Killing Joke
Post-Punk / Cold Wave / Metal Indus

Brighter Than A Thousand Sun
1 - Adorations 2 - Sanity 3 - Chessboards 4 - Twilight of the mortal 5 - Love of the masses 6 - A southern sky 7 - Wintergardens 8 - Rubicon 9 - Goodbye to the village 10 - Exile 11 - Victory
Chronique
Après le succès de Night Time et de son single Love Like Blood (la plus grosse réussite du groupe à ce jour), la maison de disque de Killing Joke (ndlr : EG Records) se frotte les mains. L’une des formations les plus décriées en Angleterre de cette décennie des 80’s se retrouve adulée du public, sans pour autant avoir concédé totalement de sa personnalité. Donnant immanquablement l’impression qu’un groupe au public restreint ait finalement donné l’accessibilité suffisante à sa musique, le quatuor anglais régale tous les mélomanes et adolescents en mal de sensations fortes. Et puisque la recette a l’air de marcher, Killing Joke va l’appliquer une nouvelle fois, avec la rapidité qu’on lui connaît. Brighter Than A Thousand Suns sort donc une année après Night Time, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’affiliation entre les deux est plus qu’audible.
Ce nouveau LP offre 11 nouveaux titres de Killing Joke, toujours dans cette dynamique EBM très pop, sur fond de cold-wave givrée et dans la mouvance de l’époque. Tout au long du disque, on sent cette envie d’écrire un nouveau Love Like Blood, de continuer sur cette lancée accessible et efficace. Mais comme on ne lutte pas contre sa nature, les titres de ce nouveau disque sonnent plus fouillés, moins basiques qu’un an auparavant. Bien sur, l’évolution est minime, mais les mélodies de synthétiseur se veulent plus envoûtantes et marquantes (Victory), les ambiances mieux enchaînées et imbriquées les unes dans les autres (Twilight Of The Mortal, A Southern Sky) et on sent que Ferguson, à sa batterie, a des fourmis dans les membres, que les pénibles rythmiques linéaires ne sont pas de sa carrure. Lui qui n’avait pas son pareil pour créer des plans tordus uniquement sur ses fûts, ne se complait évidemment pas dans ce rôle de batteur « boîte à rythme », et ses plans s’en retrouvent moins monotones, plus diversifiés et intéressants, même si, je l’ai dit, la ligne de conduite générale reste dans la droite lignée de Night Time. Raven n’est pas en reste, offrant une basse, certes discrète, mais chantante au possible (Victory). Il atteint là sa maturité au sein de Killing Joke, après avoir développé sa patte caractéristique très groove et gagne ici son statut de membre à part entière du groupe.
Pourtant, même si la principale évolution de BTATS repose sur sa base rythmique, les titres restent paisibles, assez mous même, et rien ne vient retrouver l’énergie primitive que tant de monde espère du combo. Bien sur il y a ces trois premiers titres, Adorations, Sanity et Chessboards, puis en fin de disque Rubicon, qui nous font rêver à ce retour au source, par leurs tempos plus soutenus, et nous mettent du même coup des frissons. Mais la sauce retombe avec des ponts douceâtres ou bien un chant, pourtant magnifique, qui ne veut pas y mettre ses tripes, sa rage et sa haine.
Non décidemment, Killing Joke n’est plus le même groupe. Même si Brighter Than A Thousand Suns est un album très bon, moins facile que Night Time, avec des titres superbes d’émotions et qu’au final pourtant, sa richesse fait de lui un album moins vieillit 20 années plus tard, sa production plus claire et son éloignement confirmé des racines du groupe en font une déception supplémentaire. Il ne sera d’ailleurs même pas un succès aussi conséquent que Night Time, bien que plutôt bien vendu mais profitant certainement de l’aura de son prédécesseur. La recette est connue, et l’évolution est sûrement trop subtile pour le grand public, qui passera déjà à d’autres succès éphémères. Ce sixième LP marque la fin d’une période pour Killing Joke. Coleman, déçu par ce relatif échec, en veut plus, il souhaite se lancer dans un projet solo (autre que ses activités de compositeur classique) et laisse la troupe de côté (Geordi l’aidera toutefois pour les enregistrements) quelques temps pour composer son premier album. Mais EG Records ne l’entend pas de cette oreille, et Outside The Gate, fruit de ce travail, voit le jour (ndlr : en 1988) sous le nom Killing Joke, avec pourtant de nouveaux musiciens. Il restera d’ailleurs comme la pire sortie liée au patronyme, sans réel rapport avec la carrière du groupe et même rejeté plus tard par celui-ci. En 1989 suit sur le même principe The Courtald Talks, double LP étrange où Jaz étale ses états d’âme sous forme de spoken words peu convaincants. Là aussi, l’intérêt est somme toute limité, et l’entité Killing Joke se voit en réalité forcée malgré elle de ne plus avoir d’activités depuis Brighter Than A Thousand Suns. Un split officiel sera même annoncé après Outside The Gates. La fin d’une époque donc pour ce groupe qui aura traversé les années 80, des bas fonds de l’underground au haut des charts musicaux, créant une patte unique, répandant sa musique dans le monde entier, influençant le microcosme du rock et participant à l'accession de nombreux styles musicaux. Killing Joke ne sera désormais jamais plus comme avant, n’aura plus la fougue de sa jeunesse, sa créativité boulimique, et ce malgré un avenir placé sous les meilleurs hospices musicaux. Ces dix premières années (approximativement) auront contribué à créer un groupe, qui, malgré de discutables évolutions, restera ancré dans le collectif rock. Killing Joke est culte, grand, à part, et intouchable, tout simplement.