Émouvant et triste comme seules peuvent l'être les chansons de songwriters barbus aux cheveux sales, Brace The Wave sort paradoxalement sur le label Joyful Noise Records. Un pied de nez mais, au bout de trente ans de carrière, Lou Barlow n'en est pas à ça près. Après avoir sorti Dinosaur Jr et Sebadoh de leur hibernation, il remet le couvert en solo cette année. Et comme lors de l'écriture de Defend Ourselves, la période traversée est difficile et suffisamment marquante - 25 ans de mariage réduit en miettes - pour en offrir un témoignage intime tout en sensibilité.
La recette est connue et n'a pas prétention à changer. De prétention, d'ailleurs, Lou Barlow n'a pas pour objectif d'en faire montre. Brace The Wave est un instantané, composé sur le vif, mis en boîte en six jours par son nouveau meilleur ami, le producteur Justin Pizzoferrato qui l'accompagne depuis la reformation de Dinosaur Jr, pour en garder l'éphémère arôme avant qu'il ne se dilue. Mélodies simples, orchestration dépouillée, ce nouvel album a le charme du lo-fi et la sincérité de sa spontanéité. Un titre comme "Push" aurait pu être composé par ton voisin mais ton voisin n'est pas Lou Barlow, qui traîne ses guêtres sur scène depuis un bail, sans jamais avoir trahi son style et son esthétique.
L'ensemble, réduit à son strict minimum, reste fluide. "Moving", avec son ukulele accordé au plus bas, se déroule improvisée à nos oreilles et, à la réécoute, on imagine qu'elle prendrait une direction différente. "Nerve" se tend juste comme il faut, tandis que "Boundaries" révèle un pouvoir introspectif plus doux-amer. Brace The Wave ressemble à un journal intime, dont l'écriture n'est ni originale, ni forcée. Des propos universels, en somme, et c'est sans doute pour cela qu'ils résonnent pour tous.
Et l'on apprécie cette pudeur, là où des artistes comme Thurston Moore et J Mascis ont monté des arrangements plus épais (sans que ce soit un mal en soi). Lou Barlow prouve malgré lui que lorsque le talent est là, l'émotion découle avec un naturel qui ne doit rien au hasard.
A écouter : Nerve