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Biographie

Mizmor

Originaire de Salem dans l'Oregon, Mizmor ("psaume" en hébreu) est un one-man band crée en 2012 par A.L.N. (Urzeit, Hell, ex-Sorceress). Bercé d'illusions par des croyances religieuses, ce dernier voit en Mizmor le moyen de pallier à une vive rancœur. C'est donc à travers un Blackened-Doom sombre et torturé qu' A.L.N. nous fait part d'un désenchantement existentiel. En 2012, cet "homme-orchestre" nous balance un premier album éponyme puis sort un EP (Untitled Winter) en 2013, tous deux auto-produits. Suit une série de trois split avec Hell et Mania en 2014 puis Dross en 2015. Un an plus tard parait Yodh, dernière création en date signée chez Gilead Media.

Chroniques

Prosaic Cairn Yodh

Prosaic ( 2023 )

L’énergie créatrice d’A.L.N semble sans fin. Un an à peine après la sortie de l’EP Wit’s End et de l’album collaboratif avec Thou, Mizmor est déjà de retour avec un quatrième LP : Prosaic. Une productivité impressionnante donc. Mais comme toujours, tout est cohérent, tout a été minutieusement pensé : artwork, paroles, instrumentation.

La pochette, une illustration d’inspiration médiévale, œuvre de l’artiste Bryan Proteau, symbolise au travers d’un instant de vie, une banale scène du travail dans les champs, la monotonie du quotidien. Le questionnement sous-jacent est celui de la quête de sens et de la souffrance ressentie lorsque celle-ci n’est pas satisfaite. Rien de grandiloquent donc. Exactement à l’opposé du grandiose et de l’épique qu’inspiraient les artworks de Yodh et de Cairn et parfaitement à propos avec le dessein d’écrire un album plus humble. 

On retrouve cette dimension humaine dans les textes qui s’écartent des thèmes de la perte de la foi et de la crise existentielle qui s’en suivit, développés dans les précédents LP. Non concentrés sur un unique sujet, les paroles abordent ainsi notre rapport au temps dans Only An ExpanseTime is a useful fiction / Our chosen taskmaster »), l’illusion d’un meilleur possible dans No Place To Arrive ou encore la rémanence cyclique de la dépression dans Acceptance (I swallow my own medicine in hopes of sadness curved […] I know it is a cycle […] To embrace the orbit of depression).

Sur le plan musical, Mizmor joue encore et toujours de l’alternance entre l’angoisse du Black et la dépression du Doom, en séparant souvent l’un de l’autre par des passages Drone. Ce principe de composition est très lisible sur No Place To Arrive : Doom – Drone – Black – Drone – Black. Mais à nouveau, l’intention d’A.L.N avec ce nouveau disque se lit très clairement dès les premières secondes d’Only An Expanse : dégraisser le mammouth pour aller à l’essentiel en proposant un son plus catchy. L’énergie Hardcore des neuf premières minutes nous saisit ainsi d’entrée de jeu et nous emmène sans détour exactement à l’endroit voulu. Cette impression est certainement biaisée mais l’écoute de Prosaic laisse à penser que l’hybridation avec Thou semble avoir laissé des traces et a conduit à une approche plus directe, plus brute. Mais qu’on ne s’y trompe pas, si A.L.N explique en interview s’être contraint à être moins perfectionniste et à accepter que la subsistance d’une part d’imperfection fait partie du processus artistique, l’ensemble reste savamment construit.

Néanmoins, pendant des semaines Prosaic est demeuré un paradoxe. Chaque écoute confirmait son excellence et pourtant, aucun de ses titres ne s’imprimait. Peut-être était-ce là le revers de la médaille de la productivité précédemment évoquée ou du caractère plus « collections de morceaux ». Quoi qu’il en soit, à l’image de la goutte d’eau qui, lentement, traverse les différentes couches du sol pour rejoindre la nappe phréatique, Prosaic est allé rejoindre ses prédécesseurs, ajoutant une nouvelle pièce à une discographie sans faux pas

Prosaic s'écoute en intégralité sur bandcamp.

17 / 20
3 commentaires (16.33/20).
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Cairn ( 2019 )

En 2016, avec Yodh, ALN (l’homme derrière Mizmor) nous gratifiait d’un génial mais très difficile d’accès (peut-être est-ce là en partie ce qui le rendit génial) monolithe de souffrance. Depuis la pochette jusqu’aux cris stridents, chacune des minutes de l’album semblait avoir été façonnée pour incarner l’angoisse dans ses crises les plus profondes, celles desquelles il semble impossible de sortir.

Encore une fois avec Mizmor, tout semble démarrer avec l’Artwork, confié au polonais Mariusz Lewandowski. Faisant preuve du sens de l’épique qui, ces derniers temps, a fait de lui l’un des artistes les plus prisés par les groupes de la scène métal (il a réalisé des pochettes pour Bell WitchFalseAbigail Williams et bien d’autres encore) « Time Immemorial » dépeint un amas de pierres, un minuscule être humain, seul, au bord de ce qui semble être une falaise et faisant face à un figure humaine encapuchonnée, en feu, et portant une pyramide à l’intérieure de laquelle on distingue des éclairs. Tout Cairn y est ainsi résumé. Cet empilement de pierres, ce « cairn », bien connu des randonneurs, ne sert pas ici à simplement marquer son passage. Il est en effet investi d’une symbolique bien plus grande, celle, aux yeux d’ALN de la mort de Dieu et du suicide comme échappatoire à la prise de conscience de l’absurdité de la vie. Les plus littéraires d’entre vous auront là reconnu le thème du Mythe de Sisyphe d’Albert Camus, inspiration majeure d’ALN pour l’écriture cathartique de ce second LP. Ce qui est intéressant ici c’est qu’ALN ne verse pas dans le classique blasphème. Élevé dans une famille évangélique pratiquante, lui-même séminariste pendant quelques années en Allemagne, ALN a finalement perdu la foi ce qui, au vu de son parcours personnel a logiquement été déstabilisant. Cairn to God donne ainsi un aperçu de son état d’esprit : « I won the knowledge […] That God is counterfeit and false ». Cairn est ainsi plus l’incarnation d’un deuil que d’un rejet.

L’écoute de Cairn ressemble à de nombreux égards à la déambulation que l’on pourrait effectuer dans une ville dans laquelle on n’est pas allé depuis de nombreuses années : l’atmosphère générale nous semble familière et pourtant une multitude de détails fait que, définitivement, le ressenti n’est plus le même. La différence étant qu’avec Mizmor, il est plus question d’une étendue désertique que d’une ville tant ALN a cette capacité à nous projeter dans un environnement d’une aridité extrême dans lequel on subit les riffs et hurlements comme on subirait le déchaînement des éléments pendant un orage sec : sans même avoir l’espérance de bénéficier de précipitations providentielles. Par rapport aux productions précédentes de Mizmor est qu’ici on a ici l’impression, à certains moments, d’apercevoir l’oasis. Cette sensation résulte d’une plus grande variété d’utilisation des passages les plus lents, les plus Doom. Là où sur Yodh ils étaient associés à une lourdeur écrasante, suffocante, ils sont ici parfois investis par des sonorités plus douces, guitare sèche ou riffs plus clairs. Cairn to Suicide symbolise parfaitement : l’apocalypse pendant 4 minutes puis une dépression brutale qui mène à un passage à la guitare sèche qui, dans un mouvement parabolique, prend de l’ampleur et devient quasiment aérien. Quasiment, parce que Cairn n’est absolument pas à Mizmor ce qu’est Starmourner à Ghost Bath. La souffrance reste omniprésente. La plaie ouverte laisse simplement parfois la place à un profond sentiment de deuil plus apaisé. 

Parler de maturité ne serait pas uniquement un lieu commun facile mais serait également déshonorant au vu de la qualité des productions précédentes d’ALN. La progression en termes de qualité de production et de richesse de construction, de structuration des morceaux est cependant flagrante. Si cette chronique semble dépeindre un album plus accessible que son prédécesseur, de nombreuses écoutes restent nécessaires pour pouvoir digérer sa densité et enfin être en mesure de l’apprécier pleinement. Encore une fois, Cairn confirme que bien souvent les grands albums de Métal naissent au tréfonds des peines et des souffrances de leurs créateurs.

Cairn s'écoute en intégralité sur bandcamp.

16.5 / 20
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Yodh ( 2016 )

Depuis quelques années l'Oregon est devenu un vivier incontournable en matière de Black Metal. Parmi les nombreux groupes talentueux, Mizmor est le masque derrière lequel A.L.N. a décidé d'extérioriser ses tourments. Après seulement 4 ans d'activité, ce one-man band signe son deuxième opus chez Gilead Media ; un pavé que l'on n'est pas près d'oublier.

Issue d'une œuvre de l'artiste Polonais Zdzisław Beksiński, cette splendide pochette donne déjà un avant-goût quant à l'atmosphère générale de l'album. À l'image de ces deux figures fantasmagoriques la musique de Mizmor semble transie par l'angoisse. Avec une grande force expressive A.L.N. nous fait plonger dans son univers et précipite notre imagination au cœur de paysages sonores envoûtants. Dans un élan vertigineux, l'auditeur est progressivement acculé puis pris au piège dans ce déluge d'énergie. Même si les genres empruntés sont identifiables ils sont habilement fusionnés, si bien que l'on n'a plus affaire à des enchaînements de structures codifiées et distinctes mais à une sorte de narration en constante évolution. Entre un Black Metal impétueux et un Doom abyssal s'opère une alchimie où tout se suit dans une grande fluidité. Chaque morceau cherche un équilibre, s'engage dans une direction puis se perd, nous tenant en haleine jusqu'au prochain mouvement. Telles des variations affectives, les alternances rythmiques viennent nuancer le discours, produisant un réel dynamisme. Si les trémolos des guitares accentuent la détresse, les passages Doom temporisent l'écoute et donnent une dimension plus tragique au propos. Ponctuées par des hurlements de damnés, les harmonies se succèdent lentement apportant une profonde violence à cette élégie.

À la fois effrayant et fascinant, ce monolithe fait indéniablement partie de ces œuvres musicales qui marquent les esprits au fer rouge ou, du moins, dont on ne ressort pas indemne. Sans verser dans le sentimentalisme ou la mièvrerie, A.L.N. nous emporte avec ardeur dans ses afflictions, mêlant airs majestueux et lamentations déchirantes, théâtralité et abandon retenu.

A écouter : II. A Semblance Waning, V. Bask In The Lingering