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Biographie
Lightning Bolt est né en 1995 à Providence suite à un projet artistique scolaire. Au départ constitué de 3 membres (chant, basse, batterie), Lightning Bolt s'est transformé en duo, abandonnant les cordes vocales au profit d'un style purement instrumental. La musique de Lightning Bolt se veut violente, bruitiste, déjanté et à l'opposé de toute vague hardcore ou noisy. Elle résulte tout simplement de la coopération de 2 musiciens totalement tarés à l'imagination débordante dont la grande passion est de jouer à même le sol au centre d'un public électrifié et lobotomisé.
Rembobinons la cassette jusque 2015 : avec Fantasy Empire, Lightning Bolt nous offrait un disque plus travaillé que d'habitude, avec un vrai travail en studio sans pour autant abandonner l'urgence et la fougue qui les caractérisent depuis leurs débuts. Rien de surprenant donc à ce que Sonic Citadel continue sur le même chemin.
Cette injection de couleurs et de paillettes en intraveineuse nous donne l'occasion de démontrer une bonne fois pour toutes ce que nous savions déjà : ce sont des as de la mélodie. De ceux qui prennent un malin plaisir à créer des riffs simples et entêtants, que vous chantonnerez sous votre douche. Prenez "Hüsker Don't" au mot (notez au passage l'habile jeu de mot) avec ses penchants Pop Punk qui nous donnent enfin le plaisir de découvrir ce que pourrait faire The Offspring s'ils avaient décidé de rendre sourd leur auditoire. Si vous n'êtes toujours pas convaincu, allez jeter une oreille du côté de "Don Henley in the Park". Ici, le groupe nous offre une accalmie mid tempo (vous avez bien lu) psychédélique que ne renierait pas les copains de Thee Oh Sees avant de se reprendre et d'abattre toute sa fureur Math Rock. Et puis, il y a ce rapprochement à faire avec le Thrash, notamment celui de Metallica -souvenez vous de l'intro de "(Anesthesia) Pulling Teeth" et de sa basse-, sur un morceau comme "Air Conditioning" pour ne prendre qu'un exemple.
Vous l'avez compris, il y a donc de la subtilité et quelques changements chez ce Lightning Bolt nouveau mais la foudre brûle encore et c'est tant mieux. Entre les traditionnelles éviscérations de hauts parleurs que sont "Big Banger" ou "Blow To The Head" mais aussi le bordélique et donc indispensable "Van Halen 2049" conclusif nous sommes servis. Et comme si ça ne suffisait pas, le duo se paie le luxe de marier avec brio ses deux facettes faisant rimer "bruit" avec "mélodie" tout le long de Sonic Citadel. Que les vieux briscards se rassurent, Lightning Bolt n'a pas fini de vous attirer les regards en coin de votre voisin dans les transports en commun, il a simplement décidé de vous donner envie de chanter avec eux en plus de danser. Et tant pis si pour ça, vous devrez vous transformer en babouin braillard pour entonner l'introduction de "Air Conditioning".
Le duo Chippendale/Gibson continue de marteler son Noise Rock d'épileptique sous caféine avec brio et nous prouve que pour certains élus, vieillir n'est pas un naufrage. Sonic Citadel s'apprécie comme une partie de jeu d'arcade : en ne ralentissant jamais et en embrayant les niveaux les uns après les autres et Lightning Bolt vient d'inscrire son nom au tableau des High Scores.
Pour sa première vraie sortie en cinq ans, si on excepte la collection de vieilleries qu'était Oblivion Hunter (2012) et l'incartade de Brian Chippendale avec Black Pus (2013), Lightning Bolt a vu les choses en grand. Signé chez Thrill Jockey, c'est aussi la première fois que le groupe enregistre en studio, dans des conditions différentes du live avec des prises séparées pour la basse et la batterie. Alors, smart move ou prétexte à enfumage ? Une chose est sûre, le duo de Rhode Island renoue sans compromis avec l'efficacité chirurgicale qui martelait les précédentes sorties.
Chaos. Amené de manière fracassante avec "The Metal East" et ses assauts de basse aux cordes affûtées au papier de verre, Fantasy Empire est sans conteste du Lightning Bolt en bonne et due forme. Le son, toujours aussi puissant, n'a rien perdu de sa rugosité et de son souffle dévastateur. En mettant rapidement les points sur les "i", le titre d'ouverture témoigne, s'il en fallait, du bon équilibre retrouvé par les deux Brian, entre riffing imparable et rythmique sans cesse au bord du chaos. Les cinq ans de trêve ne semblent avoir en rien entamé la force de frappe du duo, et c'est tant mieux. Des cavalcades plus directes comme "Horsepower", fascinante au niveau de ses changements d'effets de basse, ou l'écrasante "Runaway Train" rentrent immédiatement dans la catégorie des titres sans fioritures, abrutissants pour l'auditeur mais intelligemment construits, autour d'effets de cordes empilés, marque de fabrique du groupe.
Tour de force. Là où réside la nouveauté dans cette cuvée 2015 de Lightning Bolt, c'est qu'on se permet de s'arrêter désormais sur des détails. La production, on l'a dit beaucoup plus claire et fouillée, permet de mieux apprécier le travail à l'origine de Fantasy Empire. Depuis la voix de Brian Chippendale, davantage mise en avant et désormais partie intégrante des morceaux, jusqu'à la résonance des caisses d'une batterie toujours aussi malmenée, le duo a, semble-t-il mis un soin particulier à affiner son propos. Osons : le parallèle avec les gimmicks convulsifs de Dan Deacon n'est pas loin. Il y a chez Lightning Bolt le même entêtement à maltraiter frénétiquement ses rythmiques et à célébrer la répétition comme une expérience capiteuse et jubilatoire, et le duo demande également un niveau de transe élevé pour percevoir toutes les subtilités de ses compositions ("Over The River and Through the Woods", le meilleur titre du disque est le plus cauchemardesque à suivre lorsque l'on se focalise uniquement sur la batterie). Si le mot d'ordre n'a heureusement pas changé au fil des années, il s'écoute désormais d'un trait et est ici savamment construit, là où le plaisir d'albums comme Wonderful Rainbow ou Hypermagic Moutain résidait dans leurs élucubrations bruitistes. Ces délires sont maintenant (un peu) raisonnés mais ils n'en servent que mieux la cohérence de l'ensemble. Voilà le véritable tour de force.
Easy listening, alors ? Si seulement 5% des duos basse/batterie avait les capacités techniques et l'impact physique de Lightning Bolt, ça se saurait. Fantasy Empire situe exactement le duo là où on l'attendait. Brian Gibson et Brian Chippendale ont fait du studio leur antre en s'en apprivoisant les codes et en les ingurgitant pour mieux les passer à leur moulinette. Et si Fantasy Empire était tout simplement le disque que l'on attendait de Lightning Bolt depuis que le duo a commencé à jouer au milieu des fosses ?
Disons-le d'emblée : les réfractaires aux gesticulations grand-guignolesques de Lightning Bolt ne vireront pas leur cutie avec ce Oblivion Hunter. Absent de la scène depuis un Earthly Delights savoureux en 2009 (si l'on écarte un split drogué avec The Flaming Lips en 2011), le duo de Providence revient cette fois avec une collection de titres écrits et enregistrés en 2008 mais mixés en 2012. Rien de bien nouveau sous le soleil, donc, si ce n'est un best of représentatif de ce qu'a pu proposer le groupe depuis ses débuts tonitruants.
On y retrouvera donc sans surprise ces convulsions frénétiques auxquelles Lightning Bolt nous avait habitués. La basse de Brian Gibson, tantôt vrombissante, tantôt crissant sous les effets se fait le fer de lance de la déconstruction sonore, bien aidée par le pilonnage incessant de son compère à la batterie. Le duo vide ainsi de tout sens son propos pour n'en garder que la forme brute, sans compromis. Difficile en effet de voir dans les 13 minutes de "World Wobbly Wide" autre chose qu'une déambulation de plus, égarée sous LSD.
La question se pose tout de même : Lightning Bolt commencerait-il à tourner en rond malgré le capital sympathie dont le groupe jouit en ces pages ? Oblivion Hunter n'est clairement pas l'album vers lequel on se tournera lorsqu'on fera le tour de sa discographie. Non pas qu'il soit mauvais, c'est plutôt la pertinence de sa sortie que l'on remet en question. Le disque - court au demeurant - est un trait d'union entre Hypermagic Mountain et Earthly Delights, soit le chaînon manquant entre l'autisme noise des débuts et la sensibilité pop déstructurée du dernier album. En témoigne "Oblivion Balloon", qui réussirait presque à proposer une mélodie entre deux décharges de flammes. D'autres titres, "King Candy", "Fly Sucker Fly", auraient pu trouver leur place indifféremment dans l'un ou l'autre album.
On convient que reprocher à Lightning Bolt de remuer encore et toujours la même casserole c'est un comble dont on se passerait bien. De par sa personnalité intrinsèque, le duo n'a et n'aura de cesse que d'explorer les voies de sa Noise bien particulière. Libre à vous de passer, ou d'y goûter quand l'envie vous prend.
A écouter : Si on a le temps
Groupe à l'identité forte, Lightning Bolt marque les esprits depuis plusieurs albums en épuisant encore et toujours la même recette. En répétant inlassablement ses riffs, en les martelant à force d'exploits techniques, le duo noise s'est fait une place de choix, au milieu de la fosse. Et d'aller toujours plus loin, de sorties en sorties, dans l'expérimentation plus ou moins pertinente selon l'état d'esprit dans lequel on se place. Si Earthly Delights ne change pas fondamentalement la donne, il se révèle être cependant bourré de concessions et plus accessible que ses prédécesseurs.
Le ton est donné dès l'enchaînement des 4 premiers morceaux. Lightning Bolt revient, toujours en forme, basse grasse hypnotique et batterie incontrôlable. "Sound Guardians" et "Nation of Boar" mitraillent les oreilles de mélodies (dé)construites au tractopelle, sans préhension pour l'auditeur en mal de repères. Les morceaux sont denses mais courts et efficaces. C'était peut-être, au final, la meilleure transition avec ses précédents travaux que pouvait offrir le groupe avant d'affirmer la personnalité de cette sortie. A savoir, une structure audible et presque facilement repérable; aussi bien pour l'album en lui-même qu'à l'intérieur des pistes. "Colossus" surprend par l'espèce d'ossature qui en émerge, couplet / refrain, alors que le riffage et les percussions se font toujours plus lourds. "The Sublime Freak" est, à son tour, ce moment de solitude qui nous voit danser frénétiquement face au miroir (et en rythme, ce qui- pour du Math-rock- n'est pas forcément évident), conclusion logique de l'explosion du Colosse.
Earthly Delights prend un tour a fortiori mélodique, rock 'n roll même, qu'on ne connaissait pas à Lightning Bolt, même si on le soupçonnait très fortement auparavant ("S.O.S"). Le même ton est à l'oeuvre dans la parodique "Funny Farm", piste country démantelée sous amphétamines. Un décalage frais avant d'attaquer la dernière partie du disque. Et si ces variations se font dans un cadre propre à la musique du groupe, elles renouvellent suffisamment l'intérêt pour prêter l'oreille de manière soutenue durant 50 minutes. Avec, en conclusion, les 12 minutes "épiques-notiques" de "Transmissionary" qui vient boucler la boucle: un même riff joué jusqu'à l'extrême avec de discrets ajouts progressifs. Il ne s'agit plus de balancer la sauce dès le début pour n'avoir plus qu'à la faire recracher par tous les trous par l'auditeur (même si...), Lightning Bolt prend le temps de la faire monter et d'imprégner ses morceaux d'épices afin d'en donner un nouveau goût. Qui n'en est que plus piquant.
A écouter : Sound Guardians - Nation of Boar - Transmissionary
Après Ride The Skies, véritable électrochoc révélateur d'un talent singulier, la nouvelle production déglinguée du maléfique duo de Providence était attendue au tournant. Comme les frasques de ces deux là sont un vrai modèle de franchise et de spontanéité, autant leur emboiter le pas et dire sans attendre que Wonderfull Rainbow dépasse sans mal les espérances. Ces quelques rayons lumineux se révèlent être les témoins du passage d'une tempête sans précédent. Récit d'une catastrophe.
Avant toute chose, mettons les choses au clair ; la musique, ou plutôt le son démentiel de Lightning Bolt se subit plus que ce qu'il ne s'écoute. La basse et la batterie entrent littéralement en conflit et se livrent des assauts répétés, lourds, bruitistes jusqu'à épuisement. Brian torture sa basse, la fait vomir, lui extorque des sonorités poisseuses, à se demander si certaines ne sont pas issues de sampler (que neni mon brave). Brian (oui, l'autre) contre attaque via des rythmes d'une fureur et d'une violence démesurée, par des boucles enivrantes parsemées de points acides et acres. Se dessine un véritable champ de bataille qui prend toute son ampleur lors de leurs prestations scéniques particulièrement énergiques, à même le sol et au centre de la foule. Les deux démons sont alors tels deux prisonniers accusés à tort déployant la moindre étincelle d'énergie pour retrouver la liberté. On s'énerve, on trépigne, on bouge de manière désordonnée, on serre les dents pour s'en sortir et pour évacuer. Le profane rendra l'âme dès les premières minutes ou bien se bouchera les oreilles comme pour ne pas se confronter à la réalité. Les autres lèveront les bras au ciel, une larme au coin de l'oeil.
Comme d'habitude, les morceaux démarre sur les lignes simplistes et presque naïves jusqu'à ce que le pas soit franchi, le pas séparant la raison de la folie, le réel de l'imaginaire, le paradis de l'enfer. Lightning Bolt est définitivement un groupe terrifiant qui mérite bien le sacrifice d'une poignée de vos neurones.
A écouter : et � subir
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