Les apparences de ce patronyme sont trompeuses, Lazer/Wulf ne fait pas dans le disco/funk de stade. Non non, Lazer/Wulf est simplement un trio suffisamment atteint pour dégueuler son amour du rock n’ roll via un metal mutant, expérimental, puisant autant dans le hardcore, le sludge, le math-rock, le thrash que l’indie-rock 90’s, le jazz, l’indus ou le metal spirituel voire cérébral de Tool, Yakuza, et autres Meshuggah. Une offrande discographique qui se concrétise pleinement sur ce deuxième long, précieux matériau aux innombrables pépites, et j’exagère à peine.
Qui dit expérimental dit casse-gueule, n’est pas Fantômas ou Old Man Gloom qui veut. Mais le cas de Lazer/Wulf est plutôt inédit, le trio de Portland se nourrissant d’environ tout ce qui s’est fait en musiques extrêmes depuis les années 80. Ici on parle d’expérimentation au sens "fun" et relativement accessible du terme, pas question de placer des ambiances cinématographiques ni de gestion de larsen et autres structures noise complexes. Les américains n’en sont pas moins virtuoses, à commencer par le guitariste, enchaînant les notes avec une aisance troublante, sans étalage outrancier, à la sensibilité punk-hxc (on pense à The Dillinger Escape Plan), qui permet à la section rythmique d’exprimer toute sa folie, qu’il s’agisse de la batterie fulguro-tentaculaire ou des circonvolutions grasses et élastiques de la quatre-cordes.
Ça joue à mort et ça change de plan comme de chemise, tout en se permettant d’être fluide. Assez nonchalants, les mecs sont imperturbables et déterminés, nous proposent de (re)faire un choix entre se prendre une branlée, ou bien se prendre une branlée. Peu importe le chemin emprunté, Lazer/Wulf ne laisse en fait aucune marge de manœuvre, très peu de répit, et lorsqu’il y en a c’est pour octroyer un peu de liberté à la voix, souvent claire, maîtrisée, parfois incantatoire (Choose Again, Concentric Eyes, Who Were The Mound Builders?), parfois scandée, avant tout sublime. Entre Twelve Leaps Over the Triple Trap hystérique et ses roulements de Satan, la basse chewing-gum du festif et matheux Lagarto, les soli bien cramés mais cohérents qui parsèment l’objet, les mélodies détruites ou recadrées l’espace d’un instant... il y a un contenu déjà bien balèze, et pourtant on en veut encore, plein, à s'en faire péter la panse auditive.
The Beast of Left and Right n’est pas juste un jam free-rock inspiré de 50 minutes, il est totalement structuré, pensé, élaboré de manière souple, de sorte qu’on ne s’emmerde pas une seconde à l’écoute de la bête, affichant de ridicules défauts de jeunesse telles de légères longueurs ou transitions maladroites, noyées sous une montagne de talent. Lazer/Wulf parvient aisément à nous distribuer nombre de mandales techniques, sans nous triturer les synapses, sans nous créer quelque trouble digestif, privilégiant le feeling et l’implication entière de ses musiciens. On se tait, on s’enfile tout ça d’un bloc et on savoure.
A écouter : de gauche à droite.