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Biographie
Le futur Lost In Kiev se crée en 2007
pour affûter un post-rock instrumental
inspiré par Red Sparowes, Explosions In The Sky, Tang ou Radiohead. Après 3
ans, la joyeuse formation perd ses deux
guitaristes à un an d’intervalle. Outch.
S’engage alors une période d’intégration
de leurs émérites remplaçants et d’un 5e
membre, préposé aux machines. Tant
qu’à remanier, autant faire les choses en
grand. Quelques rounds d’observation
plus tard, cette famille fraîchement
recomposée s’atèle à adapter son
répertoire aux influences des nouveaux venus (Cult Of Luna, Amen Ra,
Daïtro) et enchaîne quelques concerts aux côtés de têtes d’affiche plus
que recommandables comme Rosetta, Maybeshewill ou Listener.
L’heure de la stabilité a enfin sonné. Même le destin, qui ne trouve rien
de mieux que d’envoyer certains membres voyager dans des contrées
plus ou moins reculées - pour des durées plus ou moins longues -,
ne parvient pas à casser cette belle dynamique. Se sentant pousser
des ailes, Lost In Kiev décide de transformer l’essai en enregistrant son
premier album : Motions. Après un split avec Zero Absolu l'année suivante, il faut toutefois attendre quelques années avant que le combo, après un changement de line-up, revienne pour Nuit Noire. Enchainant les dates, le groupe revient en 2019 avec Persona, son troisième album.
Après des teintes très sombres, Lost In Kiev offre une artwork totalement lumineux pour Persona. Reste à identifier si, dans cette même volonté d’aller vers une forme plus chatoyante, la musique du combo ira sur cette même voie et si le travail de Yoann Vermeulen sera en adéquation avec les sons.
Appuyant encore son Post-Rock jusqu’à des sphères plus Rock (« Mesasocialis »), les affinités avec Microfilm se tissent à nouveau au travers des Spoken Words. Pourtant, dès l’ouverture du morceau-titre, on s’élève vers ces sonorités aux effluves de Russian Circles : montée en charge douce, mais pas pour autant lente (les morceaux tournent généralement entre 4 et 6 minutes environ, là ou Nuit Noire portait jusqu’à 9 minutes) mais se détachant d’un « Insomnia » ou « Emersion » par un ton plus léger. Notons toutefois quelques relents de fragments évoqués sur « Mindfiles », que l’on aurait pu retrouver sur l’album précédent.
De part son nom et celui de certains titres, Persona amorce donc une thème de l’être, celui transmis par Jung, qui se reflète dans « Psyche », « Thumos » (souffle de vie introduit par Platon) ou « Pyglmalion » (référence à la mythologie grecque). De thèmes pas forcement actuels, Lost In Kiev propose une musique qui l’est pourtant : les nappes de claviers sur « Lifelooper » sont dans la mouvance du moment, tandis que le travail de production ajuste certains instruments de manière subtile (à nouveau « Lifelooper », qui reste un titre prenant). Concernant les lignes vocales, la variation des timbres utilisés apporte un plus à l’ensemble, même lorsqu’elles se font discrètes (« Psyche »). Difficile de rapporter Persona à Nuit Noire sur le principe, mais pour autant Lost In Kiev ne se dénature pas et ne déstabilisera pas les adeptes des Français. On y retrouve des qualités entendues auparavant (« Psyche »), dont le changement d’artwork n’a en rien dénaturé la composition.
Au travers de Persona, Lost In Kiev propose un fil d’Ariane qui se déroule sans cassure. Les transitions entre chaque titre sont fluides, et les musiciens prennent le temps de développer chaque titre en gardant une homogénéité dans l’ensemble. Plus cérébral que viscéral, Persona illustre son artwork par sa musique. Persona se veut contrebalancer Nuit Noire, apportant une certaine lumière à un Post-Rock dont les musiciens nous abreuvent depuis quelques années maintenant. Même si mon coeur balance encore pour l’opus précédent, ce nouvel album semble une porte ouverte vers une nouvelle approche.
Il fait Nuit Noire dehors alors que résonnent ces premières notes … Et le ciel, sans lune pour resplendir, pose une inquiétante ambiance sur les rues pavées.
C'est la nuit ; la nuit noire, assoupie et profonde.
L'ombre immense élargit ses ailes sur le monde.
Il n’est pas ici question de coucher en musique les mots de Victor Hugo : le propos est tout autre, moins politisé, moins social. Lost in Kiev se lance plutôt dans une aventure mêlant différents états et sensations : Sur le papier, le Post-Rock se rapproche de Microfilm, de par ces quelques fragments vocaux disséminés et pouvant être tirés d’un travail visuel parallèle déjà présent dans Motions. Pourtant, en dehors de cet aspect, on se retrouve plutôt dans quelque chose de lyrique, même si moins céleste que Explosions in the Sky ou passionné que Russian Circles.
Cela se ressent d’ailleurs dans les rythmes présentés, moins incisifs que sur « Calla » par exemple, apportant un sentiment plus proche de l’apaisement que de véritables roulettes russes sonores. L’approche est différente, même si le style reste initialement le même : là ou les Américains plombent l’ensemble avec force, Lost in Kiev couple la délicatesse de certains titres de Toundra à une base assurément plus proche, dans le ressenti, de We Lost the Sea.
Rajoutez à cela quelques notes de claviers plus orientées 80’s (sans le côté cheap, mais véritablement une ambiance qui rappellera celle que les amateurs de Stranger Things ont pu apprécier sur le début de « Mirrors » ou « Insomnia ») pour peaufiner le tout. Il est d’ailleurs intéressant de constater l’évolution qui se fait au travers de Nuit Noire : on passera de quelque chose d’éthéré à des cordes plus malmenées (« Resilience ») sur la brève seconde moitié de l’opus, une batterie moins douce et une quasi disparition des samples, avant de revenir aux derniers instants de « Emersion » (et son jeu de guitare en totale opposition avec les premiers titres).
Avec le recul, l’attention reste focalisée sur les quatre morceaux d’ouverture et le point culminant « Nuit Noire » (via son ambiance à la Dario Argento sur son premier tiers), qui se suivent et s’assemblent sans se ressembler : Complémentaires mais pas indispensables les uns des autres pour exister, l’utilisation de samples, claviers ou de plusieurs couches de cordes amènent à capter l’auditeur.
Enigmatique, mais sans cacher ses subtilités dans une mélopée indigeste, Nuit Noire reflète de ces différents aspects d’une absence totale de lumière : tantôt funeste, angoissant ou apaisant, cet opus se pose, sans prévenir, comme un pavé indiscutablement envoûtant.
A écouter : Nuit Noire
Dans le genre PostRock instrumental, usant (ou non) de samples, Lost in Kiev décide de sortir son album concept, Motions : la bande son d'un film ou chacun pourrait décider s'il peut rester ou partir. Autour de 7 compos tournant autour du même nombre de minutes, le quintet s'échine à la tâche, s'engouffre dans des montées en puissance progressives ("They're Coming").
Je ne sais ce qui me vient à l'esprit quand j'écoute Motions : un léger parfum des premiers jets de L'Homme Puma, Russian Circles, Jakob ou Rosetta. On est loin des noirs ou massifs Cult Of Luna ou Neurosis, et même si les Français s'appuient sur quelques passages bien sentis ("I'm Stuck"), les mélodies se font le plus souvent d'une légèreté mélancolique.
L'élément qui caractérise Lost in Kiev est la personnalisation de ses samples. Out les extraits de films, de séries, d'émissions, ou plus récemment les poèmes de Baudelaire (The Birds End), il s'agit ici d'enregistrements des proches du groupe qui parlent au-dessus des instruments. Pas de chant, pas de renvois sur une époque passée, mais plutôt des mots qui se plient aux situations que cherche à faire vivre Lost in Kiev.
Que pourrait-on redire sur Motions ? Majestueusement exécuté ("Hope fights&Disillusions", poignant et envoutant), ce disque a le bon gout de s'arrêter quand il faut, en sachant maitriser son intensité et avant de devenir mièvre. Les notes tiennent la longueur sans perdre en force, que ce soit sur les cordes ou les claviers qui parsèment l'album. C'est d'ailleurs lorsque les musiciens prennent des hauteurs que l'on tend le plus vers un PostRock à la Explosions in the Sky, tout en sachant que le nombre d'instants de ce registre est très limité, amplifiant leurs sentiments. Quelques perles sont à noter, même si le potentiel dégagé par l'album est déjà énorme : "The Day I Ruined My Life" qui sait briller de milles feux ou "Hope Fights&Disillusions" et ses samples captivants.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas autant voyagé sur un album du genre. Entre les différentes atmosphères, dont les samples sont l'un des gros points forts, chacun pourra y trouver son compte. Motions est un tout, 7 titres qui se succèdent comme défilent les secondes d'une vie : passionnément.
A écouter : The Day I Ruined My Life - Hope Fights & Disillusions
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