A l’image du Punk et de son explosion dans les années 70
puis de la disparition de ses fondateurs, le Black Metal a lui aussi connu un
âge d’or adulé et désormais révolu. Que l’on évoque les groupes anglais de 1977
ou la scène norvégienne des nineties, les deux mouvements ont connu des
phénomènes quasi-similaires : médiatisation, effet de mode, exportation
au-delà des frontières du pays fondateur, etc… A l’instar de son cousin
d’Albion, le Black norvégien (apparu plus récemment) n’a pas perdu ses premiers
théoriciens ; cependant nombre d’entre eux ont choisi de nouvelles voies
musicales : Darkthrone officie désormais dans un mélange Punk/Heavy/Black, Ulver dans l’Electro, tandis que les Mayhem et autres Immortal ont nettement
amélioré leur qualité de production. Comme pour son éphémère ancêtre à crête,
la question peut se poser pour le Metal noir made in Norway : « Is
Black Metal dead ? »
Quelle que soit la réponse (à supposer qu’il y en ait une),
Koldbrann et son album Vertigo offre un nouveau souffle à cette scène si
singulière. Adepte de riffs froids et de voix tranchantes, le groupe propose un
style hybride entre le Black de ses aînés et une énergie Punk. Koldbrann ne se
prive pas en effet d’allier une instrumentation allègrement inspirée de la
vague des années 90 à diverses influences. Le groupe en ce sens relève un défi
non négligeable : proposer un album à la fois ancré dans une tradition
Black mais également une œuvre qui va de l’avant et apporte une évolution au cœur d’un style parfois trop immobile.
La deuxième track « Totalt Sjelelig Bankerott »,
où le vocaliste du groupe partage le micro avec le chanteur de Kvelertak pourra
ainsi surprendre (agréablement) l’auditeur, de même que la très efficace
« Stolichnaya Smert », qui pourrait devenir un véritable hymne à
Circle Pit, laissant entendre une trompette durant les dernières secondes. Sans
oublier l’apparition, certes discrète mais agréable, de claviers qui achèvent
habilement le dernier morceau « Indertia Corridors », une track
faisant la part belle à de vastes espaces soniques. Mais que les amateurs du
style dans sa forme plus classique ne se détournent pas de cet album ! Nul
doute que ceux-ci seront conquis par le riff final de
« Introvertigo », et sa dimension hypnotique, offrant une véritable
plongée dans l’album. Les nostalgiques de Gorgoroth période Quantos Possunt Ad Satanitatem Trahunt apprécieront également « Drammen » pour son
départ mid-tempo, laissant le soin aux six-cordes de créer une atmosphère
glaciale, théâtre des vociférations d’un Mannevond à la trachée d’acier.
L’auditeur exigeant décèlera peut être néanmoins dans Vertigo une influence
Punk très présente prenant le pas sur d’éventuelles ambiances, atmosphères
sombres et envoûtantes.
Par ailleurs, les fans de la première
heure regretteront peut être le son plus crasseux et authentique de Nekrotisk Inkvisition, précédant de dix ans le présent album. Il est vrai que le
Koldbrann de 2013 bénéficie d’un son nettement plus épuré, la question de sa
nécessité se pose, à l’heure où nombre de groupes s’orientent vers un son assez
proche des autres genres de Metal. D’autant que l’aspect raw (dû à un manque de
moyen et/ou un choix artistique) contribuait largement au climat d’obscurité du
premier album de la formation.
Quoi qu’il en soit, cet album de Koldbrann, quelque peu
éloigné des précédents efforts du groupe de par l’intrusion d’influences a
priori étrangères au Black Metal, est une œuvre réussie et efficace. Vertigo
brille par sa cohérence et par l’habilité de ses géniteurs à apposer leur
marque de fabrique au sein d’un style exigeant et parfois hostile à la
nouveauté et l’originalité.
A écouter : Stolichnaya Smert, Goat Lodge