Si l’on devait résumer le parcours de Liturgy en très peu de
mots, « Haters gonna hate » conviendrait sans doute parfaitement.
Triste constat pour l’un des groupes à ranger parmi les plus maudits des
Internets (avoisinant le degré 7 sur l’échelle de Nickelback) après seulement
leur deuxième album, Aesthetica. Taxés d’intellos, hipsters, posers, les
New-Yorkais ne virent leur audace et leur ambition qu’assez peu récompensées à
leur juste valeur, dénigrés pour leur interprétation personnelle du Black Metal
qui aura fait bondir plus d’un trve.
« Je pense avoir pour mission d’amener les gens à se questionner sur leur
identification à une culture donnée » rapportait Hunter Hunt-Hendrix il y
a quelques temps de ça au magazine Pitchfork. Le leader, décidé à se relever du
split temporaire du quatuor et du départ
de deux de ses membres, n’avait semble-t-il qu’un seul choix s’offrant à
lui : courber l’échine et aller de l’avant.
The Ark Work a tout du nouveau départ, quitte à déplaire ou
même décevoir. L’innovation et le courage sont à saluer, le résultat lui, est
tristement décevant.
Le virage à 180 degrés entamé par Liturgy laisse dans son sillage les cris
torturés, riffs prenants et envahissants et autres martèlements incessants. Voix
claire monotone et incursions électroniques grandissantes sont le nouveau credo
de la formation, remettant de fait en cause leur appartenance au genre Metal. Si
le duo « Follow »/ « Follow II » est le lien le plus
direct avec l’album précédent, le groupe a cependant nettement refreiné ses
penchants pour le Black, duquel on ne retrouve plus que le tremolo picking sur
des guitares à l’agressivité anéantie. Creuses, sans saveur ou compo marquante,
les notes des six-cordes semblent presque artificielles et effacées, reléguées au
second plan sur « Quetzalcoatl » ou « Total War », ou bien clairement
laissées au placard pour un bon nombre de titres. Comme pour pallier à ce
manque de panache, le quatuor se montre très emphatique sur les trois premières
pistes et leurs instrumentations aux allures d’arrivée royale, où clochettes et
trompettes s’en donnent à cœur joie. Plus tard, les claviers ou autres kicks
parfaitement Electro prennent le relai pour seconder un Hunt-Hendrix, notamment
rappeur, sur un « Vitriol » ridicule, stupide et dispensable.
Se diversifier instrumentalement n’est pas un problème en
soi, mais exige une certaine maîtrise de
ces nouvelles voies. Malheureusement, il est difficile d’estimer que ces dix
pistes soient un succès : de la plus plate et redondante « Father
Vorizen » à la bouillie sonore mal mixée de « Total War » on s’interroge sur
les possibles motivations de Liturgy à s’auto-détruire. Plus sérieusement, le
tout souffre de ce chant sans intérêt et rebutant couplé à une cacophonie parfois
pénible (« Kel Valhaal »). La cohérence sonore est discutable, là où
se côtoient synthés 80’s (« Haelegen », soit deux minutes d’intro de
l’intro du titre suivant) et cuivres solennels (« Fanfare »),
difficile de ne pas voir un patchwork irrégulier malgré certains morceaux se
répondant entre eux. Sans doute très en phase avec leur propre démarche, les
musiciens laissent en revanche derrière eux un auditeur perdu au beau milieu de
cet album bancal et plus maladroit que véritablement Avant-Gardiste. Les quelques
instants de succès restent ainsi les plus proches des deux premiers albums, ou bien
« Reign Array », qui parvient à mêler plus finement les deux facettes
des américains.
The Ark Work a de quoi sérieusement décevoir, pour un peu
que Renihilation et Aesthetica nous aient touchés. Beaucoup de mauvais choix entachent
ce troisième effort et poussent à l’oublier assez rapidement. Paradoxalement,
celui-ci ouvre de nombreux champs possibles pour l’avenir du groupe, pour le
meilleur comme pour le pire.