Biographie

Long Fin Killie

Quatuor d'origine écossaise voisin du mouvement shoegaze, Long Fin Killie aura eu une période d'activité courte mais intense. Formée en 1994 autour de Luke Sutherland (ex Fenn), Colin Greig, Philip Cameron et David Turner, la formation mettra une fin à son aventure en 1998 après avoir sorti trois albums en autant d'années ainsi qu'une poignée d'EPs. Aussi discret qu'influent, le groupe est aujourd'hui considéré, à l'image de voisins britanniques tels que Bark Psychosis et Tortoise, comme un des piliers du développement du Post Rock durant les années 90.
Sutherland poursuivra par la suite dans la musique en fondant Bows avec lequel il sort deux albums tout en se consacrant à l'écriture. On le croisera également aux cotés de Mogwai en tant que violoniste.

Chronique

17.5 / 20
1 commentaire (12/20).
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Houdini ( 1995 )

Houdini? C'est le premier album d'un quatuor écossais du nom de Long Fin Killie. Un disque qui se glisse intelligemment entre caresse indie décalée (et non déjantée) et Post Rock intimiste, tout en retenue, loin des envolées lyriques souvent développées dans le genre depuis. L'objectif du jour sera donc de tenter de décrypter cet Omni (Objet musical non identifié), un de ces disques étranges comme aura si bien su nous les servir la Grande Bretagne au beau milieu des 90's.

Sur Houdini le groupe pose une base rythmique répétitive, branche ses mélodies sur courant alternatif, fait discrètement intervenir cuivres, violon (How i blew it with houdini)... explose à l'occasion dans un éclat de guitare (Homo erectus). Les montées sont imperceptibles mais bien présentes et la plus notable est en fin de compte celle qui s'étale sur l'album dans son ensemble. Vue depuis le 21ème siècle, drôle d'affiliation que celle du groupe au "Post Rock" dans ces conditions. Et pourtant...
Démarré dans une discrétion presque gênée, Houdini se libère progressivement, éclot en temps réel pour laisser s'échapper sa singularité dans des mouvements faussement incontrôlés (The head of dead surfers). Long Fin Killie monte en puissance par touches successives, un peu à l'image de certains groupes Noise qui, d'une apparente cacophonie distordue conduite à l'énergie, font émerger de manière impromptue des bribes de mélodie libératrices et de groove intermittent. Vous savez, ces quelques instants qui participent à l'effet d'entrainement global et auxquels on aime à se raccrocher avec délice avant de replonger dans le désordre organisé. Le schéma est ici utilisé à rebours, des éléments perturbateurs de plus en plus nombreux venant enrichir un canevas originel des plus sobres sans jamais véritablement briser l'atmosphère très acoustique d'Houdini. Pour autant, Noise, Long Fin Killie ne l'est pas. "Expérimental" leur convient beaucoup mieux. Il y a de (A) man ray à la très véloce et libre Love smothers allergy tout un monde qui ne cesse de s'élargir à mesure qu'Houdini avance et qu'apparaissent de nouvelles sonorités. Un brin Shoegaze sur Rockethead on mandatory surveillance, Math Rock (Idiot hormone), quelque peu Lightning Boltiens (sous sourdine) avant l'heure et édificateurs de murs de guitare crescendo sur Flower carrier, Folk... les écossais en viennent à un point où le disque qu'ils nous jouent n'a au final plus grand chose à voir avec celui qu'ils nous avaient introduit quelques dizaines de minutes plus tôt. Puis, sur la ligne d'arrivée, Unconcious gangs of men et son très Post Rock et étiré format viennent conclure Houdini en apothéose. Dès sa première sortie, Long Fin Killie enfile autour d'une voix délicate et haut perchée treize compositions avec une attention, une audace et un raffinement qui n'ont d'équivalent que l'originalité de celles-ci. Le numéro exécuté reste aujourd'hui encore remarquable et marquera durablement l'avenir du groupe qui disparaitra aussi didcrètement qu'il était venu, en 1998, après trois albums de haute volée.

Ce premier jet est un drôle de disque, intrigant, hors de l'emprise du temps, chaleureux mais surtout riche et raffiné. L'écoute est très fortement recommandée pour quiconque aime secouer le rock et le voir sortir de son petit train-train quotidien. Considéré comme culte par les uns et globalement méconnu de l'immense majorité des autres, Houdini amène au moins une certitude: au sortir d'une écoute, ce disque tient ses promesses. La question à résoudre reste alors "mais quelles étaient-elles?". Chacun aura surement sa propre réponse et toutes seront bonnes. Pourquoi? Je l'ignore moi même. Mais est-ce bien grave? Je ne pense pas. Un magicien ne dévoile jamais ses tours après tout. Ne sont-ce pas le mystère et la place laissée à l'imagination qui font tout l'intérêt de la chose? Si, très probablement...

A savourer: le clip d'Hollywood Gem, tout droit sorti d'une autre époque.

A écouter : Au calme