Leprous est décidément à la fois très prolifique et réglé comme une horloge : chaque année impaire, soit en mai soit en aout, paf, un nouvel album. Ainsi arrive sans surprise Malina, dernier né des Norvégiens, ou plutôt du Norvégien, car encore une fois et plus que jamais, Einar Solberg s'accapare le disque. Mais est-ce nécessairement un tort ? Verdict.
Comme son prédécesseur, Malina est donc composé quasi-exclusivement par le claviériste-chanteur, et s'avère ainsi autant intime (et du coup, aussi poignant et honnête) que The Congregation, mais moins puissant, plus subtil. Déjà, à la première écoute, on constate que le chant hurlé à entièrement disparu. Dommage, car si le vocaliste est toujours aussi impressionnant dans son chant clair, il savait dégager une incroyable hargne dans ses voix saturées et la dichotomie des deux styles avait toujours apporté de bonnes choses à la musique de Leprous. Mais si les hurlements en eux-mêmes manquent, l'ensemble n'en est pas réellement affecté ; la nouvelle fournée de compos n'ayant tout simplement pas vraiment d'espace à offrir à un tel chant. En effet, l'évolution stylistique commencée depuis Coal arrive à son apogée sur cette nouvelle livraison (au point que l'intro presque joyeuse de Stuck semble dénoter, comme un semi-pied-de-nez / semi-hommage du groupe à sa période Tall Puppy Syndrome / Bilateral). Misant encore plus que précédemment sur l'émotion portée par un chant clair torturé (les refrains de From The Flame, Stuck, The Weight Of Disaster...) et sur la noirceur des ambiances générales tout au long de Malina, Leprous achève la transformation de sa musique tout en gardant son identité sombre.
Mais attention à ne pas pousser cette mutation trop loin. Même si la patte du groupe est bel et bien reconnaissable à tout moment, certains passages semblent complètement, entièrement inspirés par ce style plus léché et sombre que réellement Metal, comme Malina ou The Last Milestone. Ce qui faisait la force de Coal et de The Congregation, c'était le mélange de ces deux courants, à l'instar de l'emploi des deux types de chant que l'on vient d'évoquer. Le Leprous de 2017, non content d'abandonner la violence chantée, la laisse aussi de côté le temps de ces deux titres qui paraissent tout deux bien trop longs.
Faut-il y voir un virage à la Opeth (amorcé avec plus de douceur que l'énorme gap entre Watershed et Heritage des Suédois) ? Si c'est le cas, il faudra apprendre à aimer Leprous pour ces ambiances-là, mais tant qu'il nous ait permis de douter, on aurait aimé quelques lourdeurs supplémentaires dispersées dans Malina.
Les pistes proposées n'en restent pas moins exécutées avec maestria, les musiciens restant fidèles à leur style Prog obscur, sans démonstration technique, capitalisant sur l'émotion et le feeling (toute la première moitié de Bonneville en est un bon exemple, dès l'ouverture de l'album). On notera notamment l'excellent travail de Baard Kolsatd à la batterie, qui arrive à insuffler dans son jeu autant de groove et de vie que Einar Solberg en met dans son chant. Même si la basse arrive a apporter quelques rondeurs par endroits, les instruments à cordes sont globalement un peu plus mis en retrait au profit des voix, atout indéniable des dernières sorties du groupe. L'ensemble sonne parfaitement, à aucun moment l'intensité du disque ne souffre de sa production.
Leprous livre ainsi un album qui s'inscrit à la fois dans sa propre logique mais aussi dans une certaine démarcation, finissant cette transition vers une musique encore plus calme mais aussi encore plus lugubre. Un album compréhensible donc, mais aussi surprenant, qu'on mettra surement plus de temps à pleinement apprécier que The Congregation.
Je suis déçu du résultat après l'excellent "The Congregation". Y a du bon dans cet album mais pas du même niveau..