Oui, on cause beaucoup de la guerre ces derniers temps, et somme toute c’est plutôt logique, mais c’est une thématique en général aussi récurrente dans le milieu des musiques plus ou moins énervées, heureusement davantage pour chier dessus que pour l’ériger en nécessité inévitable et surtout très lucrative pour une poignée de connards virilistes en uniforme ou en costard. Les relativement jeunes bordelais.e.s de Matrass se placent sans ambiguïté dans le camp des islamo-gaucho-beatniks, celui de ces dangereux extrémistes de la paix haineux de la réussite de ceux qui s’en mettent plein les fouilles sur le dos des peuples déconcernés, brutalisés.
Deuxième EP du quintet, Inner Wars enfile son casque bleu et met directement les pieds dans le champ de bataille de nos turpitudes, usant d’une Fusion non-alignée qui mêle Rock, Metal, Stoner et Post-Rock, déjà pas mal agencée sur le 1er court Fulfillment, malgré un chant très inégal, en particulier très faiblard sur les parties hurlées. Du coup Matrass est allé chercher la voix de Clémentine Browne, aux capacités vocales plus sûres, surtout bien plus décisives dans ce que dégagent ces nouvelles compositions, qui jouissent également d’une production excellente (par David Thiers au Secret Place), aussi massive que pointilleuse. Ainsi Parasites (Clean All) dénonce ironiquement les justifications guerrières toutes pétées (« You’re too many to feed anyway ; You’re almost glad that we are here to clean all parasites »), tapissé d’un gros riff Stoner, cerné d’un groove instantané, virant sur un feeling jazzy augmenté d’une basse métallique savoureuse, le chant prenant toutes ses aises, sublimé par un accent français assez léger pour faire succomber son auditoire, en plus de vocalises saturées ici justes et puissantes. Confirmation avec The Tide, aux airs Post-Rock qui mutent en Post-Metal, puis le point de fixation Y, alors que la poussière retombe, que la guitare distribue de la mélodie gorgée de Blues, que le spoken word introspectif nous renvoie à nos propres questionnements, et qu’on termine dans une orgie de riffs libératrice.
Inner Wars est finalement d’une consistance remarquable, second départ avec lequel Matrass semble avoir trouvé sa voie, celle de l’équilibre des forces en présence, entre une instrumentation tout-terrain qui veille à ne jamais s’éparpiller, une voix nouvelle qui insuffle une sacrée dose de sensations et une écriture fluide, précise. Soldier en sera l’ultime témoin, armé d’un couteau vocal supplémentaire, soit l’artiste Folk Qlay, lui-même équipé d’un violoncelle bienvenu, dans le but d’adoucir définitivement les mœurs.
Manifestement il faudra compter avec Matrass à l’avenir, menant sa barque le long d’un fleuve de cohérence pas tout à fait tranquille, via un taf d’écriture - aussi bien musical que textuel - équilibré, porteur de sens et d’émotions parfois contradictoires mais jamais dissociées. On détecte en effet ici une maîtrise des dossiers plus qu’enthousiasmante pour la suite.
A écouter : Oui.