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Biographie

Meshuggah

Probablement parce qu’il n’y a pas grand chose à faire là-bas, Umeå, petite ville suédoise serait le berceau de bon nombre de combos de qualité. Meshuggah est certainement celui d’entre eux qui a acquis la plus grosse réputation. Formé en 1987, les membres du groupe n’ont cessé de prendre leur temps pour arriver à leurs objectifs, tant et si bien qu’ils forment très certainement l’un des seuls groupe actuels qui n’ont eu de cesse de progresser sur une période aussi longue. Améliorant leur technique et leur vision de la musique constamment, usant leur patience et prouvant leur persévérance, le groupe se retrouve aujourd’hui dans le cercle très fermé des formations cultes, à la genèse sans fioritures et l’influence indéniable sur la scène. Imposant une personnalité unique dès l’arrivée d’un line up stable (1991), la musique du groupe sonne comme nulle autre, d’une part grâce de la maestria technique de chacun des instrumentistes, et d’autre part à travers le son unique dégagé de chacun des disques du combo. Partant d’un thrash 80’s assez classique, le groupe a rapidement évolué en intégrant polyrythmies incompréhensibles et riffs mégalos, donnant un aspect élitiste à leur musique, et développant cette fameuse intégrité si glaciale et austère.
Bien que la formation dégage une puissance et une maîtrise live indéniable, la marque de son talent vient de sa capacité à composer des pièces maîtresses du métal moderne, se renouvelant tout en gardant son tempérament. Citons notamment les albums Destroy Erase Improve, Chaosphere, et Nothing, véritables pierres angulaires ayant influencé directement bon nombre de groupes de tous horizons.

17 / 20
31 commentaires (16.69/20).

The Violent Sleep Of Reason ( 2016 )

Se confronter à Meshuggah est toujours une épreuve hors du commun. La musique complexe et étrange qui les caractérise a toujours fait controverse : incomprise par certains, elle fait l'objet d'interminables débats sur leur sens et leur aspect tordu. Aujourd'hui, The Violent Sleep Of Reason vient une fois encore brutaliser notre conscience.

Dans la plus pure tradition des suédois, The Violent Sleep Of Reason est un monstre. Plus qu'au travers de la technique, c'est dans le ressenti que le choc est le plus terrible. Sans changer fondamentalement sa formule, Meshuggah impose une fois encore une oeuvre puissante, terrifiante et grandiose. La catharsis est ici poussée à son paroxysme : l'auditeur est maltraité, perdu dans les sonorités labyrinthiques, à la limite de la rupture à chaque instant. Et pourtant on y retourne... Cette curiosité morbide qui consiste ici à vouloir absolument comprendre ce qui se cache derrière ces murs de son, quels trésors recèlent les compositions, nous pousse à écouter le morceau suivant en dépit de la difficulté que cela peut représenter pour les non initiés.
  
De nouveaux éléments viennent renforcer les contrastes entre les riffs dantesques de la 8 cordes prêts à briser les cervicales et les ralentissements qui font plonger instantanément dans les limbes sonores. Des mélodies sont disséminées ici et là, donnant de l'amplitude aux dissonances, venant racler l'intérieur du cerveau comme c'est le cas dans Clockworks. Ces grincements hérissent le poil et sont contrebalancés par les parpaings qu'envoient la basse toujours aussi ronflante. La synergie des instruments ne fonctionne pas de la même manière que dans les autres groupes. Ici chacun forme une ligne mélodique distincte et irrégulière qui, une fois combinée à l'autre, tissera la toile complexe dans laquelle nous sommes empêtrés. C'est seulement après coup que l'on se rend compte de l'efficacité du concept sur lequel repose leur musique, le talent hors du commun qui habite chaque membre. 
De nets ralentissements viennent écraser les rythmes effrénés, rendant l'atmosphère étouffante à l'image de By The Ton qui porte très bien son nom. Ces changements de tempo ne rendent pas pour autant l'écoute plus facile, les arythmies produisent leur effet et abandonnent l'auditeur au beau milieu de ce paysage d'apocalypse sur lequel il est facile de perdre pied.

Meshuggah nous vomit encore une fois un album en forme de machine dantesque, inhumaine et violente dont la seule ambition est de détruire. The Violent Sleep Of Reason est si complexe, tant dans sa construction que dans ses mélodies, qu'il en devient presque indomptable : l'écouter en entier est une forme de masochisme assez avancée. Ce trop plein, cette tornade ininterrompue plonge l'auditeur dans une forme de transe sauvage et malsaine qui peut à juste titre en rebuter plus d'un.
Le fait de devoir s'investir et passer du temps à réécouter chaque morceau peut décourager l'amateur qui voudrait qu'on lui livre les clefs du donjon dès les premiers pas. Mais le périple est long et difficile, la rédemption se mérite : ce n'est certainement pas dès les premiers instants que l'on accédera aux arcanes de ce qui fait l'essence de Meshuggah.

De la patience il en faudra pour comprendre The Violent Sleep of Reason. Comme tous les autres albums de Meshuggah, cette production hors normes pousse l'auditeur à bout, jouant avec ses nerfs et menaçant de le faire craquer à tout instant. Pourtant ceux qui s'accrochent trouveront dans cette oeuvre torturée une richesse aussi surprenante qu'incongrue et qui pourtant est la marque de fabrique d'un groupe culte.

A écouter : En étant averti
14.5 / 20
35 commentaires (15.69/20).

Koloss ( 2012 )

Pfiouh, elle aura été longue, la digestion de Koloss.
Rejet en bloc, dégout des premières écoutes qu’appuyaient les avis fusant de toutes parts qui proclamaient le nouveau messie, début d’adhérence à l’ensemble des pistes, adoration totale de l’album du millénaire, douce retombée du soufflé, et, enfin, prise de distance et objectivité. Les écoutes se sont décantées, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, les hivers ont été rudes et voilà que j’arrive à démouler une chronique sur cet album singulier qui garde farouchement les secrets de son âme. Et si c’était cela, la force du nouveau Meshuggah ? Ballotter l’auditeur, faire en sorte qu’il n’arrive pas à savoir quoi penser de cette entité pesante, rampante, surproduite, fatigante.

Sous un nom d’album et de titres plus « normaux » que d’habitude (même si "koloss" veut aussi dire « connard » en grec), Meshuggah nous livre tout de même un disque digne de la réputation que le groupe a créée et entretenue. On est toujours en présence de cette musique labyrinthique et froide qui vous laisse seul face aux patterns insaisissables de Thomas Haake et aux riffs élastiques des 8 cordes de Thordendal et Hagström. Le brailleur de service Jens Kidman est lui aussi de la partie et ne s’est toujours pas décidé à changer de registre. Enfin bon quand on doit poser une ligne de chant qui se veut complexe sur une musique qui est elle-même instable au possible, on ne peut dire que « respect monsieur ».

La grosse faiblesse de l’album vient du fait que Meshuggah n’a cette fois pas su se renouveler, ou du moins pas assez pour créer la surprise avec de nouveaux éléments barrés, de nouveaux hymnes à la rythmique impossible. Koloss ne place la barre ni plus haut ni “où que ce soit d’autre”. De fait, même si l’album possède un son (bulldozer certes, mais un son tout de même), un univers qui lui sont propres et de nouvelles compos, eh ben ça décolle pas. Ou si peu. Mais au début alors. Quand on commence à assimiler les titres et qu’on se prend dans la tronche les rythmiques barbares de "Do Not Look Down" et "Break Those Bones..." et "Demiurge". Ou l'implacable "The Demon’s Name Is Surveillance" à la double pédale quasi-ininterrompue. Sans compter l'aspect mélodique insufflé par les superbes solo de "Do Not Look Down" et "Marrow" qui viennent rompre la monotonie ambiante. De son côté "Swarm" renoue avec les solo plus expérimentaux et bruitistes.

Mais plus les écoutes passent et plus certaines pistes semblent faire office de remplissage. "Swarm" justement, devient chiante. Même topo pour la lourdingue "Behind The Sun" qui se traîne sur six minutes avec un rebondissement final qui la ferait éventuellement passer en live. Et comment ne pas citer l’ouverture "I Am Colossus", que l’on aura vite fait de zapper après quelques écoutes. Concrètement, l’album s’arrête après la frapadingue "Demiurge" tant l’instrumentale "The Last Vigil" arrive comme une fleur après la tempête de décibels qu’on vient de se taper. En plus de n’être pas spécialement inspirée, elle est placée à la toute fin du CD, ce qui lui fait clairement perdre de son impact. Comme si le groupe s’était dit “bon il faut qu’on fasse une instru mais elle fait tache, on la met où ? - Been on la met à la fin comme ça elle se voit pas trop.” Quand on repense à celle placée en plein milieu de Catch 33 ("In Death - Is Death"), on se demande un peu où sont passées les couilles du groupe.

De manière générale, qualité des compos mise à part, le feeling de Koloss est moins expérimental et j’ai envie de dire plus rock notamment à cause des roulements de caisse claire des riffs mieux appréhensibles et des solo cités plus hauts. Mais une bonne prod ne fait pas forcément un bon CD.
Koloss possède résolument de bonnes idées mais rien n’y fait, il est trop académique dans son exécution et trop homogène dans ses sonorités pour pouvoir affirmer que Meshuggah a livré là la nouvelle norme de la musique "djent". Attention hein, cela n'empêche pas le groupe de continuer à tenir la dragée haute aux autres prétendants du trône. Mais c'est que la concurrence se fait de plus en plus rude.

Bon c'est pas tout, mais c'est l'heure d'aller faire pleurer le Koloss.

A écouter : Do Not Look Down, The Hurt That Finds You First, Break These Bones blabla, Demiurge
14.5 / 20
38 commentaires (18.08/20).

obZen ( 2008 )

Meshuggah nous avait laissé avec I et Catch 33 sur ses tribulations les plus expérimentales, une explosion de ses structures faisant de sa musique une pièce finalement très ambiancée et qui offrait une alternative au martellement monomaniaque abrutissant dont avaient fait preuve les suédois depuis le début de leur carrière. Il n’eut pas été surprenant et même presque logique que la formation poursuive dans ces voies et explore bien des nouvelles dimensions de leur maelström à ce qui avait constitué un certain tournant dans leur histoire. Raté, fermons la parenthèse ambitieuse suscitée, ObZen revient à l’époque où Meshuggah était percussif comme personne, une machine de guerre massive inarrêtable et directe, abstraite et violente.

Dans la mesure où Meshuggah en était tout de même arrivé à tourner pas mal en rond avant ladite parenthèse, à quoi peut donc rimer un tel retour en arrière, et surtout en quoi ObZen se différencie-t-il de l’apport substantiel de Nothing, Chaosphere, Destroy Erase Improve et de ses congénères. Dans l’absolu, pas de grand-chose en fait, ce nouvel album a beau contenir parmi les titres les plus efficaces jamais composés par Torthendal et ses acolytes, il n’en reste pas moins comme un album de Meshuggah à l’ancienne, ce rouleau compresseur polyrythmique froid et grinçant, orgasmique pour qui n’y est pas réfractaire. Et pourtant, avec l’élitisme que l’on connait au quatuor, la progression, notamment technique, est au rendez-vous. Peut-être moins chaotique qu’à l’époque de Chaosphere mais tout aussi brutal, l’univers Meshuggah franchit encore un degré au niveau de la complexité. L’évident Bleed, qui est sans nul doute le titre le plus difficile rythmiquement composé par le groupe à ce jour en témoigne indubitablement, avec sa partie rythmique surréaliste (qui rappellera l’introduction épaisse de I) de rapidité et d’anicroches. Haake prouve ici que sa cervelle tourne de moins en moins rond, et lâche encore un peu plus les gaz pour un résultat plus jouissif que jamais. Lui qui se charge des structures rythmiques de la quasi-totalité des compositions a du cogiter sévèrement pour sortir des casse-tête comme Dancers To A Discordant System, le titre de clôture, Electric Red, Pineal Gland Optical, This Spiteful Snake, et d’autres qui forment un concentré de titres ultra agressifs et rapides, servis de surcroit par une production assez moderne très claire et moins poisseuse qu’à l’époque à laquelle le tout fait référence.  La guitare, bien que toujours grinçante est nette, presque trop et le son globalement a plutôt tendance fatalement à être bien moins écrasant que ce que Meshuggah a pu produire jusqu’à présent.

A jouer avec nos nerfs en permanence, plus compliqué et agressif que jamais, Meshuggah s’immisce dans votre esprit, provoque l’apoplexie mentale comme il sait le faire depuis toujours et surtout comme personne n’y est jamais parvenu en matière de dérivés mathématiques du rock. Sa musique névrosée et abstraite garde ses vieux ingrédients, les bonifie et perd au passage peut-être un peu de spontanéité et de fraîcheur. Qu’importe, la recette fonctionne et ObZen contient des morceaux de bravoure notables et orgasmiques. Ce nouvel album ne restera certainement pas comme le plus surprenant, mais reste d’une indubitable qualité.

A écouter : Bleed. Dancers To a Discordant System
16 / 20
38 commentaires (17.03/20).
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Catch 33 ( 2005 )

Productifs ces gaillards, à peine moins d’un an après l’EP sobrement intitulé I, les voilà qui nous poussent le même concept dans l’outrancier, en proposant un album de 47 minutes composé d’une seule et même chanson. Le label du groupe (ndlr :Nuclear Blast) a bien essayé de donner l’illusion d’un disque normal en découpant le morceau en 13 plages,  rien n’y fait : Catch 33 s’écoute d’un bloc ou ne s’écoute pas.
Alors quoi de neuf ? Comme toujours avec les disques de Meshuggah, vous n’aurez certainement pas la réponse en une écoute, peut-être même ne l’aurez-vous jamais, car éventuellement êtes-vous de ceux sur qui la musique du groupe ne fait strictement aucun effet et qui trouvent cela d’une platitude extrême, dommage…cherchez encore. Pourtant, comme les membres du groupe l’avaient bramé sur tous les toits, le changement est bel et bien au rendez-vous. Techniquement d’abord, le groupe innove : les détails les plus visibles sont le chant, totalement métamorphosé au mixage par rapport aux précédents opus et cette guitare aiguë, quasi continue dans de nombreux passages que l’on pourrait comparer, objectivement parlant et sur un point de vue sonore uniquement, à une grosse mouche. Enorme nouveauté dans les plans Meshuggesques, elle envoûte, déroute, nargue, excite, et ce tout au long de l’album. Fait étonnant également, la batterie a été remplacée par un instrument électronique programmé par mister Haake, choix opéré après que celui-ci se soit perdu dans ses parties (certains diront : « ça devait arriver »). La chose passe presque inaperçue et l’on retrouve des parties toujours ingénieuses et techniques, comme si l’ami Tomas était bel et bien caché derrière son kit. Néanmoins, que les adorateurs du groupe se rassurent, la si forte personnalité du combo est toujours là, puissante comme jamais : la déstructure et le malsain sont éternellement au rendez-vous.
D’ailleurs, le groupe fait très fort. La toute première partie de l’album arrive à opérer une synthèse parfaite de l’évolution musicale du combo depuis ses débuts, en seulement quelques pistes (jusqu’à Entrapment pour être précis), une sorte de mise en bouche dans la parfaite continuité de I pour rappeler ce que le groupe a peint en plus de 15 années de carrière, pour les retardataires. Pourquoi cela alors ? Car ce qui suit est un coup magistral : les prémices d’un changement lent et inertiel se font sentir, la transmutation fine et subtile des géants de glace s’amorce. Dans cette deuxième et longue partie de Catch 33, le groupe esquisse la direction vers laquelle il s’orientera dès les prochains disques, et de quelle manière ! Avec l’ingéniosité qu’on leur connaît, les membres du groupe nous montrent qu’ils se sont régalés, en laissant libre court à leur imagination. Les riffs se font plus beaucoup plus écrasants, herculéens et démoniaques, et cette impression est renforcée par le nombre d’ambiances  différentes qui se succèdent. Passages épurés contre aventures électroniques, en utilisant le jazz ou encore le matraquage mental, l'invention est là, indubitablement.
Avec ce Catch 33, les suédois rappellent à qui veut l’entendre qu’ils sont uniques, mais aussi qu’ils sont capables de proposer quelque chose de frais. Ce disque sera d’autant plus appréciable et indispensable que l’auditeur maîtrisera tout ou partie de la discographie du groupe. Il reste néanmoins incroyable pour toute personne apte à recevoir et comprendre le fond de la musique de Meshuggah, et s’affirmera clairement, avec le recul, comme le meilleur et plus abouti des disques du groupe.

A écouter : En entier ou rien.