Biographie

Les Marquises

On retrouve derrière ce combo (dont le nom est inspiré par Jacques Brel) Jean-Sébastien Nouveau (Immune, Recorded Home, Colo Colo), Jordan Geiger (Minus Story, Hospital Ships, Shearwater) et Jonathan Grandcollot (Pan Pan Pan, Robe et Manteau). Le trio enregistre avec les moyens du bord un premier album Lost Lost Lost, dont la sortie a lieu fin 2010, alors que le groupe dévoile à travers quelques vidéos les différents titres qui le composent. Début 2014, Jean Sébastien Nouveau revient au travers de Les Marquises épaulé d'une foule d'autres musiciens pour Pensée Magique, un 7 titres centré sur le Cinéma.

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Soleils Noirs ( 2023 )

Jean-Sébastien Nouveau continue, 3 ans après La Battue, de développer son univers musical. Quasiment 40 minutes en deux titres ici, de « L’Etreinte de l’Aurore » à « Le Sommeil du Berger », sorte de nouvelle approche sonore des idées du frontman, accompagné cette fois uniquement de Agathe Max au violon / alto. Soleils Noirs, de son doux nom, peut s’approcher sur plusieurs formes :
- Un film documentaire de 2018, tourné en noir et blanc, sur le Mexique des années 1980,
- Une exposition de 2020 / 2021 au Louvre-Lens sur l’art, de l’antiquité à nos jours,
- Un livre pour enfants sorti en 2020, co-édité avec le Louvre-Lens et en lien avec l’expo précédemment citée.
A première vue, on s’oriente plutôt vers une bande son des deux derniers aspects, voyage intemporel qui pourrait s’apprécier d’une manière apaisante, mais qui possède une double lecture.
Progressant de manière insidieuse dans l’esprit, la musique de Soleils Noirs se meut tellement délicatement que les variations sont perceptibles lorsqu’elles happent l’esprit. Ethérée, la musique des Marquises alterne entre un aspect céleste, avec l’idée de survoler de grands paysages vides et glaçants, et des sensations angoissantes dignes de Suspiria, reposant sur une série de sons ambiants.

La musique Pop de A Night Full of Collapse (qui rappelait par moment le Haxan de Art Zoyd) ou les expérimentations de La Battue sont ici totalement absorbées dans un ensemble minimaliste à souhait. On délaisse la chaleur de certains morceaux antérieurs pour se retrouver entouré de notes résonnantes, se répercutant un peu partout dans l’espace sonore. Difficile de décrire la musique de Soleils Noirs, qui se révèle plus être une succession de ressentis qu’un véritable ensemble de notes. Quelque chose flotte au-dessus du LP, comme ces cordes malmenées sur les dernières minutes de « L’Etreinte de l’Aurore » ou ces sons mystiques vers sur le premier quart de  Le Sommeil du Berger ».

D’une certaine manière, Soleils Noirs est le plus complexe mais aussi le plus épuré des disques de Les Marquises. En réduisant le nombre d’intervenants au sein de l’album, Jean-Sébastien Nouveau développe un aspect ambiant assez différent de ce que l’on a connu précédemment, mais toujours aussi ensorcelant.

14.5 / 20
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La Battue ( 2020 )

Jean Sébastien Nouveau a construit peu à peu un univers avec Les Marquises. Outre les différents artworks et concepts, l’utilisation de la video amène un aspect supplémentaire à la musique du groupe, un peu à la manière des Post Rockeurs de Féroces. Alors que d’habitude les opus précédents regorgeaient d’artistes invités pour un travail riches en termes de textures, c’est un changement de cap sur La Battue, qui intègre, en sus de Jean Sébastien Nouveau, un line-up plus que réduit : Martin Duru (Immune), Rémy Kaprielan (Da Break) et Jonathan Grandcollot (Société Etrange).

Avec donc un réduction des mains disponibles, Les Marquises va donc devoir amorcer d’une nouvelle manière ses titres. Certes, la base semble toujours présente, avec ces instrus parfois tribales, presque shamaniques, mais on oscille vers quelque chose de plus numérique aux premiers abords. Il ne suffit pas plus d’une paire d’écoutes pour capter les différentes de fond portées par La Battue : De fait, La Battue n’est pas un album abordable. Encore moins que les précédents. Ce disque peut paraître hypnotique, mais évolue suffisamment doucement pour ne pas faire l’effet d’un Deschamps. On y retrouve une certaine sensualité (« La Battue »), un côté Electro planant dont la musique apparait parfois comme épurée (« Older Than Fear »).
Pour les personnes ayant apprécié les opus précédents, la déconvenue pourra être marquée dans un premier temps, surtout au vu de titres comme « Head As A Scree » et son côté bruitiste (et j’y retrouve parfois l’excitation d’un Fuck Buttons).
Heureusement, au fil des écoutes, La Battue gagne du terrain. Et même au-delà de son nom cruel (un lien avec l’artwork de A Night Full Of Collapses ?), le disque alterne entre amertume, romantisme et ensorcellement. D’une part parce qu’on reconnait la qualité de composition de Jean Sébastien Nouveau, de l’autre parce que cette nouvelle approche se dévoile petit à petit et fait preuve d’une justesse implacable (« La Battue » ou « Once Back Home ») tout en délaissant les liens avec la majorité des artistes associés aux albums antérieurs (Cocorosie, Sigur Ros, …). Seule reste l’association avec les expérimentations d’un Radiohead.

Si je préfère largement la première partie de la discographie du groupe, je ne peux que reconnaître la qualité d’écriture sur La Battue. Néanmoins, le changement de cap et d’approche des Marquises est à saluer et montre que les musiciens ont su se renouveler, voire même se recréer.

A Night Full Of Collapses ( 2017 )

A Night Full of Collapses, c’est un nouveau pan dans la discographie de Les Marquises, et cette troisième livraison amorce un nouvel angle musical qui, on l’espère, ne faiblira pas tant le résultat des deux précédentes laissait un charme certain. Le combo continue sur cette lancée cinématographie issue de Pensée Magique, creuse le sillon un peu plus profond de son univers.
Il est encore tout aussi peu aisé de définir la musique des Marquises sur A Night Full Of Collapses que sur Lost Lost Lost ou Pensée Magique : une liste d’intervenants qui accompagnent Jean-Sébastien Nouveau aussi longue qu’auparavant, des oscillations entre Indie, Rock, Post-Rock, Electro, une alternance d’ambiances parfois inquiétantes (« A Forest Of Line ») ou chaleureuses (« Feu Pâle »), une ligne vocale imperturbable, … Tout autant d’ingrédients qui, assemblés en une oeuvre un peu bancale dans sa globalité, se marient pourtant avec une grâce captivante (« Des nuits », titre ô combien envoûtant).

Toujours assimilé à certains des groupes précisés dans les chroniques précédentes (Cocorosie, Art Zoyd, …), Les Marquises met ici en avant le chant comme nouvel outil artistique (« Following Strangers »), à la fois en français et anglais, mais n’en fait pourtant pas l’aspect majeur de sa musique.
Nocturne, A Night Full Of Collapses s’assimilera à la justesse de Radiohead (dont le « Daydreaming » est un joli parallèle) ou aux atmosphères de Bohren&Der Club Of Gore, mais avec un côté moins suave. Lorsque la tête pensante du combo cite Lynch comme rapprochement cinématographique, il n’est en effet pas loin de l’ensemble sur « The Beguiled », titre qui illustrerait parfaitement la montée en puissance d’une scène d’un film du réalisateur cité, lorsque l’esprit torturé déploie son ombre.
L’un des autres points forts de ce disque, c’est cette capacité à proposer une musique abordable, et ce malgré la multitude d’instruments ou artistes sollicités. Malgré une musique à plusieurs niveaux, le tout ne devient jamais assourdissant ni brouillon, plus épuré que jamais sur certains titres (« Des nuits »).
Tout aussi magique que les albums précédents, A Night Full Of Collapses amène à nouveau à confirmer qu’un sans-faute est réalisé. Les écoutes se succèdent, les titres défilent, et jamais la lassitude ne vient, ni le moindre écueil. A la manière d’un film, tout est calculé, réfléchi jusqu’à la dernière seconde, jamais pompeux et se dévoilant au début timidement (« The Passing »).

Pari à nouveau réussi pour le combo mené par Jean-Sébastien Nouveau, qui s’offre en quelques minutes le luxe de développer d’autres atmosphères et ambiances que celles déjà connues. Se glissant toujours son chemin entre les styles et genres, Les Marquises s’oriente vers une sensation très cinématographique, délaissant le côté parfois tribal de l’opus précédent pour s’orienter vers le septième art plus étrange.

Line-up sur cet album : Matt Elliott (The Third Eye Foundation - chant), Agathe Max (OfieldFarewell Poetry - violon), Olivier Mellano (guitare), Christian Quermalet (The Married Monk - piano), Jeff Hallam (Dominique A - contrebasse), Louis Montmasson (marimba), François Clos (claviers), Jonathan Grancollot (Pan Pan Pan - batterie, percussions), Souleymane Felicioli (trompette), Julien Nouveau (violoncelle), Martin Duru (Immune - claviers, arrangements) et Jean-Sébastien Nouveau (chant, claviers, guitare, percussions, boîte à rythmes).

A écouter : The Passing - Des nuits

Pensée Magique ( 2014 )

Les Marquises sont de retour : Apres un Lost Lost Lost aussi déroutant que fascinant, Pensée Magique vient nous hanter. Via ce second album mené par Jean Sébastien Nouveau - créateur de sons et d’images - abordant, après l’art Brut et Henry Darger, le reflet d’une passion pour le septième art et certaines oeuvres en particulier (sont par exemple citées La Colère de Dieu d’Herzog ou Les Maitres Fous de Rouch).
Les Marquises s’accouple aux « Maitres Fous » et son chant ensorcelant (l’aspect sectaire des Hauka), se perd dans des compos ambiancées plus angoissantes qu’apaisantes (« In the Forest ») et rappelle l’Artrock d’Art Zoyd (« Chasing the Hunter »). Limiter Pensée Magique à un périmètre purement stylistique serait se méprendre : bien au-delà des genres Folk / Electro / Indie / Rock, on retrouve certaines sensations expérimentales qui superposent les couches de notes (« Cassette (Hands of Fire) ») pour permettre plusieurs niveaux de lecture (« In the Forest », « The Visitor »). Ce sont d’ailleurs ces multiples sensations (la seconde moitié de « Cassette (Hands of Fire) » par exemple) qui happent définitivement le centre cognitif jusqu’à en perdre la notion de repères spatiaux : les ondes sonores sont palpables à défaut d’être visibles.

En dehors de l’aspect sonore, Pensée Magique est aussi visuel. En sont pour preuves les vidéos mises en ligne par le groupe et illustrant chaque titre (mention spéciale à « Chasing the Hunter », véritable angoisse artistique), renforçant le travail préparatoire entourant cet opus. Là ou Lost Lost Lost charmait, Pensée Magique séduit. Pourtant, la manière d’aborder les deux disques se fera de manière totalement différente : ici, il sera plus question de cinéma sonore que sur le précédent, comme le montre « Jennie’s Magic Cast-On » et ses quelques samples qui sonnent comme les vieux films en Super 8 et leurs souvenirs s’érodant petit à petit.
Le rapport avec Cocorosie était établit sur Lost Lost Lost et il est maintenu sur Pensée Magique par certains morceaux mêlant Folk, Indie ou Rock (« Nights Falls of the Dale »).
Pour autant, ce nouvel album est bien plus homogène sur ses ambiances que son prédécesseur alors que tous les deux possèdent un fil conducteur mêlant images et sons. On pourra ainsi rajouter à la liste des groupes proches, que ce soit sur la musique ou l’expérimentation des compos, des artistes comme Battles (quelques plans rythmiques), Art Zoyd ou encore [bleu].

Jean Sébastien Nouveau, au travers des Marquises, n’a de cesse de partager ses univers. Avec Pensée Magique, on retrouve une succession de titres envoutants oscillant entre une foule de genres dont on se souciera peu au final, l’essentiel étant le résultat et le ressenti lorsque les dernières secondes résonnent. J’en ai encore des frissons.

Liste des intervenants : Etienne Jaumet (Married Monk, Headphone, Zombie Zombie) - Benoit Burello (Bed) - Jonathan Grandcollot (Plein SoleilMaman Brigitte) - Nicolas Laureau (Don NinoNLF3) - Johannes Buff (Dubaï) - Martin Duru (ImmuneColo Colo) - Julien Nouveau (Immune) - Souleymane Felicioli et Pierre-Alain Vernette

A écouter : Les Maitres Fous - Jennie's Magic Cast On

Lost Lost Lost ( 2010 )

Lost Lost Lost c'est avant tout un conte, une histoire emplie de poésie et de superbe. Celle de Jordan Geiger, Jean-Sébastien Nouveau et Jonathan Grandcollot, 3 musiciens qui ont décidé de sortir un premier album voguant entre (Post)Rock, Electro, Pop et Folk. Les Marquises, puisque tel est leur nom (en hommage à Brel), s'avère aussi candide et pur que le peut le thème abordé par les différentes sonorités : celui de Henry Darger et de son sombre The Story of the Vivian Girls, in What is known as the Realms of the Unreal, of the Glandeco-Angelinnian War Storm, Caused by the Child Slave Rebellion. Œuvre de plus de 300 compositions (aquarelles, dessins, collages), le livre raconte les aventures des filles de Robert Viviam, les sept princesses du royaume Abbieannia. Ainsi, sur Lost Lost Lost, Les Marquises tente de faire honneur à cette multitude de supports, alternant ambiances et sonorités de divers horizons avec en renfort le timbre frêle de Jordan Geiger. Derrière tout ceci se cache crépitements (Comme Nous Brulons), brouillard mécanique (Terrible Horses) et désillusions sonores (Sound and Fury) créant ainsi un malaise bancal maladroit, primaire et décalé qui n'a aucune peine à se maintenir : l'Art Brut n'est donc pas que visuel, mais devient ici sonore.
En fait, Les Marquises trouve sa force dans une musique simple et mélancolique, douce mais amère. Bien que brutes, les compos du groupe ne se révèlent pas pour autant mal agencées ou agaçantes, reflétant ces assemblages de couleur issus d'une autre catégorie d'art, à la manière d'un Team Sleep qui aurait paré son amour d'un délicat voile d'amertume enfantine. Les atmosphères s'avèrent riches, chaque titre développant différentes nuances pour un résultat aussi mélancolique que possible, s'avérant une excellent bande son pour les plus sombres Tim Burton (Les Noces Funèbres, L'Etrange Noel de Mr Jack, ...). Une fois happé par les mélodies, il s'avère difficile de s'en échapper tant celles-ci sont ensorceleuses.

Oscillant entre Radiohead, Sigur Ros ou encore Cocorosie, le combo livre un premier coup de maître, qui n'a comme défaut que d'être trop court (32 minutes) face au sujet abordé. Les Marquises réussi donc un joli pari, celui de proposer une musique qui saura émouvoir et séduire. Certes, il est impossible de ne pas penser à RadioHead sur certaines parties chantées, mais le trio va heureusement bien au-delà. Car au final, il y a très peu de chances que l'on ne puisse rester insensible lors des quelques dernières et douloureuses notes de Terrible Horses.

A écouter : Avec les oeuvres de Henry Darger sous les yeux.