Magma

Zeuhl

France

Mekanïk Destruktïw Kommandöh

1973

Chronique

par Coleslaw

1973 : le prophète kobaïen revient sur Terre pour libérer sa verve incandescente. Aux antipodes d'une vision mercantile de la musique, Magma compose avec ses tripes et donne naissance à un véritable pamphlet musical : Mekanïk Destruktïw Kommandöh. Ce brûlot se manifeste sous la forme d'une symphonie débridée dont chaque mouvement est le témoignage vivant et pénétrant d'une violence vécue comme telle : la destruction de l'Homme par l'Homme.

Plus qu'une simple musique contestataire s’insurgeant par des paroles politisées, c'est là une profonde révolte émotionnelle qui cherche à communiquer et saisir cette angoisse viscérale. Se nourrissant de la brutalité ambiante du monde, Magma nous la recrache en pleine figure avec une intensité terrifiante.

Lorsque les touches du clavier retentissent sur Hortz Fur Dëhn Stekëhn Ẁest, l'espace acoustique s'épaissit, l'atmosphère devient vaporeuse et envoûte progressivement l'esprit. Puis, cette sorte de chaleur ineffable pénètre tous les pores et finit par prendre possession du corps. Tel un rituel chamanique, une spirale sonore fait vaciller nos sens et une irrépressible fébrilité nous gagne. Les notes tournent, résonnent, se répètent, se répercutent. Le rythme s’emballe. Le cœur palpite. La respiration est haletante.

À la fois dérangeante et fascinante, tempétueuse et apaisante, inquiétante et euphorisante, la musique de Magma fait vivre ces antagonismes de manière déconcertante. On est face à cette énergie brute qui exhibe les passions dans ses variations et contradictions. Tout se mélange, se dynamise dans cette force d'attraction et de répulsion. On se fond dans un enthousiasme fanatique, dans une exaltation spontanée. Une fois que cette aura mystique l'entrave, l'auditeur est comme condamné à perdre le contrôle. Forcé à l'abandon, il fusionne avec elle. Les sons agissent directement sur nos nerfs, commandent notre souffle, règlent notre pouls, dictent nos gestes... Cette détresse émotive est exacerbée par un chant très cadencé voire hystérique. Chaque intonation vocale vient mettre en relief le discours musical et lui insuffle une espèce de vigueur organique. Il y a quelque-chose de galvanisant, une sensualité exubérante qui nous échappe jusqu'à prendre le dessus. Du début à la fin, cette transe se développe et se poursuit pour atteindre son apogée sur Mëkanïk Kömmandöh. Là encore, les instruments s’enchevêtrent dans un jeu frénétique pour finalement se libérer et ouvrir la voie au repos. Pourtant, si Kreühn Köhrmahn Iss de Hündïn clôture l'album avec une musique plus aérienne il nous fait vite redescendre sur Terre avec ses airs martiaux oppressants.

Magma c'est donc un univers qui se suffit à lui-même, un monde clos et hermétique, avec ses propres lois. Tout s'entrelace et se maintient dans un équilibre incertain car chaque élément cherche à conserver la musicalité sans la figer. Sans être de la pure improvisation, l'ensemble se meut constamment en évitant la dispersion, joue avec la répétition en se gardant de simplement répéter. En définitive, il constitue sa propre syntaxe musicale.

17

Les critiques des lecteurs

Moyenne 16.67
Avis 3
MATHDOK November 2, 2016 10:51
1er volet de la fameuse trilogie mais paradoxalement composé en dernier. Œuvre majeure sur laquelle je ne me permettrai pas d’émettre une chronique tant cet exercice a déjà été très bien fait dans la littérature par les plus grands (Antoine Decaunes entre autres). C'est une pièce qui compte dans ma construction personnelle de musicien et mélomane, j'en connais chaque seconde des différents enregistrements gravés et disponibles. Elle se sublime effectivement en concert mais surtout dans le cadre de l'interprétation complète de la dite trilogie. Personnellement je préfère le second volet "wurdah itah" et bien au delà encore, le dernier: "Theuz Amatak", joyau de la transe noire de la musique Zeulh.

Concernant l'avis de tupeo29, Attahk est un bon album mais Vander s'était déjà affranchi de Top, pouvant ainsi laisser libre court à ses envies de gospel avec des conséquences propres au goût de chacun (perso bof bof). Je pense qu'un morceau comme "De Futura" sur Udu Wudu est une superbe porte d'entrée pour les métaleux qui ne connaitraient pas. C'est froid, puissant, ensorcelant et on saisie tout de suite le potentiel de la folie du répertoire de ce groupe
17 / 20
typeo29 June 9, 2009 10:15
Considéré souvent comme le grand classique de MAGMA, MEKANIK DESTRUKTIW KOMMANDOH est à écouter en 2010 en oubliant tous les progrès réalisés depuis 1973 en terme d'enregistrement et de production.



Clairement ici on a à faire à du progressif du début des seventies , à 1 million d'années lumière de MARILLION ou de DREAM THEATER, où la liberté et la folie de l'époque se fait musique informelle en opposition au concept de chanson.



Les morceaux composés imposent inlassablement la répétition des mêmes mesures sur plusieurs minutes,les changements sont peu fréquents tant pour les mélodies que sur les rythmes.



Cet album se trouve à la frontière de l'opéra et du jazz, et le rock est assez éloigné au final : Point de guitares électrique ( ou alors discrètes ), de solos de synthétiseur, ou de chanteur du style FISH ou IAN ANDERSON, tout n'est que percussions, cuivres, piano, choeurs, cris, basse ( jannick top ) ...et la batterie de M.VANDER .

C'est grandiose évidemment, mais pour avoir vu MAGMA en concert , je peux affirmer que les morceaux de MEKANIC sont magnifiés en live, qu'ils prennent toute leur ampleur sur scène épurés de tous leurs arrangements du disque de 1973 !



Pour le néophyte, MEKANIK paraîtra long et répétitif, mieux vaut découvrir le groupe avec une compilation ou alors un disque comme ATTAHK !
15 / 20
aligator June 5, 2009 20:31
Jouissif. Une foi rentré dedans c'est vraiment jouissif.
18 / 20