Du latin suc « sous », et cubare « coucher » : « qui couche sous », succube est une créature démoniaque qui a l’apparence d’une femme. Des légendes révèlent qu’elles séduisaient leur mari (veuf), leur faisant croire à leur réincarnation. L’accouplement se manifestait pour la victime sous l’apparence d’un rêve ou d’un cauchemar…
Succube, ou le requiem pour un rêve…
Au commencement il y a ce cri, puis l’épreuve: 10 morceaux, soit 42 minutes de métal éreintant. Eros&Thanatos, 1er album du combo, se rythmait en paradoxes, ici, la dualité semble se décliner. Même si l’album paraît copieux, voire indigeste aux premiers abords, des mélodies entraînantes telles des petites comptines espiègles et acides se dénotent dés la première écoute. « Cet air me colle à la peau », dans la mélodie du bonheur... Les niveaux de lectures fourmillent, dans les mises en abîmes, les atmosphères qui jonglent, les clins d’œil aux films, ou bien encore les rôles interprétés. A ne plus savoir très bien où se cache la fiction du réel, le jeu de l’envie, le fantasme de l’irréalisable, la muse du démon. Les personnages évoluent, se mutent et s’enchaînent tour à tour à une vitesse phénoménale. Les textes seuls ne suffisent plus, l’intonation, la verve utilisée par les voix donne une autre dimension. On a droit dans Buffet Froid par exemple à trois voix différentes pour un seul et même mot « transpire ». Un chant qui s’acoquine à toutes les sauces. Difficile de saisir l’auto persuasion, le second degré ou le simple témoignage dans tout ce beau bordel.
L’approfondissement concernant les univers, les atmosphères ne se limitent pas qu’au chant. On constate une recherche concernant les nappes de guitares. Elles s’affirment, s’affinent, et se complexifient. Les mélodies dans les passages plutôt calmes ne se ressemblent jamais, que ce soit dans night must fall, où nous avons affaire à des sonorités limites indus dans certains riffs, ou dans straw dogs où ils virevoltent massivement. La rythmique elle aussi s’articule avec éloquence, plus aboutie, plus pertinente. Manimal mûrit c’est incontestable, mais clairement la formation n’est pas prête à adoucir ses mœurs, vu l’énergie et l’agressivité de leur son.
Mon seul (tout petit) bémol toutefois, se porte sur le rendu du son justemfent qui s’avère être un peu inégal sur certain morceau, ceci dit rien de bien méchant. Juste parce que j’aime à pinailler. Probablement le manque de temps pour peaufiner le tout. Après c’est indéniable Manimal détient ce son unique. On aime ou on n’aime pas.
On ne peut évoquer Succube sans citer les apparitions d’Elodie Cassarino (sœur de Julien). Sous forme d’interludes, elle apparaît féerique, irréelle, dramatique, onirique et sensuelle. Des chants lyriques fascinants, des phrasés envahis d’émotions, ou même des éclats de rires démoniaques, le tout en italien. Ce choix de langue serait-il un clin d’œil à l’œuvre de la renaissance italienne Eros et thanatos ? Ou simplement la façon la plus imagé de représenter la ténébreuse Succube? En tous les cas, on ne peut que complimenter un tel choix, car la présence d’Elodie insuffle à cet album une touche surnaturelle.
Jouch, incontournable pour la conception de pochettes, réalise encore une fois l’artwork du groupe, jouant la carte de la sobriété. Les tonalités pourpres et ébènes, nous présente deux rangées de fauteuils vides. Comme une invitation à prendre place à un spectacle. Mais nous ne saurons pas de quel spectacle il s’agit. Film ? Pièce de théâtre ? Performance ? … En ouvrant le digipack le doute se creuse, … Un tunnel ou parking sous terrain, une fantomatique silhouette féminine, une bobine de film, plusieurs écrans télé de vidéosurveillance et une mèche de cheveux sur un fauteuil (clin d’œil à l’artwork du premier album). On croirait un festin nu en Truman show.
Tous les détails mêlés les uns aux autres confèrent à cet album une véritable touche cinématographique très réussie, ce qui n'est pas pour me déplaire. Vraisemblablement la vie n’est pas un long film tranquille … Sur ce, faîtes de beaux rêves avec ou sans Succube…
A écouter : 1
Quelques infos sur la tracklist (chaque titre est un film)
1) Le monstre est vivant, Titre original : it's alive. Réalisé par Larry Cohen, Avec Sharon Farrell, Andrew Duggan, John P. Ryan, Genre : Epouvante-horreur
2) After Hours. Réalisé par Martin Scorsese, Avec Griffin Dunne, Rosanna Arquette, Verna Bloom, Genre : Comédie
3) Straw dogs. Réalisé par Sam Peckinpah, Avec Dustin Hoffman, Susan George, Peter Vaughan, Genre : Drame, Thriller.
4) La mélodie du bonheur, Titre original : The Sound of music. Réalisé par Robert Wise, Avec Julie Andrews, Christopher Plummer, Richard Haydn, Genre : Comédie musicale.
5) Le choix des armes. Réalisé par Alain Corneau, Avec Yves Montand, Gérard Depardieu, Catherine Deneuve, Genre : Policier
6) Night must fall. Réalisé par Karel Reisz, Avec Albert Finney, Mona Washbourne, Susan Hampshire, Sheila Hancock, Genre: Thriller
7) Angel heart. Réalisé par Alan Parker, Avec Mickey Rourke, Robert De Niro, Lisa Bonet, Genre : Fantastique, Thriller
8) Cadavres exquis, Titre original : Cadaveri eccelenti. Réalisé par Francesco Rosi, Avec Marcel Bozzuffi, Charles Vanel, Lino Ventura, Genre : Divers
9) Buffet froid. Réalisé par Bertrand Blier, Avec Gérard Depardieu, Bernard Blier, Jean Carmet, Genre : Comédie dramatique
10) Tous les matins du monde. Réalisé par Alain Corneau, Avec Gérard Depardieu, Jean-Pierre Marielle, Anne Brochet, Genre : Drame
Une bonne grosse tartine dans te gueule.
Il est sacrément balèze à digérer cet album mais mon dieu qu'il est bon!