Disque obscur censé voir le jour il y a deux ans, Dogging et son visuel... inspirant débarque finalement avec une paire d'années de retard sur son plan de route initial. Et peut être même deux ans de retard tout court si l'on regarde où se situe l'intérêt de la tendance en matière de rock en 2014. Fidèle à son schéma d'éternel recommencement, celle-ci a progressivement changé de décennie pour se pencher actuellement sur les années 90. Choix judicieux d'un point de vue de trentenaire mais qui joue à priori clairement en la défaveur du groupe originaire de Nouvelle-Galles du Sud.
Coup de chance, question de décalage horaire, ou simple particularité locale, la scène australienne a toujours suivi un calendrier qui lui était propre et aujourd'hui encore, à l'heure où la moindre sortie référencée est consommable en deux clics, celle-ci continue de s'écrire un peu à son rythme. En pur produit du cru, c'est donc sans un seul coup d’œil dans le rétro ni arrière pensée, reverb à fond et basse grésillante dégueulasse en bandoulière que Low Life, soutenu conjointement par Disinfect et R.I.P Society Records (Royal Headache, Straight Arrows, M.O.B, Woollen Kilts...) s'en va-t-en guerre. Littéralement.
Charge nihiliste, froide, abrasive et primaire Dogging est la bande son de la réalité qui l'entoure à hauteur de caniveau: dépression, danger, violence, désinvolture et abus en tous genre sont le terreau de ce groupe d'énergumènes au détachement inquiétant et à la folie assumée ("Speed Ball"). Car il faut bien admettre que les zonards de Sydney, derrière leurs airs de rien à branler, effectuent sur leur premier album un authentique travail de tacherons pleinement conscients de leur fait. Labellisé Death Rock mais bien plus proche des assauts de Rudimentary Penni, de la noirceur brute d'un My Dad is Dead comme de l'écriture fielleuse, affranchie de toute limite de Brainbombs que des hymnes obscurs façon Danse Society, Dogging dégage un parfum tenace de sueur rance, de six-packs dégueulasses, de sourires ensanglantés et de fond de ruelle. Dans l'univers de Low Life les gorges sont tendues, les murs poisseux et les poings serrés. La rouste, sévère. Post-Punk neurasthénique ("Friends"), Death Rock grinçant (le morceau titre) ou Street Punk braillard ("D.N.A"), qu'importe: Low Life cogne invariablement dur, s'ébroue dans les restes d'un monde dont il se paie une bonne tranche et se plait à aborder, sans fard mais non sans humour, les aspects les plus graveleux. Primitif et agressif mais salvateur. Honnête en prime.
Tout juste relâchée le temps d'un "Dreams", trip Cold fiévreux articulé autour de la personne de Rihanna aussi wtff?! de prime abord qu'in fine d'une glauquerie certaine, les australiens ne desserrent leur étreinte que pour laisser place à un silence hébété. Trop court (28 minutes) car follement prenant quoique largement assez dense vu sa résistance aux écoutes à répétition, ce disque suicidaire qui nous embourbe dans un enthousiasme gênant, trouve peut être son incarnation parfaite dans sa reprise de "M.E.", clin d’œil décadent mais décomplexé à Gary Numan devenu par la force des choses un hommage à l'homme leur en ayant donné l'idée (ndlr: Brendon Annesly, ami proche et responsable Label/Fanzine Negative Guest List décédé en 2012).
Dogging ne passe pas par quatre chemins et est à prendre pour ce qu'il est. Un disque de Punk Rock sale, défouloir cynique, lugubre et intemporel comme on n'en entend plus vraiment. Ou simplement trop peu. Aussi indispensable et addictif qu'éreintant: espérons que Low Life n'a pas fini de revenir nous tourmenter.
Dogging est en écoute intégrale via Bandcamp.