Maudits
Post-Metal / Doom / Ambient
Précipice
01. Précipice part I
02. Seizure
03. Pretium Doloris
04. Séquelles
05. Précipice part II
06. Lights end
07. Vielä Siellä
Chronique
L'incipit est une guitare un peu dangereuse, lancinante, qui répète une même note encore et encore jusqu'à s'allonger dans une reverb aux traînées insaisissables. Une deuxième guitare rentre, tout aussi répétitive mais plus pressante. Commence alors une marche qui mène, calme mais inexorable, vers quelque chose qui couve, qui monte et monte encore au son d'un violoncelle qui s'élance et s'étire. Jusqu'au premier break, au bord du gouffre : bienvenue dans Précipice, le nouvel opus de Maudits.
Entre post-metal, post-rock et influences progressives, le trio instrumental français nous revient avec leur deuxième opus depuis leur première sortie en 2020. Incluant trois morceaux de choix de plus de onze minutes sur une tracklist qui en compte sept (plus un morceau caché), l'album se déploie d'une seule longueur, quasi-cinématographique. Précipice peint, raconte, déroule sans un accroc, sans un temps faible et, disons-le, sans une seule faute de goût une histoire sensible dans laquelle on s'immerge sans peine.
Maniant de préférence les mid-tempi amples, Maudits crée et installe des espaces où peuvent se déployer avec nuance des ambiances et des émotions, clairement sublimées par le violoncelle de Raphaël Verguin (Psygnosis, In Cauda Venenum). Du jeu des montées et des accalmies, le groupe de musiciens sait manier la dynamique à ravir et s'aventure même régulièrement hors des sentiers battus du post pour poser des atmosphères intimistes plus électroniques, sculptées aux claviers (Emmanuel Rousseau et Nicolas Zivkovich en invités) et aux batteries samplées.
La majeure partie des structures de Précipice part I et Précipice part II est née au printemps 2020, la suite de l'écriture s'étalant jusqu'à fin 2023 pour le début de l'enregistrement. Très cohérent avec leur première sortie éponyme d'octobre 2020, l'une des réussites compositionnelles de ce nouvel album est de proposer des mouvements longs, amples, qui se fondent les uns dans les autres comme autant de scènes qui se succèdent de manière fluide et harmonieuse. Ainsi Précipice part II conclut-il près de vingt-cinq minutes de musique non pas sur un final éclatant mais subtilement en suspens pour mieux plonger dans l'acoustique de Lights end, aux sonorités néo folk.
Et si tout cela marche si bien, c'est aussi grâce à la limpidité de la production musicale : on y retrouve Frédéric Gervais au mixage et au mastering (déjà aux manettes pour le premier opus), qui délivre un son très bien équilibré, aux haut médiums cristallins, qui contribue à faire de Précipice un voyage sans anicroche au cours duquel on peut, tout simplement, se perdre dans l'exploration des paysages et les ressentis intérieurs qu'ils nous procurent.
On pourrait dire que Précipice s'écoute facilement mais il ne s'agit pas, loin s'en faut, d'un album inoffensif. C'est une bête à fleur de peau qui prend d'emblée, qui peut provoquer des vertiges et précipiter dans des malströms intenses. Pourtant et malgré son nom, la musique de Maudits ne verse jamais vraiment dans le sinistre. Elle semble au contraire rechercher la douceur d'une lumière qui finit toujours par percer à travers l'obscurité, à l'image de l'artwork réalisé par Dehn Sora (Ovtrenoir, Throane) dont les couleurs crépusculaires accompagnent à merveille la musique et sur lequel le trèfle à quatre feuilles, cher à Maudits, pousse cette fois-ci vaillamment au bord du précipice. Comme un défi.
A écouter : 1