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Biographie
Maudits naît de la fusion entre musiciens live d'Ovtrenoir et Throane + un ex-The Last Embrace aussi guitariste live des formations précitées. Dans une veine Post-Metal / Doom / Ambient instrumentale, le trio introduit également des éléments Post-Rock, Black Metal, progressifs et orchestraux à ses compositions, par l'intermédiaire d'un violon (celui d'une certaine Caroline B.) notamment. En sortira le premier album sans titre du trio, résultat d'un besoin cathartique de libérer des émotions liées à une année 2020 particulièrement chargée. Pour compléter leurs intentions les parisiens sortent le EP Angle Mort chez Klonosphere en 2021, puis un split album en compagnie de SaaR l'année suivante abrité par Source Atone Records.
Maudits nous avait gratifié d’un formidable EP l’an dernier, un Angle Mort qui étendait, après l’album initial de 2020, l’univers noir et beau d’un trio parisien chargé de talent instrumental issu de formations connexes que sont Ovtrenoir et Throane. Riche de trois longs formats le voisin de palier SaaR est plus ancien dans le paysage Post-Metal / Ambient céfran, dont le dernier méfait GODS (inspiré de la mythologie et notamment de l’odyssée d’Homère) pondu en 2021 avait lui aussi cassé quelques bouches au ralenti. Aujourd’hui, sous la bannière du croustillant label Source Atone Records, les deux entités se réunissent pour deux morceaux aussi caractéristiques l’un que l’autre de leurs géniteurs en apesanteur, soit deux fresques étalant chacune leur vision de la mélancolie, avec la manière, l’une plus condensée que l’autre ceci dit.
Et c’est SaaR qui s’y colle en premier avec Loved et ses quasi neuf minutes au compteur tout de même, ouvertes par de menaçants roulements bien terreux jusqu’à l’explosion de guitares froides et épiques, bardées de mélodies suspendues derrière une section rythmique ultra massive. Une note maintien la tension puis retombe à mi-parcours et laisse un instant le champ à la lumière blafarde, pour mieux se faire balayer par la lourdeur des six cordes ambiancées de noirs et sensibles desseins. Un modèle d’équilibre et de gestion des atmosphères.
Maudits prend le relais avec un Breken de quinze minutes quarante secondes et trois actes, plus doucement introduits via les notes cristallines et délicates dont le groupe est coutumier, mais l’espace se remplit assez vite des mouvements amples d’une batterie profonde accompagnée de riffs gras, mangés par la matière sombre, puis une ligne de basse mélodiquement délicieuse s’empare de la barre pour achever ce premier acte. Le deuxième installe une transition à l’ambiance science-fictionnelle lovecraftienne, cernée d’électronique dangereuse habillée d’un violon discret mais déterminé. Une fois la santé mentale partiellement atteinte, les assauts mélodiques et rythmiques nous enveloppent comme pour nous rassurer, mobilisant tous les instruments à disposition, orgue et piano inclus, afin de nous lâcher dans le vide avec un souvenir chaud et familier en tête. Trois parties, trois états, en un titre tout aussi marquant que Loved.
Il semblait évident que SaaR et Maudits se rencontrent, et en effet ça coule de source, les deux morceaux s’enchaînent et s’alimentent mutuellement bien qu’ils dépeignent deux façons différentes d’aborder la mélancolie de leurs paysages. Le tout bichonné par Frédéric Gervais au studio Henosis sur Breken et par l’incontournable Francis Caste pour Loved. Des splits de cet acabit, on en veut chaque semaine, oui et deux fois oui.
A écouter : doublement.
Fruit de l’association de O. (ex-The Last Embrace et guitariste live d’Ovtrenoir et Throane), A. et C. (d’Ovtrenoir et Throane aussi tiens), Maudits prend l’ascendant instrumental d’un univers Post-Metal aventureux et aéré, touchant du doigt l’orchestral par l’intégration d’un violon (tenu par Caroline B.) au centre d’un propos relativement chargé en riffs épais, sans jamais étouffer la curiosité de celle ou celui qui écoute. Ce tout premier album n’est de fait pas une simple récréation pour ses auteurs, il est d’ors et déjà une pièce maîtresse, capable de nous hanter des heures durant après son passage au creux de l’oreille attentive.
Bien que le contexte ou même le genre pratiqué soient différents, l’approche organique et le format de l’objet rappellent les travaux de L’Effondras, en plus d’influences assez claires du coté de My Dying Bride, Russian Circles ou Pelican, voire Dub Trio sur quelques parties de batterie finement grignotées par l’écho. Sans omettre une dimension Black Metal qui jaillit de manière astucieuse à travers la guitare en particulier. En ressort une bande son magistrale sur le thème de la malédiction, manifestement irréversible. Les plus de 13 minutes du morceau éponyme en témoignent d’entrée de jeu, exposant une écriture limpide et un rendu de toute beauté, induisant des variations de mouvements (sur)naturelles pour faire participer violon et glitchs électroniques, au sein d’une atmosphère aussi désespérée que scintillante. On admirera autant la Resilience colonisée de guitare noircie d’un mal fourbe, d’une basse transformiste devenant rondelette lors de mouvements de (fausse) joie, le tout impulsé par des frappes invariablement justes et délicates.
Suite à l’intervention bruiteuse et chuchotée de Dehn Sora sur l’Ambient semi-acoustique et pivot du disque Liminal, le trio s’enfonce progressivement dans le Grain Blanc menaçant, guidé par l’élasticité d’une basse étonnamment enthousiaste malgré les agressions Black survenant à intervalles réguliers, ponctuellement pénétré d’un violon qui n’est décidément pas juste là pour faire de la figuration. Confirmation avec la pluvieuse transition Solace, suivie du goût sublime de la défaite Verloren Strijd (« bataille perdue » en néerlandais), lente marche fébrile et angoissante vers les tréfonds du Doom – à l’image certainement de cette douloureuse année 2020 – qui se termine peut-être un peu trop vite. Ce qui n’entachera nullement une expérience globale plus que réussie, où règne la contemplation d’un paysage désolé, néanmoins merveilleux.
A écouter : attentivement.
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