement dans leurs racines et prenant le risque de la redite. Le retour au gros son est clairement là, les riffs sont agressifs dans l’esprit d’un Souls At Zero, plus que jamais rock, le son de guitare se fait amer et rondelet et tout laisse penser que Neurosis est de retour à son énergie délaissée ces dernières années. Scott Kelly s’impose d’entrée de manière monumentale, à l’image de son hurlement puissant sur To The Wind, et symbolise à lui seul le renouveau présent sur le disque. Jamais semble-t-il le groupe n’aura été aussi massif et lent dans ses déclamations. Puissant et évident dans sa musique qui se veut toujours aussi noire et apocalyptique, il impressionne par la puissance de frappe déployée.

Pourtant, Given To The Rising est loin de n’avoir qu’une seule corde à son arc. Articulé tout en contrastes, il oscille entre morceaux de bravoure éprouvants et des parties ambiantes beaucoup moins évidentes. Que ce soit l’introduction de Fear and Sickness, bénéficiant d’une lente et douce rythmique, ou celle d’At The End Of The World, dronisante à souhait tout comme les deux interludes ambiants Shadow et Nine, Given To The Rising est jonché d’obstacles, de parties piégeuses et angoissantes qui ne révèlent leur génie qu’après bien des écoutes.

Petit à petit donc, les contours se dessinent, des mélodies apparaissent, des planchers se dérobent pour en laisser apparaître d’autres, et Given To The Rising dévoile son potentiel réel. Il se dévoile comme étant un album très ambiguë, la faute à ce contraste inquiétant, qui prend toute son ampleur avec le temps. Tantôt déployée avec violence, tantôt hyper insidieuse, mais toujours malsaine, cette opposition donne un relief déroutant à l’ensemble.  Tout est triste, la rage déployée dans les tirades les plus bruitistes en devient morne, le très lourd minimalisme des parties plus ambiantes prend un côté presque spleenesque, et même si un titre comme Water Is Not Enough peut répondre à un schéma plus classique, il n’en est pas moins chargé en inquiétudes lorsque l’on entend Kelly réciter gravement ses complaintes.

Le reste est une affaire personnelle entre vous et Neurosis. Que dire ? Qu’y voir ? Rien de précis sinon ce que vous y ressentez, qui, de toute manière évoluera en permanence, car Neurosis est certainement le groupe le plus introspectif qui soit, travaillant sans cesse dans cette optique. Given To The Rising n’échappe finalement pas à la règle, il est une nouvelle fois un disque extrêmement intelligent, travaillé au possible, il demande des efforts pour atteindre une récompense à la hauteur des espérances qu’on avait pu mettre en lui. Décidemment oui, Neurosis reste une expérience à part, une alchimie bien spéciale qui se retrouve une fois encore sur ce Given To The Rising. A défaut de révolutionner son son donc, le groupe s’attelle à travailler une dimension nouvelle, en gardant sa personnalité unique et intègre, et signe une nouvelle fois un chef d’œuvre.

 

A écouter : Comme tout album de Neurosis.
17 / 20
22 commentaires (18.36/20).
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The Eye of Every storm ( 2004 )

Depuis Pain of Mind jusqu'à cette nouvelle pièce de leur discographie sans faille, les années ont travaillé Neurosis pour en faire bien plus qu'un simple très bon groupe, une entité à part entière. Neurosis pense, agit et s'exprime comme un seul homme. Un homme d'abord révolté, puis un homme qui cherche frénétiquement un exutoire, finalement, un homme sage et à l'esprit mur malgré le désespoir et la noirceur qui le ronge.The Eye of Every Storm représente davantage qu'un banal tournant dans la carrière du groupe, c'est sans aucun doute l'aboutissement d'un mode de pensée. Neurosis n'est plus cette bête froide et industrielle, c'est désormais un océan chaud et noir balayé par des cyclones.

Sur Enemy of the Sun, on ressentait déjà leur envie de jouer avec les atmosphères, ici le jeu est devenu un art qui occupe une très large place au sein de chaque composition. Neurosis est devenu aérien et progressif, comme épuisé par une rude révolte sans espoir de victoire. Qu'on se le dise, la noirceur, le nihilisme et le désespoir sont toutefois toujours présents, et sans aucun doute plus que jamais. C'est l'expression des émotions qui a subi une grande évolution. Les textes en sont les meilleurs témoins, poétiques et chargés de vécu, ceux ci transpirent la réflexion et l'introspection. Servies par le grain de voix si particulier de Steve Von Till, les paroles établissent une relation privilégiée avec l'auditeur. Neurosis se dévoile, dialogue, et montre enfin sa face humaine, à nu.

La rythmique tribale, chère au groupe, est moins usitée mais toujours perceptible sur des titres comme "Bridges", contrairement aux ambiances industrielles qui ne sont désormais qu'un souvenir. En effet, ce sont la "Nature" et les éléments qui sont au centre de l'oeil de toutes les tempêtes et qui ont pris le pas sur la féraille rongée par le temps. Les compositions du groupe ont toujours été sublimées via des vocalises hypnotiques et puissantes, la règle est parfaitement respectée une fois de plus. Sur "Bridges" ou "Eye of Every Storm", le chant se charge en émotions vives et semble directement provenir des entrailles brûlantes de Steve Von Till. Toutefois, le chant sait aussi s'éclaircir, notamment sur les longs plans atmosphériques qui laissent entrevoir un carré de ciel bleu au sein de l'orage, peut être un lueur d'espoir (?).

Ca ne fait aucun doute, le travail réalisé sur les mélodies, le côté abrasif moins présent, les atmosphères flirtant avec le post-rock ("Shelter") rendent l'écoute de The Eye of Every Storm moins éprouvante que celle des précédents albums. Un plus large public devrait ainsi y trouver son compte. A Sun That Never Sets avait déçu quelques uns d'entre nous de part sont côté répétitif, cette nouvelle pierre angulaire unifira l'audience tant elle respire la richesse musicale et cérébrale. Neurosis a ouvert la voie pour de nombreux groupes, si vous appréciez Von Till et sa bande, vous serez susceptible d'aimer des groupes comme Cult of Luna, Isis, Kayo Dot, Pelican, Keelhaul, Mare, Tantrum ou Transmission 0.

A écouter : D'une traite
17 / 20
2 commentaires (17.75/20).
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Official Bootleg 02: Stockholm, Sweden, 10.15.99 ( 2003 )

Neurosis se fait rare en live. Le groupe ne fait plus de véritables tournées depuis sa mémorable participation au Ozzfest 1997 et son album Through Silver in Blood mais préfère des apparitions sporadiques. Evidemment, face au manque, les fans enregistreront et feront tourner des centaines de bootlegs de qualité plus que douteuse. La démarche des californiens pour cette série «official bootleg», expliquée dans le livret, est de proposer des lives représentant au mieux leur musique et leur univers en piochant dans leurs archives les enregistrements les plus adaptés. Ce présent bootleg est le deuxième de la série, enregistré à Stockholm en Suède en octobre 1999 et faisant suite à celui enregistré à Lyon quelques jours plus tard en novembre 99. On se situe donc chronologiquement juste après la sortie de Times of Grace.

La set-list s’en ressent évidemment puisque la majeure partie des titres sont tirés de ce dernier (The Doorway, Under the Surface, Belief et Times of Grace) même si l’on retrouve des titres de Enemy of Sun et Through Silver in Blood. Ce qui impressionne et ce qui frappe dès les premières écoutes c’est la faculté du groupe à transcender leurs morceaux en live, l’énorme travail sur les ambiances notamment au niveau des interludes. A noter que l’on trouve également deux morceaux issus du EP Sovereign (sous-estimé à mon goût), plus atmosphériques que les autres titres et participant donc parfaitement à l’immersion dans l’univers du groupe.

Techniquement parlant, aucun véritable reproche n’est à faire. Le son est comme promis excellent, tous les instruments sont à leur place et les chants de Steve Von Till et Scott Kelly sont irréprochables. On entend au loin le public mais aucune communication de la part du groupe et c’est tant mieux, on imaginerait mal le contraire. Quant à l’artwork, on retrouve la patte de Josh Graham et de sa mise en image de la musique du groupe (voir le DVD A Sun That Never Sets notamment).

Tout concorde donc pour faire de ce bootleg une totale réussite. Neurosis prend l’expérience du live au sérieux, comme véritable complément de leur musique et ceux qui ont eu la chance de les voir peuvent en témoigner. Si vous devez choisir entre cet album et celui enregistré à Lyon n’hésitez pas une seconde, le premier prend le dessus, l’autre souffrant d’un son plus médiocre et d’une set-list plus courte et quasiment identique (5 titres en commun sur 6). On ne peut qu’espérer que ces deux premiers albums de la série «official bootleg» soient le début d’une longue série, le groupe bénéficiant maintenant d’une discographie relativement conséquente.

A écouter : Tout
15 / 20
12 commentaires (18.04/20).
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A Sun that never sets ( 2001 )

Groupe culte pour beaucoup, Neurosis a influencé des centaines d'artistes tant musicalement que spirituellement. Les concerts du groupe, de part leur rareté mais aussi de part leur intensité (musicale et visuelle, le groupe ayant un projecteur attitré, Josh Graham, également membre des excellents Red Sparowes) sont de véritables expériences. Au fil du temps, le groupe a fait évolué sa musique pour l'amener vers des sentiers moins violents mais tout aussi abrasifs. A Sun That Never Sets l'atteste.


Comme souvent avec le groupe, l'artwork est sublime, soignée et est une parfaite illustration du thème développé dans l'album, à savoir une réflexion sur les éléments nous entourant (le soleil, l'eau, la terre, le feu, ...) et de la place de l'Homme dans cet environnement à la fois hostile et majestueux.
L'album débute par Erode, une intro instrumentale faite de sons divers mêlés et qui a le mérite de bien faire entrer dans l'univers Neurosis. Suit The Tide qui commence comme une sombre ballade accompagnée de violons sobres mais néanmoins sublimes. Puis le morceau décolle avant un final ultra pesant et lourd, typiquement dans le style si caractéristique du groupe.
Les morceaux s'enchaînent ainsi sur cette dynamique faite d'alternance entre des passages calmes et inquiétants et des passages lourds et denses, le summum étant atteint sur Falling Unknown, la pièce maîtresse de cet album : un morceau qui se développe comme un titre classique de Neurosis durant près de 8 minutes, suivi d'une montée en puissance de plus de quatre minutes très post-rock dans l'âme que ne renierait pas l'école canadienne (Godspeed You ! Black Emperor en tête) et pendant laquelle le groupe fait monter l'adrénaline avant l'arrivée finale des cris déchirés et entremêlés a capella de Von Till et Kelly, les deux chanteurs du groupe. Magique.
Les paroles sont toujours aussi noires même si elles sont moins directes que par le passé : " The blood that flows through me is not my own [ ] The blood that leads my life is not my own " clame le groupe sur le titre A Sun That Never Sets, qui donne son nom à l'album, un morceau lent, sombre, menaçant. " With the storm on your mind and the clouds in your eyes Will you survive ? " s'interroge Von Till sur Falling Unknown...


Avec cet album, Neurosis continue de tracer sa route ; le groupe s'est éloigné de son coté noisy initial pour apporter une clarté à son son (merci Steve Albini). Les parties les plus sombres et lourdes le sont ainsi beaucoup plus qu'auparavant et les parties les plus douces et belles ne l'ont jamais été autant.
Conséquence logique des nombreux projets annexes de ses membres, le songwriting de Neurosis s'est affiné au fil des années pour devenir de plus en plus classieux. Chaque son est pensé, chaque intrusion sonore a un sens, chaque utilisation d'instruments est réfléchie (un violon sur Crawl Back In, Falling Unknown, The Tide et un alto sur From The Hell, etc.). Peu de groupes peuvent se targuer d'une telle carrière.

A écouter : Falling Unknown, The Tide, Watchfire
18 / 20
18 commentaires (18.42/20).
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Times of Grace ( 1999 )

Succédant à Through Silver In Blood, Times of Grace en parachève le travail d'usure. Il s'agit d'un des tous meilleurs disques des américains dont la maîtrise sonique et la débauche émotionnelle éclatent tout du long. Cet album marque aussi la rencontre avec le producteur Steve Albini qui capte toute la flamme incandescente du groupe. 

Disque pénitent comme on en voit peu, Times of Grace est rempli d'images douloureuses et de violence brute. Neurosis y perpétue son art du chaos organisé, par ses guitares véritablement monstrueuses et des passages d'une lourdeur pachydermique avec notamment The Doorway en point d'orgue. Cette musique tellement écorchée et puissante traverse de part en part, mue par un instinct animal qui nous offre d'autres explosions immédiates telles que Under The Surface, entre dévastation métallique et accalmies de cordes. Un morceau d'un impact redoutable achevé en outro destructrice. A peine moins apocalyptique que le précédent opus, Times Of Grace recèle mille tourments sublimes, témoignant de thématiques universelles encore renouvelées. Les images du feu et du chien de l'enfer de la pochette y trouvent ainsi tout leur sens. Plus percutante que jamais, la musique de Neurosis agit comme la catharsis attendue, certes avec brutalité, mais sans renier ses aspirations atmosphériques, avec par exemple The Last You'll Know et l'apport d'une mélodie funeste de cornemuse.

Comme à son habitude, Neurosis impose ainsi l'épreuve de force aux âmes de passage sur ses terres, tout juste reposées le temps de l'instrumental minimaliste Exist, mais par ailleurs sans cesse ballotées au gré des mouvements incessants d'une musique vibrante. Plein de soubresauts et de tension accumulée, cet album dessine des paysages sonores dynamiques à l'impact émotionnel décuplé par des instants de transcendance comme Belief ou bien Away, sublime marche funèbre où la cornemuse et le jeu des cordes font encore des merveilles. Maîtres des éléments, des vents et des marées, comme celle de End of the Harvest, Neurosis possède le feu purificateur et rédempteur, le souffle écumant et la rage salvatrice. Il en découle cette prédication organique et libératrice qu'est Times of Grace, morceau en perpétuelle combustion, où les voix se répondent en un dialogue avec les étoiles et Dieu. Un cycle de vie s'achève sur le chemin escarpé de l'absolu, The Road to Sovereignty, instrumental d'une nouvelle aube mystique faite de piano, de cordes et de noblesse.

Spirale mythique dont on ne ressort une nouvelle fois pas indemne, Times of Grace est un magnifique album, preuve supplémentaire du talent dément de ses instigateurs. On encouragera aussi à se procurer son jumeau, Grace de l'alter-ego Tribes of Neurot, pour profiter d'une expérience musicale d'une richesse démultipliée, une fois les deux albums joués simultanément.

A écouter : �videmment!
19 / 20
17 commentaires (18.94/20).
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Through Silver in Blood ( 1996 )

Poisseuse et implacable, bruitiste et écorchée, telle se présente la musique de Neurosis en cette année 1996. C'est alors déjà la troisième pierre dans le jardin du son délimité par les américains, après les compacts Souls At Zero et Enemy Of The Sun. Neurosis, groupe de féroces pionniers naviguant aux confluents du noise rock payant sa dette aux Swans et d'un hardcore tellement tortueux et ralenti qu'on ne tarde pas à parler de postcore. Certains même n'hésitent pas à qualifier cette démarche sonique de sludge atmosphérique tant le parfum du glauque semble se tapir jamais loin. Au diable les étiquettes pourtant quand un tel monstre paraît, une machinerie écrasante de riffs plombés accouplés à des percussions tribales, une débauche organique où le chant vomit des lames de rasoirs en argent tandis que les arrangements subtils suintent le sang. Through Silver In Blood.

Le son de l'apocalypse. Du sang dans les yeux, nous voici à l'entrée d'un monde de douleurs, dérapant dans ce qui s'apparente à l'indus le plus sauvage et inflammable qui soit. Au point d'évoquer l'hydre Godflesh et  son Streetcleaner. Au point de s'affirmer, de la façon la plus singulière, comme l'album le plus brutal de ses géniteurs, une brutalité pleine de ces circonvolutions tordues qui font de Neurosis un groupe unique. Là s'impose une souffrance incandescente, autant que rampante par ses motifs musicaux imbriqués, crachant des samples inquiétants (Rehumanize et Become The Ocean, interludes ambients de voix désincarnées), triturant l'espace sonore pour former des textures effrayantes. Une musique exigeante et d'autant plus éprouvante qu'elle s'étire sur de longues compositions, parmi les plus ambitieuses du groupe, avec notamment en point d'orgue Purify, d'une rare violence noisy débouchant sur une étonnante mélodie de cornemuse, pourtant parfaitement à sa place. Through Silver In Blood arrache un à un les doigts recroquevillés sur un quelconque îlot de paix, impose la traversée de paysages désolés, de ruines fumantes et délabrées, sans aucun espoir de repos.

Le son de la transcendance.  Dans ce pélerinage en terres hostiles, chaque grincement, chaque éraflure, chaque entaille zébrant l'univers ainsi déployé semble conduire à l'inconnu bien au delà de la danse du soleil au milieu des serpents entrelacés. La lente montée de Strength Of Fates se fait l'écho des paroles de l'homme blessé interpelant le divin. Ce morceau poignant magnifie l'impact mystique de Through Silver In Blood. Un mysticisme fait de rage et de sang, de souffrances et de dépassement de soi dans le dénuement le plus total. Lorsque résonnent tant et plus les redoutables percussions tribales, Neurosis se fait incantatoire, les voix se mélangent, les guitares s'entrechoquent et la puissance émotionnel de ce disque renverse tout sur son passage. Une onde de choc, Aeon, délicatesse d'un piano funèbre, avant l'explosion abrasive, roulements de batterie, une marche vers l'oubli nappée de cordes harmonieuses. Mais Neurosis ne peut se contenter d'une sortie si limpide. Il s'agit de marquer la peau au fer rouge du sceau des origines dans le bruit et la fureur. Enclosure In Flame : l'illumination ne peut naître que par le feu, qui lèchera donc chaque parcelle de l'être en suspens avant de le libérer enfin de son étreinte.

Aveuglé, rongé, les chairs sanguinolentes dévorées par les flammes, c'est dans un état d'épuisement sublime que l'on ressort de Through Silver In Blood, voyage cathartique qui donne une dimension musicale à la souffrance. Le mysticisme de la musique de Neurosis demeure une évidence, qui trouve là un point d'expression d'une rare intensité. Cet album plus que tout autre se vit comme une expérience sensorielle. Si vous parvenez à y entrer avec aplomb, Through Silver In Blood vous happera pour longtemps.

A écouter : comme une indispensable catharsis