Superbe !
Après un Rave Tapes peu inspiré Mogwai revient en grande forme et nous offre un magnifique voyage !
"Don’t Be Afraid" (n’ayez pas peur). C’est par ces mots que débute Atomic : Living in Dread and Promise, diffusé l’an dernier par la BBC et abordant la découverte de l’énergie atomique, son utilisation effroyable à Hiroshima et Nagasaki, et ses conséquences sur notre monde dans les 70 ans qui ont suivi. La crainte générée par cette force jugée dangereuse et incontrôlable par ses détracteurs est présente tout au long du film. La promesse, celle des applications énergétiques, technologique ou médicales, tente de ramener un équilibre difficile à atteindre après que l’Humanité ait été témoin de la mort, des blessures et des maladies de centaines de milliers de personnes, victimes des deux bombes américaines et de multiples accidents touchant des centrales nucléaires (Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima…).
Mogwai, choisi pour composer la musique de ce documentaire, marchait sur un fil. Contraint de trouver le moyen d’effrayer en rassurant, d’émerveiller en inquiétant, le groupe devait tenter de garder une cohérence et le sens de la mesure là où il est si facile de tomber dans l’excès et de proposer une partition toute "Hans Zimmerienne".
Comme pour Zidane : A 21st Century Portrait ou Les Revenants, les Écossais ont opté pour une sobriété et un certain minimalisme parfaitement appropriés à leur sujet et offrent une bande-son envoûtante, angoissante et pourtant porteuse d’espoir. Alors que les guitares et les nappes de synthés s’y font menaçantes, les claviers et pianos se chargent le plus souvent d’instiller des mélodies salvatrices (Tzar, Weak Force). Partout et nulle part, la radioactivité semble prendre corps, sur Bitterness Centrifuge et surtout sur l’écrasant Pripyat, passage le plus sombre et désespéré, tout droit sorti d’un de vos pires cauchemars post-apocalyptiques. Bourdonnements, effets de réverbération, boucles…Mogwai évoque le danger invisible mais perceptible, le confinement et l’attente (SCRAM). Le robotique et très réussi U-235 (cousin du Remurdered de Rave Tapes), illustre le versant plus optimiste d’Atomic, ce moment où cette puissance inouïe se met à notre service sans chercher à nous détruire. Les cordes du plus classique Are You A Dancer? viennent ajouter une note mélancolique à la deuxième partie du disque, plus apaisée. Deux des plus beaux morceaux de l’album, Little Boy et le poignant Fat Man, portent le nom des deux bombes larguées sur le Japon par les États-Unis en août 1945. Une façon peut-être, pour le groupe, de montrer que les actes les plus sauvages des hommes doivent servir non seulement d’avertissements, mais aussi de catalyseurs et qu’apprendre de ses erreurs est le propre de la survie d’une espèce.
Alors que le documentaire, réalisé dans une veine expérimentale, s’avère être finalement assez fourre-tout, sa musique ne quitte à aucun moment sa ligne directrice. Mogwai nous livre encore une fois une bande originale au pouvoir d’évocation suffisamment fort pour s’apprécier de façon indépendante de son sujet. Tout ira bien. N’ayez pas peur.
Un incontournable de cette année!
Un bien bel album d'un groupe toujours inspiré et fascinant.