Parmi les groupes qui ont une identité tumultueuse et une
imagerie délibérément floue Lo! fait déjà office de membre permanent. Outre
être un enfer pour tous les correcteurs d'orthographe, Lo! cultive depuis ses
débuts cette identité "bizarre" qu'en est-il donc de Vestigial ?
Avant toute chose, il est en quelque sorte un album de la
maturité. Un son très médium, aussi bien, chant, guitare, basse que pour les
cymbales de la batterie. Le choix de ces sons est d'ailleurs très travaillé, plus
à ce qu'il ne semblerait de prime abord. Plus rangé que ces LP et EP
précédents, moins imprévisible, mais néanmoins pas moins efficace. L'approche
se fait plutôt classieuse et on observe beaucoup de retenue dans les variations
et pas mal de finesse quant à la manière de faire. Mêlée à un réel propos artistique,
on obtient ainsi une musique homogène, complexe mais pas démonstrative.
Concernant le propos justement, il y a plusieurs fils rouges
entremêlés qui confectionnent la trame
de l'album. Une dénonciation de la vacuité, la remise en question de l'existence
des choses par leur désuétude, la tromperie commune d'un mensonge maladif qui
tend à remplir les vides par du faux, et le mensonge intentionnel, celui qui
trompe et fait mal. Tout est un panaché
d'aphorismes et de métaphores, par exemple sur les insectes, ou les animaux
dans un sens plus large. Beaucoup de significations différentes sont cachées derrière les mots
skin et flesh, comme une sorte de transpiration de mal-être suintant de
ceux-ci.
Il est très difficile de se faire une opinion tranchée sur Vestigial après une simple écoute. Rien ne ressort vraiment du lot, et tout est
d'ailleurs fait pour que ce soit ainsi. Cette œuvre n'est pas une succession de
chansons qui ont une cohérence entre elles. Il s'agit d'un tout fractionné en onze morceaux. Il est plutôt courant que le titre d'une chanson précédente ou à
venir se retrouve dans les paroles d'une autre, et chaque aspect de ce tout est
représenté par une thématique particulière associée à un titre. C'est seulement
après avoir maturé l'écouté que quelques phrases ressortent plus que d'autres.
Aussi si vous souhaitez feuilleter cet album plutôt que de l'explorer, je vous
recommande de vous pencher sur Glutton, Butcher Birds et Bestial Beginnings.
Hormis les ressemblances un peu plus évidentes dues au
style, certains passages rappellent par évocations Gojira ou Nine Inch Nails, toute
proportion gardée bien sur. Si l'on écoute bien, il est même perceptible une
certaine approche un peu Toolesque, principalement quant à la manière
d'articuler des variations autour d'un même thème. L'alternance entre musiques
d'ambiance dans un registre très largement post et morceaux plus traditionnels
avec montée progressive d'intensité est du plus bel effet et participe beaucoup
à l'immersion dans cet univers désabusé.
Vestigial est un peu comme un film d'Aronofsky, compliqué
d'appréhender de prime abord, où les saveurs se mélangent et même si vous êtes
sûr d'avoir compris 98% du film, il y a toujours ces deux petits pourcents qui
restent inexpliqués et donnent un sentiment de frustration. Une belle énigme déroutante
et terriblement fascinante à décrypter et apprécier.
A écouter : Glutton, Butcher Birds, Bestial Beginnings