Si les types de Cult Of Luna en étaient restés à The Beyond, s'étaient laissés pousser les cheveux et avaient décidé de développer plus en avant le versant metal de leur musique, plutôt que les bavardages aériens, ils auraient pu s'appeler Kongh, ou tout du moins très bien s'entendre avec. Cela, on le ressent dès les premiers échos de "Unholy Water". Honteusement mis de côté en ces pages, Counting Heartbeats, leur précédent disque, est d'une sauvagerie titanesque. Il fait parti de ces disques de metal qui en plus d’un impact immédiat, possède une force rampante odieusement vicieuse. Exactement comme le faisait Cavity durant les mid-90's et comme Neurosis l'a offert sur un plateau à 1000 rejetons avec Times Of Grace.
Shadows Of The Shapeless use bien entendu des mêmes travers mais montre également que Kongh n'est pas seulement un groupe bon à suivre un parcours balisé de check points. En plus de ne pas simplement régurgiter un bis, le maillage de cette nouvelle livraison des suédois est beaucoup plus complexe et sinueux que ce que les premières écoutes laissent sous entendre. C'est désormais une chose acquise, Kongh n'en a rien à secouer de calibrer son propos, tout doit être dit de la façon dont le groupe l'a décidé, jusque dans le moindre détail, dans un seul et même morceau, que ce soit en 5 ou 15 minutes. Kongh sait parfaitement se faire cette bête pachydermique qui laboure le terrain à grand renfort de riffs de metalheads sans le moindre détour ("Voice Of The Below"), puis dans l'instant d'après, complexifier son approche en incorporant des guitares heavy post-hardcore ("Unholy Water"), des gros relents stoner doom évoquant inévitablement YOB ("Essence Asunder") et ces digressions faussement placides - car jouées avec une boule au ventre - qui mettent parfaitement en exergue les véritables attentats au silence ("Voice Of The Below"). Du côté du chant, Kongh reste fidèle à son approche décomplexée en adoptant, selon le cadre établi, une posture gueularde, hardcore au sens propre, ou des attitudes nettement plus metal old school. Dans un cas, comme dans l'autre, les scandinaves sont au top niveau.
Kongh démontre - une fois de plus - leur maitrise évidente lorsqu’il s’agit d’édifier des morceaux fleuves et des cathédrales sonores sachant exploiter le meilleur des tendances du metal moderne tout en conservant les bonnes vieilles racines, rustiques et inaltérables. On pourra seulement reprocher à Shadows Of The Shapeless son aspect (un peu trop) peaufiné qui en fait un album nettement moins à vif que son prédécesseur.
A écouter : Unholy Water - Shadows Of The Shapeless