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Biographie
En provenance de New York et composé de quatre membres : Gregory Dunn (chant, guitare), Nicolas Pizzolato (batterie), Mitchell Lee (basse) et Frank Graniero (guitare, chant). Moving Mountains est une sorte de collision musicale entre l’emo, le rock et le post-rock, reposant sur un travail des compositions éblouissant et une variation des genres des plus impressionnante. Présenté à l’origine comme pouvant plaire aux amateurs de The Appleseed Cast, Explosions In The Sky, Brand New ou Cursive, le quatuor dépasse en fait largement ces soi-disantes ressemblances, imposant un son et une patte clairement atypique, qui a fait sonner les oreilles averties de Deep Elm en fin d’année 2007, débouchant sur la sortie de Pneuma. L'ep Foreword en 2008 annonce des choses plus calmes pour la formation de Purchase, alors qu'ils prennent leurs auditeurs à contre-pied deux ans plus tard avec Waves revigorés par des influences Post-Hardcore. Un nouvel album éponyme est annoncé pour 2013 chez Triple Crown Records.
Pneuma avait tout du premier album touché par la grâce. De ces fameuses œuvres du début qu’on édifie avec la rage du premier cri, avec cette volonté quasi prométhéenne de laisser un nom quelque part. De ces élans qu’on a qu’une fois dans sa vie d'artiste, et qu’on désespère ensuite de ne jamais retrouver.
L’EP Foreword semblait confirmer ce pressentiment (même si le morceau "Armslenght" est d’une beauté sans nom). La fureur – mot qui signifiait "inspiration" au Moyen-âge, rappelons le… – semblait s’être estompée… avant que Waves ne surgisse, comme une lame de fond, arrachée aux entrailles de Poséidon. Le temps affaiblit, dit-on. De toute éternité, Chronos doit mourir ? Pas si l’on en croit Moving Mountains. Roulement de batterie en tête, bourrasque au premier refrain, guitares ciselées ("Alleviate"). Ceux qui avaient le souvenir d’un groupe emo/post-rock smooth chavirent et boivent la tasse. La colère ici est saturnienne. La tonalité, emo-rock ("Alleviate", "Always Only for me", "The cascade") voire emocore. Beaucoup plus énervée quoiqu’il en soit, au point d’évoquer le early Thrice ("My life is like a chase dream"), mais tout en gardant un touché gracile et une émotion à fleur de peau, propre à la formation de Purchase.
Pour le reste, Moving Mountains trouve à nouveau le moyen de tutoyer les astres. Par ses montées vocales ("Always Only for me"), la sensibilité de son propos, la gravité de son violoncelle ("Full circle", "Tired Tiger"), l’étendu de ses arrangements (piano, violons, échos, reverb, superpositions des voix), l’alternance de ses rythmes, le mélange entre l’emo intimiste et le post-rock stellaire ("Once Rendering") ; en somme toutes ces choses qui avaient fait des new-yorkais un groupe-révélation avec la parution de Pneuma. Et puis, à nouveau, il y a ces morceaux qui tordent le bide, qui découpent l’âme, qui insurgent le cœur et élèvent le poing autant qu’ils font tomber les larmes ("Parts in different places", "Tired Tiger", "Where two bodies lies" et son final extatique).
Et s'il fallait résumer ? Tout dire en une seule phrase ? On dirait alors: Moving mountains parvient à réaliser l’ambition de son nom : Ils déplacent les montagnes.
On raconte qu’au moment de mourir les Hommes laissent échapper un ultime soupir, ouvrant par ce corridor invisible le chemin qui mène les âmes à l’Eternité. C’est là que se trouve Moving Mountains.
Moving Mountains est à la fois le soupir, le corridor et l’Eternité. Silhouette divine d’une musicalité quasi post mortem, Moving Mountains écrit sur des miroirs célestes et fait parler l’au-delà. Témoin de ces vibrations de l’autre monde, "Aphelion" touche au miracle d’emblée, fissure l’atome et se désagrège dans une tempête de cris et de particules harmoniques entremêlés. Irréel. De manière ineffable, Moving Mountains détient ce quelque chose de grand, d’immédiat et d’extatique qui foudroie et trempent les tripes dans des bains de lave pour leur donner la couleur du crépuscule. Vacillant entre les dimensions, Pneuma ("souffle" en grec) n’est ni plus ni moins qu’une redéfinition de la nébuleuse rock, une nouvelle traduction en musique du Monde des possibles. Construisant son art entre réverbérations, dissonances et résonances ("Bootom Feeder"), la formation US modifie tous les sens et les perceptions qui l’entourent durant dix morceaux, s’enivre de vertiges post-rock ("8105", "Alistika") et touche au sublime au milieu d’une dérive des genres qui semblent ne jamais connaître de fin ("Grown On, Grown Up, Grown Out", "Ode We Will Bury Ourselves"). Osant toutes les combinaisons harmoniques possibles, Pneuma organise ainsi le mélange des chaires et des fluides, créant la fusion entre des nappes de clavier/violon à la Craig Armstrong ("Fourth"), des montées ondoyantes et des aurores acoustiques ("Sol Solis" et sa ballade typée Sarcevic) au milieu desquelles errent des guitares ailées et des vapeurs de cuivre que viennent heurter des falaises shoegaze.
Architecte de la gloire, enfant de la grâce, MM défie la mort pour donner sa valeur à la vie et remet en cause à chaque titre l’ensemble de ses certitudes artistiques. La rage emorock/core tutoie alors les arrangements noïsy tandis que le post rock dénude les intimités de l’indie. Et c’est là que réside le prodige de Pneuma, dans ce concert d’étoiles tournoyantes que rien ne trouble, qui perce et disperse, débordant sans cesse, semblable aux spasmes soudains d’un océan refusant le trépas. L’opus se conclue sur les mêmes notes/soupirs que celles de son commencement, soutenu par un alléluia divin, irradié d’une orchestration semblant annoncer l’impossible. C’est donc ça renaître.
A écouter : pour y croire.
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