Quel choix de nom judicieux pour le jeune groupe californien. Aussi soudain qu’un orage en pleine mer, Mammatus vient encombrer le paysage musical un an seulement après sa formation, sans crier gare, avec ce premier album se présentant comme un imposant conglomérat des vapeurs émanées par le vaste océan 70’s. Une entité aussi bien nourrie par les salves électrifiées de Led Zeppelin que par la force mélodique progressive de Pink Floyd, fascinée en outre par le culte Sabbathien du riff ainsi que sa dimension doom mystique réincarnée en Sleep dans les 90’s. Une influence matériellement palpable puisqu’à l’instar de l’album culte de ces derniers, le monolithique Jerusalem, Mammatus ne forme en réalité qu’un seul et même morceau découpé en quatre pistes.
Cet éponyme est dominé de fait par le logiciel progressif, efficiente logique par laquelle Mammatus se plaît à happer peu à peu l’auditeur au cœur de la tempête sans que celui-ci ne puisse faire machine arrière, tel le navire affrontant les éléments déchaînés qu’illustre la pochette signée Arik Roper. Ainsi, The Righteous Path Through The Forest Of Old constitue une entame psyché rythmée et fougueuse des plus rock’n’roll, accentuée de temps à autres par de fausses montées vivement entraînantes et semblables à une grosse vague qui se dessine mais que l’on parvient malgré tout à surmonter sans encombres. Toutefois, cette sympathique introduction ne laisse pas forcément entrevoir tout le tumulte qu’est capable de provoquer le groupe.
La brume investit les premières secondes de The Outer Rim, deuxième mouvement sur lequel s’opère une alternance de riffs à forte teneur en Led Zep’ et de guitares feedbackées, kaléidoscopiques, ou brillamment mâchonnées par l’incontournable wah-wah. Le chant fait par ailleurs son apparition, bien qu’il se fasse rare mais très pertinent sur l’album, et participe lui aussi à cette immersion de par son caractère aigu à la Robert Plant, jusqu’à ce que jaillisse finalement cet énorme riff digne du maître Sabbath.
Une première secousse en guise d’avertissement. Le signe que quelque chose de bien plus redoutable se trame un peu plus loin. Cette chose c’est Dragon Of The Deep, monstrueux diptyque livré par un Mammatus qui fait preuve d’une maîtrise stupéfiante des ambiances malgré sa candide expérience. La première partie se fait hypnotique, calme, presque trop pour rassurer. Emmenées par une basse apaisante, les guitares n’en sont pas moins belles, irrésistiblement attirées par la distorsion douce-amère qui les attend quelques minutes plus tard, et surtout ce final simplement épique, ultra-mélodique, où elles s’abattent tel un crachin au parfum d’acides.
Mais il est trop tard pour fuir. La bête est là ; surgissant des profondeurs sur Dragon Of The Deep Part 2 au rythme de ce riff stoner/doom surpuissant et itératif typé Sleep, lent et menaçant comme le plus noir des nuages qui s’apprête à déverser un ultime déluge de guitares psychées.
En dépit d’une production quelque peu étouffée pour cause d’autoprod’, et d’une durée relativement courte et un brin frustrante, Mammatus frappe un grand coup sur la scène stoner/doom avec l’incorporation fructueuse d’éléments progressifs et de jams volubiles. Les Californiens sont promis à un avenir radieux, et on se prend déjà à rêver d’une future production assurée par le parrain du doom qu’est Billy Anderson (Sleep, OM, Cathedral, Melvins, Neurosis, Primordial, Teeth Of Lion Rules The Divine, EyeHateGod, etc…). Assurément l’une des découvertes de 2006.
A écouter : Les 4 titres qui n'en forment qu'un.