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Biographie
Myrath voit le jour en 2001 sous l'impulsion du guitariste tunisien Malek Ben Arbia, qui n'a alors que 13 ans. D'abord connu sous le nom de X-Tasy, le groupe propose principalement des reprises de Blues et de Heavy Metal. Après quelques changements de line-up, notamment l'intégration d'un clavier en la personne d'Elyes Bouchoucha, le groupe focalise ses influences sur un métal progressif technique. Les premiers concerts tunisiens sont majoritairement composés de reprises de Symphony X. Le premier effort, la démo Double Face, sort en 2005 mais ne traverse pas les frontières tunisiennes.
Le quatuor rencontre Kevin Codfert (claviériste dans Adagio) lors d'un festival en Tunisie. Impressionné par leur musique et leur jeune age, il produira l'album Hope (2007) et tous les suivants, offrant au passage à Myrath une bien meilleure visibilité internationale, surtout en France. Zaher Zorgati, considéré comme un des meilleurs chanteurs de Metal de Tunisie, rejoint le groupe après la sortie de Hope. Desert Call est publié en 2010, puis recrute le français Piwee Desfray (de Heavenly) à la batterie avant de sortir Tales Of The Sand en 2011. Il ne reste pas en poste longtemps et est remplacé juste après la sortie de l'album par un autre français, Morgan Berthet (batteur pour Stephan Forté, Kadinja, Frontal... et ayant collaboré avec Klone, Adagio...). Myrath fait alors la première partie de Tarja (ex-Nightwish) sur sa tournée européenne de 2012. Fin 2013, les Tunisiens annoncent qu'un nouvel album est sur les rails, mais il faudra attendre 2016 pour écouter Legacy (et pour entendre Zaher Zorgati chanter dans The Source d'Ayreon). En 2017, le groupe joue un concert exceptionnel dans l'antique amphithéâtre de Carthage, dans leur pays natal. Shehili, leur cinquième album, sort début mai 2019.
Myrath n'est plus un petit groupe. Le quintet a ouvert pour Megadeth il y a quelques années, à joué au Hellfest, au Download, au ProgPower, a tourné avec Symphony X, Epica ou Tarja... Si vous avez une certaine sensibilité au genre Power / Prog, vous avez au minimum entendu parler d'eux.
Il est donc de plus en plus compliqué de jouer la carte de la surprise, de "la note de fraîcheur orientale". On sait à quoi s'en tenir, on s'est construit des attentes, Myrath a déjà posé des bases que d'autres groupes suivent. Et donc, le principal charme des Tunisiens s'envole. Shehili, ce (déjà) cinquième opus, reprend des codes qu'on a fini par assimiler et qui ne surprennent plus réellement. Les orchestrations sont toujours les mêmes (bien qu'un poil plus discrètes que sur les opus précédents), les lignes vocales restent toujours aussi marquées des influences moyen-orientales importantes pour l'identité du groupe. Et les guitares en pilotage automatique n'arrangent rien : les riffs sont moins marqués (on gardera néanmoins la qualitative Darkness Arise), et les solos moins nombreux (ou alors vraiment moins mémorables !).
Bien sûr, si vous ne connaissez pas encore Myrath, peut-être que le côté arabisant très bien maîtrisé vous surprendra. Et c'est d'autant plus vrai que le quintet a très bien dosé cet aspect dans Shehili. Contrairement à Tales Of The Sands ou Desert Call, ce nouvel album utilise ces influences de façon moins marquée. En choisissant d'en faire moins, Myrath évite de trop s'enliser dans une niche un peu étroite pour une discographie comme la leur, où l'auto-plagiat devient un piège compliqué à éviter. Le groupe s'en sort donc bien, en utilisant les musiques traditionnelles comme une influence plutôt que comme un ingrédient majeur. Wicked Dice ou Lili Twil sont de bons exemples de chansons puissantes où la formation n'en fait pas des caisses, surtout la deuxième dans laquelle les couplets chantés en arabe donnent un relief tout particulier à cette semi-ballade aux faux airs pinkfloydiens. Les titres où l'aspect oriental est fortement marqué (Born To Survive, Dance, No Holding Back) ne le sont pas au détriment de leur efficacité.
A propos d'efficacité, il important de signaler que le Prog de Myrath laissait de plus en plus de terrain au Power depuis le second album de la bande, un Power Metal qui lui-même commence à céder sa place à une dimension tout simplement Rock, voire Pop. Déjà amorcé dans Legacy, ce virage est encore plus évident dans Shehili (les refrains de Monster In My Closet par exemple), où les chorus gardent un côté catchy sans avoir pourtant un dynamisme Metal. Parfois, la volonté est là (le touché tirant vers le Djent au début du pont de Monster In my Closet, entre autres), mais souvent l'idée tombe à plat, sonne sans conviction. Darkness Arise est l'exception, pleine de punch de A à Z, disposant même d'un solo d'orgue et de vagues chœurs un peu growlés, dans un esprit pas si éloigné de Symphony X.
Au final, le millésime 2019 peine à convaincre. Il n'est pas foncièrement mauvais, et marque même une meilleure (car plus subtile) utilisation des influences traditionnelles, peut-être trop massives auparavant pour continuer à être utilisées aussi intensément sans lassitude. Mais pourtant, ce sentiment de manque d’intérêt s'installe tout de même, car la dilution de la recette ne suffit pas à surprendre, et la perte de puissance évoquée en fin de chronique n'aide pas. Shehili aurait pu être un excellent premier album, mais c'est un cinquième disque. Tant pis.
A écouter : Born To Survive, Darkness Arise
Après les sorties coup sur coup de Desert Call en 2010 puis de Tales From The Sand en 2011, Myrath s'est fait discret jusqu'à ce début d'année 2016. Mais les Tunisiens sont de retour sur le devant de la scène : un clip sur-produit pour Believer, une tournée en première partie de leurs idoles Symphony X, mais surtout un quatrième album. Convaincu par Myrath dès leur premier effort Hope, c'est presque avec fébrilité que je lance la première écoute de Legacy.
Avec cette nouvelle livraison, le groupe semble parfaitement assumer son côté plus mélodique et moins progressif, qui était déjà une direction prise par l'opus précédent. La musique de Myrath reste néanmoins technique par certains riffs, les solos de guitare (et même un solo de basse funky au milieu de Get Your Freedom Back !), mais les structures et les longueurs des morceaux sont conventionnelles. Les Tunisiens se sont approprié ce format avec aisance, réussissant en quelques instants à faire naître des ambiances épiques et à développer des thèmes musicaux grandiloquents (comme l'intro du hit Believer). On notera également un effort vraiment bienvenu quant à une ouverture vers de nouvelles idées. Peut-être trop à l'étroit dans la case "Metal oriental", les Arabes tentent d'éviter de trop utiliser les mêmes gammes exotiques ou les mêmes sons de claviers simulant des instruments traditionnels. Parmi les intentions de se diversifier, on remarque quelques penchants electro dans Through Your Eyes ou dans les claviers des refrains de The Needle, des influences vocales à chercher du côté de Muse sur les pré-refrains de Endure The Silence et les refrains de Storm Of Lies, des intros originales (celle de The Needle a une ambiance presque Black Metal Symphonique quand celle de Endure The Silence fait très "vintage")... Même s'il y a des contre-exemples : Get Your Freedom Back et The Unburnt sont tellement construites de la même façon qu'elles sont quasiment interchangeables ; et Believer n'a rien d'original comparé aux précédentes productions du groupe, même s'il s'agit d'un tube en puissance. Myrath s'essaye au mid-tempo avec Nobody's Lives mais la recette ne prend pas vraiment.
L'ensemble reste très solide et il est vraiment agréable d'écouter ce quasi-éponyme ("myrath" en arabe et "legacy" en anglais signifient tous les deux "héritage"). Les leads de guitares sont toujours aussi efficace, alliant virtuosité et émotion. Jamais trop longs ni démonstratifs, les solos savent quand laisser la place à un gros riff ou à une orchestration. Le rôle d'Elyes Bouchoucha aux claviers est d'ailleurs plus fondamental que jamais. Certains morceaux offrent en effet des arrangements grandioses qui transportent immédiatement de l'autre côté de la Méditerranée, Believer en tête de file, mais les ouvertures de Nobody's Lives ou de I Want To Die ne sont pas en reste.
Les Tunisiens livrent donc un disque de bonne facture, qui ouvre des portes vers des possibilités variées pour éviter l'auto-plagiat. Myrath s'inscrit ainsi sur la durée comme un groupe avec lequel compter dans l'univers du Metal Melodique au sens large.
A écouter : Believer, The Needle
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