Avec leur 3e album studio, il sera difficile pour Man Man de passer inaperçu. Haut en couleurs, tous instruments dehors, le groupe emmené par Honus Honus, Sergei Sogay, Pow Pow, Critter Crat et Chang Wang a le vent en poupe et ramène les pots de peinture dans le bouge que squatte Tom Waits depuis le début de la soirée.
Au travers des 13 pistes qui constituent Rabbit Habits, Man Man virevolte à chaque mesure, bondit, change de cap en gardant la barre : cabaret ("Easy Eats or Dirty Doctor Galapagos"), ballade ("Doo Right"), feu d'artifice ("Mysteries of the Universe Unraveled"). Au programme, donc, tout et un peu n'importe quoi, partout, tout le temps. A peine branché, Man Man électrise l'audience. Le quintette part en vadrouille et le crie haut et fort, tantôt chassant sur les terres d'un Tom Waits sous ecsta ("Big Trouble") - avec qui ils partagent le même label, tantôt se forgeant sa propre légende en fanfare ("Whale Bones"). A l'image d'un cirque itinérant, ils ne rejoueront pas deux fois le même morceau, interchangeant leurs instruments et les mesures dans un joyeux bordel.
Une fanfare, de fait, taillée pour la scène où l'on peut sans peine imaginer des morceaux encore plus fous, laissant la part belle aux délires des guitares, saxophones, trompettes, flûtes ou xylophones (et le mémorable solo sur "The Ballad of Butter Beans") et aux élucubrations sexuellement engagées de son frontman gueulard, Beefheart et Zappa rôdant dans les environs. En toute liberté, Man Man accouche d'un album décalé et sacrément mordant qu'il convient d'enfermer en cage.
Avec un comique quasi-cartoonesque et un sens musical kaléidoscopique, le combo se détache de tout sens commun et repart plein d'idées derrière la tête, une fois ce troquet repeint et ce Tom Waits lessivé. La seconde couche n'est pas loin.
A écouter : Big Trouble - Easy Eats or Dirty Doctor Galapagos - Whalebones