J’ai une théorie un peu folle à propos de Ne Obliviscaris. Le seul autre groupe qui me vient à l’esprit quand il s’agit de proposer un Death Prog mélodique d’aussi haute volée, avec des constructions si recherchées, et aussi mature dès le début de leur carrière, c’est Opeth. Or, le moment où les Australiens ont commencé à faire parler d’eux correspond à la période où Opeth a cessé de composer ce style de musique. Eh bien selon moi et ma théorie digne des illuminatis ou des reptiliens, Ne Obliviscaris est la réincarnation de l’âme de la première mouture des prodiges suédois. Oui je sais : ça n’a aucun putain de sens. Et pourtant, la comparaison tient à plus d’un plan, et Urn n’est rien d’autre qu’une nouvelle preuve. En effet, Ne Obliviscaris accouche d’un troisième album sans faute, tout autant que les deux premiers d’ailleurs ; à l’instar de ce qu’était My Arms, Your Hearse il y a vingt ans. Mais même si l’analogie se tient (selon moi), nous ne sommes pas là pour parler d’Opeth, aussi je vais me forcer à arrêter ici cette métaphore. Que voulez-vous, il fallait bien une intro…
Urn est donc tout bonnement colossal. Tantôt obscur et abrasif, tantôt plein de grâce ; parfois intimiste, parfois grandiloquent ; l’ensemble est particulièrement complet et complexe. La formation réussit à renouveler l’intérêt qu’on se doit de leur porter, en proposant des titres dont la créativité et l’interprétation sont exemplaires. La seule « régression », c’est que la surprise n’est plus vraiment la même, on perd l’effet « grosse claque » de la découverte de ce Death Prog violonisé.
L’approche très Prog de Ne Obliviscaris est sur Urn, comme sur les deux autres sorties, un vecteur d’émotions puissantes. On pourra noter que les interludes comme Libera – Part II (l’album est toujours composé de quelques gros pavés découpé en plusieurs parties) ne se servent plus du violon pour y créer un malaise dissonant, mais comme réel apport mélodique. L’instrument est aussi utilisé avec plus d’insistance qu’auparavant dans les pistes plus conventionnellement « rentre-dedans », allant presque jusqu’à guider, encadrer certains titres, gagnant en présence et devenant l’équivalent d’une troisième guitare ou d’un clavier (Intra Venus, Libera – Part I). Qu’il s’agisse des interludes ou de passages au sein de titres plus agressifs, les accalmies sont franchement poignantes (toute l’introduction de Eyrie) et permettent une meilleure assimilation de l’ensemble compact de l’œuvre. L’immersion est aussi facilité par les structures des morceaux, qui bien que toujours très longues, sont un poil moins complexes. On n'aura par exemple aucun mal à se repérer dans Libera – Part I grâce à la tuerie qui lui sert de riff principal, qu’il soit conjugué à des chœurs épiques ou pas ; ou dans le pavé Eyrie grâce à sa construction logique.
Au chant, Xenoyr est toujours irréprochable dans ses growls. Tim Charles, en plus d’être un peu plus impliqué au violon, l’est aussi avec ses voix claires. Si son chant est indispensable des passages présentant moins de tension, il se pose parfois un peu étrangement sur les parties les plus violentes, comme dans le premier couplet de Libera – Part I par exemple. Mais après quatre ou cinq écoutes (qui sont de toutes façons nécessaires pour se forger un début d’opinion sur un disque aussi vaste, ne vous découragez pas !), le chant clair fini par s’imposer de lui-même, le plus naturellement du monde.
L’autre technicien à mentionner est le bassiste qui officie sur Urn : Robin Zielhorst, qui n’est autre qu’un ancien membre live de Cynic, pour vous donner une idée du niveau de jeu du monsieur. Le remerciement de Brendan "Cygnus" Brown avait provoqué bien des inquiétudes, justifiées au vu de l’apport mélodique indéniable de la basse dans les deux premiers opus des Australiens. L’intérimaire remplit ici son rôle à merveille, assurant à la fois des rythmiques implacables et des leads créatifs, à l’exacte manière de son prédécesseur.
Urn est donc, comme on le présentait, un album aussi grandiose que l’étaient Portal Of I et Citadel. La maestria et la maturité de leurs auteurs ne pouvaient pas vraiment laisser présager d'autre chose, et la promesse est ici tenue. Pour l’instant, la discographie de Ne Obliviscaris est donc un sans faute. Comme celle d’Opeth. Bon d’accord, j’arrête…
A écouter : Libera Part. I , Eyrie