A l’écoute de Feast For Water, il faut s’attendre à un ensemble Doom traversé d’influences diverses. Sans trop de surprise, on retrouvera des penchants Bluesy dans les sonorités de Snakeskin Drape, des réflexes d’ascendance Sabbathienne, et une aura globalement pesante. Avec ça on a tout et rien dit, car cette description valable pour les légions d’énièmes Bong-Machin ou Truc-Wizard couvre à peine en surface de ce que représente Messa.
Ici le choix d’un Metal traînant est justifié, évident même. Plutôt que de donner gratuitement des coups de massue, la composition d’une musique lente et appuyée se comprend par la dimension cérémoniale de Messa. Les Italiens font sonner un Stoner Doom qui transpire plus la classe que la weed, de par une production chaude et léchée, de fréquentes incartades Jazzy rappelant Kayo Dot ou Bohren Und Der Club Of Gore et une certaine omniprésence du danger et de la noirceur du début à la fin. Au milieu de ce cocktail audacieux réunissant chevauchées désertiques et fumées opaques de films noirs, émerge une voix féminine qui parachève le tableau. On pense à d’autres responsables de frissons le long de l’échine comme Anna Von Hausswolff ou Rabia Shaheen Qazi (Tulsi), qui avait collaboré avec Earth sur From The Zodiacal Light. Le genre de chant qui fait la pluie (She Knows) et le beau temps (Leah) en un clin d'oeil, menant d'une main de maître les cordes et fûts à l'assaut de nos sens.
Ce qui fonctionne bien avec Messa, c'est qu'il ne faut pas attendre bien longtemps avant d'être embrigadé, puisque le troisième morceau (sélectionné pour la promo d'ailleurs) est sans aucun doute celui qui mettra tout le monde d'accord. Leah est LE titre ultra-puissant de ce disque, habité par les fulgurances vocales de Sara. Camouflée par les notes enveloppantes d’un piano Rhodes, la femme vous saute à la gorge, invoquant le tonnerre rythmique dans le sillage de ses vocalises incantatoires. Comment rester de marbre face à une telle sorcellerie sonore ? Moins purement tubesque, le reste de la tracklist s'affranchit des couplets-refrains et offre de belles pépites, construites essentiellement sur des alternances de passages apaisés et de furieux grondements. The Seer laisse le champ libre aux patterns Jazzy et mélopées douces. Plus tard, Tulsi met en scène un saxophone nocturne, lâché après une marche menaçante et un ton sévère derrière le micro.
Seul bémol sur Feast For Water, une fin de voyage moins marquante que la première moitié. White Stain souffre presque de la qualité de ses prédécesseurs, tandis que Da Tariki Tariqat offre une issue sympathique mais sans conclure fermement ces 49 minutes.
Sur ce deuxième opus, le quatuor italien nous embarque dans un monde éclairé de bougies vacillantes pour explorer le Doom Metal sous des formes encore pas ou peu défrichées. Riche de son aura mystérieuse, de ses inspirations bien amenées, Feast For Water constitue une belle suite à Belfry, et est à classer hors des sentiers battus sans hésitation.
A écouter : Leah, Tulsi