La première production du groupe nous avait soufflé de par sa fraîcheur et sa spontanéité. On en attendait donc beaucoup de cette nouvelle sortie. Le format du cd surprend à la vision de la tracklist : une intro et une outro prennent en sandwich des titres qui sont en fait des infinitifs de verbes. Une première partie paraît optimiste avec Naître/Marcher/Vivre/Aimer et, suite à une courte interlude au piano, le constat change : Souffrir/Espérer/Oublier/Survivre/Mourir. Le format est donc celui d'un concept album avec des antagonistes se situant de part et d'autre de cette fameuse interlude sans titre: Souffrir s'oppose à aimer, survivre a vivre, Marcher à Espérer et Mourir à Naître. Reste Oublier...
Oublier l'écoute de ce cd va être impossible. Impossible tant la teneur émotionelle reste haute et soutenue. L'album est d'une rare homogénéité. Il se présente sous la forme de deux blocs indissociables et une pause sans titre pour décompresser. Mihai fixe un idéal de musique romantique et déchirée. L'ambiance posée se rapproche d'un des plus purs spleens baudelairiens accolé au fameux "Colloque sentimental" de Verlaine.
La tristesse et la dépression sont musicalement incarnées par des mélodies douloureuses de guitares sonnant écorchées et distordues. On pense à une deuxième voix lorsqu'on capte les plaintes émises par les instruments. Quant à la base rythmique, elle pose des pièces lancinantes, parfois plus aériennes, mais varie ses registres. L'influence d'Envy dans la musique de Mihai n'est pas un secret mais le groupe s'en détache un peu plus. Envy est un volcan qui explose de façon progressive. Certes, parfois, des mélodies et des martèlements de batterie nous rapellent le A dead sinking story d'Envy ( "Vivre" par exemple). Mais Mihai nous fait plus penser à un long fil tendu qui se déroule peu à peu mais qui peut se couper à n'importe quel endroit, de par sa fragilité. La voix a aussi fait son chemin: très monolithique et itérative, elle possède un pouvoir écrasant d'une rare puissance émotionelle. Mihai gagne en grandiloquence et en profondeur en ne révélant ses sentiments que sur une ambiance (donc moins facilement).
Cette ambiance compacte, au début un peu rebutante, est, bien entendu, soutenue par une production parfaite, limpide et nette. De cette façon, l'ambiance fragile et romantique ouvre des chemins poétiques à la musique: les paroles en sont l'exemple parfait: soutenant la musique, elles sont d'un rare pessimisme et ce tout le long du cd. Mihai fonctionne par phrases marquantes et très touchantes (" On se construira des souvenirs, on se construira un avenir" dans "Aimer", "Pourvu que ce sommeil s'avére être une infinie sieste" dans "Marcher"). Tout comme Impure Wilhelmina et son L'amour, la mort, l'enfance perdue, Mihai Edrisch signe un cd d'une grave tristesse qui rapproche peu à peu le screamo d'un genre romantique et désillusionné. La conclusion de l'écoute est qu'un monde se construit, une vie, une journée. On finit sur "Mourir", une lente derniere complainte qui rapelle la fragilité d'une fleur prête à fâner. Si émo....
A écouter : Tout