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Biographie
Paul Ferguson et Jaz Coleman sont respectivement batteur et chanteur du Matt Stagger Band lorsqu'ils décident de monter Killing Joke en 1978. Le duo recrute alors Martin Glover, alors bassiste du groupe punk The Rage, ainsi que Geordie Walker. Sous cette formation est enregistré le premier ep Turn To Red qui attire l'attention de John Peel.
Killing Joke enregistre ensuite Wardance, son premier single, en février 1980, auquel fait suite le premier album éponyme. Dès lors le groupe commence à tourner régulièrement et à faire parler de lui notamment en raison d'une affiche sur laquelle on voit le pape en train de bénir l'armée nazie, impertinence lui valant une interdiction de concert à Glasgow. Malgré tout, Killing Joke se constitue un cercle grandissant de fans qui va bien au-delà du punk, grâce à des morceaux plus dansants comme "Pssyche" ou "Follow the Leader", et sort son deuxième album What's This For en 1981.
Après l'enregistrement de Revelations en 1982, Jaz Coleman, persuadé que la fin du monde est proche, s'enfuit en Islande avec Geordie et tournent avec quelques formations locales telles que Theyr, qui prendra plus tard le nom de Sugarcubes et au sein duquel officiera une certaine Björk. Se rendant compte que l'apocalypse est remise à une date ultérieure, Killing Joke rentre en Angleterre pour enregistrer Firedances avec un nouveau bassiste, Paul Raven, Glover étant entre temps parti former Brilliant.
Le groupe se sépare une première fois après la sortie de Outside the Gate en 1988, mais reprend la direction des studios deux ans plus tard pour l'album Extremities, Dirt And Various Repressed Emotions avec Martin Atkins à la batterie (The Damage Manual, Ministry). Killing Joke s'octroie un nouveau break de quatre ans avant de se reformer et d'enregistrer Pandemonium auquel fera suite Democracy. Il faut attendre 2003 pour que sorte son successeur Killing Joke II avec Dave Grohl (Nirvana, Foo Fighters) à la batterie. Trois ans plus tard débarque Hosannas From The Basements of Hell, aux accents plus expérimentaux et à la production plus "old-school". Après quatre années de réflexion marquées par la mort du bassiste et membre fondateur Paul Raven, Absolute Dissent voit le jour en 2010 chez Spinefarm Records. Son successeur MMXII ne tarde pas puisqu'il sort en 2012, lui-même suivi d'une compilation de singles l'année d'après, et enfin du quatorzième album studio des Anglais, Pylon, livré en 2015. Jaz Coleman - chant Geordie Walker - guitare Martin Glover - basse Paul Ferguson - batterie Reza Uhdin - claviers
Killing Joke fait partie de ces formations increvables, en place depuis la fin des années 70, sachant se renouveler malgré les rides en plus, dans le même wagon de la persévérance créative que Magma et Slayer, entre autres. Des groupes et artistes animés par une passion commune et immuable, qui s’échinent à livrer plus ou moins régulièrement une vision sincère de leur musique, malgré quelques mouvements de line-up ou hiatus inévitables. En ce qui concerne les grands Bretons, la renaissance de Jaz Coleman et les siens en 2003 avec un deuxième album sans titre (23 ans après le tout premier sorti en 1980) a relancé la machine indus avec la manière, invitant pour l’occasion Dave Grohl derrière les fûts, pour un résultat plus que satisfaisant. S’ensuivent trois albums de qualité bien qu’inégaux et marqués par la mort de Paul Raven (basse) en 2007, preuves d’une volonté intacte d’explorer plus loin leur sujet sans jamais être véritablement rassasiés, défonçant les barrières industrielles afin de bousculer les perceptions jusqu’à la transe ultime. Pylon sonne en effet comme l’accomplissement de cette quête mystique.
Peut-être que l’état de sérénité retrouvé par Coleman depuis qu’il s’est retiré en quasi-autarcie au fin fond de la Nouvelle-Zélande a contribué à l’excellence de ce quatorzième album, en tout cas tout ici transpire Killing Joke, qui semble avoir pris le parti de fournir un panel exhaustif de tous ses méfaits passés, étalé le long de 57 minutes, sans un pet de travers. Continuellement imprégné d’un mysticisme propre à Coleman, magnifié à travers des pépites telles qu’Autonomous Zone qui installe d’entrée le ton de l’album, tribal, imprévisible et salement généreux. La suite glisse alors toute seule, de manière plus directe que sur les derniers efforts des Anglais, sans omettre les intentions expérimentales, intégrées à merveille au sein des compositions.
La production, léchée, évoque Pandemonium mais le contenu, dense, va gratter dans le meilleur d’une discographie riche à s’en péter la panse auditive, afin d’en ressortir la matière la plus juteuse. Ainsi New Cold War hypnotise par la voix de Coleman, en pleine possession de ses moyens, le prodigieux New Jesuralem nous agrippe les entrailles équipé de ses guitares tranchantes et de son groove souple, tandis que le diabolique I Am The Virus nous colle des droites serties de velours et nous interpelle toujours politiquement. La plupart des textes sont d’ailleurs dans la veine de l’éponyme de 2003 (invasion de l’Irak par George W. Bush), percutants et profondément engagés, posant un constat résolument lucide sur notre époque et l’avenir probable d’une société humaine en perdition, une habitude avec Killing Joke. Et ce n’est pas le rouleau compresseur metal indus/punk Delete qui soumettra la preuve du contraire, ni la puissante alchimie qui émane du fantastique et scintillant final Into The Unknown.
Les Anglo-saxons n'en finissent plus de trôner au milieu d’une scène industrielle pas vraiment surchargée actuellement, continuant de peaufiner, d’enrichir une formule nécessairement en cohésion avec l’actualité. Jaz Coleman et sa bande trouvent une nouvelle fois le moyen de se surpasser, au point d’offrir en Pylon un condensé organique et délectable habité par la multitude d’inspirations accumulées par le groupe au fil des années. Killing Joke au-dessus du lot, naturellement et pour longtemps encore.
A écouter : Oui.
Si Pandemonium avait été une révolution définitive et acquise dans la carrière de Killing Joke, grâce à cette incroyable influence orientale et des expérimentations symphoniques, toutes les offrandes du groupe depuis n’ont guère apporté au moulin créatif. Certes, l’album éponyme de 2003 a révélé le groupe a bon nombre de gens, de par sa distribution bien pensée, mais artistiquement parlant, il se contentait d’une quasi-caricature réalisée presque hâtivement, au passage retour aux sources post-punk des débuts, et qui avait avant tout un objectif symbolique. Democracy, quant à lui, s’était contenté d’une simplicité presque déroutante, au regard de la difficulté de son prédécesseur. De fait, les idées géniales de ce Pandemonium étaient donc en suspens depuis plus de dix ans, laissant espérer à tous les gatherers une exploitation plus poussée à venir. A l’annonce de la venue d’Hosannas From The Basements Of Hell pourtant, nul n’aurait pu dire de quel côté il allait se diriger. Après un album live célébrant les 25 années de carrière du combo, voilà que Killing Joke s’est donc posé, a pris son temps, et développé ses idées à fond, pour sortir l’un de ses tous meilleurs disques.
Hosannas From The Basements Of Hell choque d’entrée par le son dont il bénéficie. Enregistré et mixé à Prague dans sa quasi-totalité, quelques détails ayant été enregistrés, écrits, ou mixés dans des endroits volontairement choisis comme étant sordides (au Liban, en Ethiopie, à Taiwan, en Bolivie, etc), il mise avant tout sur un son très sourd et caverneux. Encore une fois pas de doute, on a bien affaire à une production de Killing Joke, avec ce timbre de guitare si grinçant et le chant de Coleman si éraillé et fondamental, qui guide les pas musicaux de ses compères. Pourtant, Killing Joke est revenu à la simplicité : oublié le numérique, ce nouvel album fait appel à des technologies analogiques plus intuitives que le groupe affectionne tout particulièrement, tout cela dans le but de faire quelque chose de plus naturel (quasiment tout a été enregistré en une seule prise), plus direct, et au final, qui se révèle très insalubre. L’artwork d’Hosannas nous en dit d’ailleurs beaucoup. Si celui de Killing Joke (2003) était particulièrement épuré, propre et tangible, la superbe peinture de Victor Safonkin qui fait office de jaquette précipite vers un univers abstrait et malsain, et autant le dire tout de suite, cette comparaison d’images prévaut bien entendu concernant la musique des deux disques.
En cette année 2006 donc, Killing Joke revient une nouvelle fois nous compter le déclin de l’humanité, grâce à des paroles superbes de profondeur, une nouvelle fois avec des titres explosifs, répétitifs et percutants, et une nouvelle fois en évoluant de fort belle manière avec pourtant une personnalité reconnaissable entre mille. Après deux titres plutôt classiques dans l’univers de la formation, mais néanmoins nécessaires pour reposer des bases ne serait-ce qu’au niveau de la production, le cœur de la bête s’ouvre enfin vers des idées mégalos et insensées. Invocation le bien nommé fait tourner les têtes, avec ses mélodies orientales symphoniques (harpe, violons), son riff se guitare n’utilisant qu’une seule note, et son frontman en retrait laissant la musique s’exprimer. Killing Joke devient grandiloquent, massif et puissant, et renoue avec son passé de Pandemonium. Dès lors tout est permis, on ressent l’énergie tribale et décalée de ce bon vieux Fire Dances, le côté primitif et bourru d’Extremities, et Hosannas From The Basements Of Hell s’enfonce vers des méandres tortueux et sombres. Le son sourd et profond fait le reste tout au long du disque, servant des compositions toujours bien pensées, variant comme à leur habitude entre hypnose et claque énergétique. Raven évolue dans ce qui pourraient bien être ses meilleures lignes de basses créées au sein du groupe (Majestic, Gratitude), Benny Calvert (ex-Kill II This), nouveau venu derrière les fûts, épouse parfaitement à sa manière la philosophie des rythmiques percutantes gatheriennes, et Geordie propose des riffs et arrangements de guitare géniaux d’agressivité sur tout le disque ou de mélodies suggérées et feutrées (The Lightringer). Au final, Jaz Coleman semble être celui qui change le plus, à l’image de l’évolution qu’il impulse à son groupe à l’occasion de ce nouveau disque, laissant un champ plus libre à la musique en elle-même, et proposant des lignes de chant mieux imbriquées dans celles-ci, sans pour autant mettre au placard sa technique vocale si variée.
Hosannas From The Basements of Hell essaie à chaque titre d’installer, grâce au mélange d’ingrédients suscité, un état de transe progressive très souvent jouissif, qui rend sa durée (plus d’une heure) facilement appréhendable. Que les titres soient lents, rapides, directs ou mesquins, le travail de compositions mêlé au naturel du son de l’album fait de celui-ci une pièce majeure de la discographie de Killing Joke. Et si les mélodies entêtantes de titres comme Judas Goast peuvent se révéler usantes voire éprouvantes, elles ne sauront que donner tout leur sens à une patte artistique définitivement à part. Killing Joke propose un album inquiétant, inspirant presque la peur avec une mélancolie ambiante très troublante. Hosannas est enfin l’évolution qu’on attendait, une évolution à tous les niveaux qui fait revenir le destin du groupe dans le cours normal des choses après deux parenthèses soignées. Killing Joke est peut-être, 26 années après sa formation, plus Killing Joke que jamais.
A écouter : bien sur, et pourquoi pas pour découvrir le groupe.
Il aura fallu qu’un Georges Bush Junior (et accessoirement son suiveur Tony Blair) lance l’une des plus énormes (et médiatiques) injustices géopolitiques de ce début de millénaire pour que Coleman se décide à sortir Killing Joke de son silence. Avec les éternels Geordie et Raven, le groupe redonne donc, début 2003, signes de vie (après plus de 6 ans d’inactivité tout de même) pour envoyer, comme beaucoup d’artistes à l’époque, un bras d’honneur direct vers les administrations à l’origine de cette iniquité. C’est cette volonté de protestation qui fera de ce nouveau disque ce qu’il est : Killing Joke n’a nul besoin de s’embarrasser d’un travail exubérant et fouillé, il va tout simplement envoyer une rage à sa manière, directe et dévastatrice. C’est donc tout un symbole qu’il faut voir à travers le titre de ce dixième album, qui, comme le tout premier, est éponyme. Coleman met au placard ses envies d’expérimentations, celles qui nous ont ravi durant cette deuxième moitié de carrière, pour retourner à la rage primitive et naïve des débuts de son groupe, 20 ans plutôt, et qui se révèle de circonstance.
Pour ce faire, Coleman s’est octroyé les services d’un batteur hors norme, travailleur et respectueux de l’esprit des groupes avec lesquels il collabore. Après son travail remarqué sur le fameux Song For The Deaf des Queens Of The Stone Age, et alors qu’il travaille déjà à son album hommage aux groupes de metal phares des années 80 (Probot), Dave Grohl (vous l’aurez reconnu), rejoint donc Killing Joke le temps d’un album, et va marquer de son emprunte celui-ci.
Coleman veut un disque à la fois percutant et respectueux de l’identité Killing Joke, et l’ex-batteur de Nirvana (certainement un fan du groupe depuis longtemps) réussit magnifiquement à capter l’esprit de la musique du collectif, à travers des rythmiques intelligentes, absorbantes et fidèles aux objectifs qu’avaient le groupe au moment de la sortie de son tout premier LP (et de ses premières années). Ce second album éponyme respecte totalement le cahier des charges fixé, offrant des titres à l’énergie post-punk retrouvée avec une audace droite et sans concessions. Les riffs de guitare sont simples grinçants et directs, fidèles à eux même tout comme le frontman véritablement terrifiant, et chacun des titres fait plus que remplir ce à quoi il aspire, grâce notamment au batteur. Grohl occupe réellement une place importante sur ce Killing Joke, en y faisant apparaître son sens du rythme et de l’efficacité, sur la majorité des titres, offrant des parties entêtantes et énergiques et des breaks jamais vus dans la musique de KJ. Les prises batterie ont d’ailleurs faites selon la méthode de l’américain, instrument par instrument, pour un gain en volume et en efficacité fort notable.
C’est précisément ici que le bât blesse sur ce disque, car l’influence purement technique du batteur a conduit le groupe à enregistrer dans des conditions à des mille de ses habitudes très garage, à savoir avec des techniques et des outils très modernes, pour un résultat très « pro » et propret. Ce Killing Joke a beau avoir toute l’énergie qu’il veut, sa production reste vraiment lisse, et aux antipodes de l’aspect très crade qui constitue l’identité du groupe de Coleman. Au-delà de cet aspect déroutant donc, mais que l’on peut aisément occulter, pour peu qu’on ne connaisse pas le passé du combo, ce disque va droit à son but, réduisant au minimum les arrangements industriels si précieux aux derniers albums et laissant des titres dévastateurs et simples. Le pamphlet anti-Bush est là , et Jaz Coleman, qui mène de front sa folie et sa révolte, est plus schizophrène que jamais, jouant avec sa voix comme un forcené, entre vociférations aussi rauques que possible (Implant, Death And Resurrection Show) et chant clair réfléchi, comme pour mieux annoncer à la société, aux hommes de pouvoir carriéristes, et aux militaristes qu’ils font une grave erreur, via de subtiles textes qui amènent evidemment avant tout l'auditeur à réfléchir. Bref, on a donc droit à un Killing Joke presque caricatural, à dominante post-punk sur fond de metal grinçant à la sauce 90’s, allant puiser ça et là dans sa carrière des éléments, maîtrisant toujours autant son sujet et variant son registre avec de véritables perles envoûtantes (Seeing Red, Implant) et des brûlots d’énergie (Death And Resurrection Show, Asteroid, Blood On Your Hands), et qui pourtant ne semble pas forcément vouloir parfaire la forme qu’il utilise pour crier sa colère tant il est urgent de le faire. Qu’importe : le charme de ce Killing Joke est aussi là .
Sans nul doute, ce deuxième album éponyme eut nécessité plus de travail ; sans nul doute aurait-il eu un tout autre visage avec des arrangements plus fouillés, une production plus fidèle à ses prédécesseurs. L’intérêt n’est pourtant pas là : après autant d’absence, Killing Joke est pressé de redonner signes de son activité, pressé aussi de défendre une cause planétaire urgente, à sa manière. Tout ceci, ainsi que la présence d’un invité de marque qui a laissé trâce de son travail fait du disque l’un des albums les plus à part du combo, opérant une sorte d’improbable et anachronique retour aux sources, référence à ce début d’années 80, où un tout jeune quatuor anglais voulait tout simplement faire parler la poudre, sans se soucier de détails encombrants, et sans penser à l’avenir. Malgré quelques vides, ce disque, aussi simple et sans équivoque que son artwork le suggère, est d’une cohérence indéniable, et assume tout simplement de partager le patronyme de son ainé. 2003 n’est plus l’année de la révolution pour Killing Joke, il se contente juste de tenir son statut, et c’est bien comme ça.
A écouter : pour prendre contact avec l'univers Killing Joke
La relation de Killing Joke avec le côté mainstream de la musique restera ambiguë. Après avoir trusté les charts 10 années plus tôt, effectué un retour aux sources bénéfique et salvateur avec deux albums magistraux, le groupe flirte à nouveau avec le grand public après Pandemonium. Bien sur, cette fois-ci, ce n’est plus un Killing Joke tranquille que les médias de masse affrontent ; l’époque de Love Like Blood est heureusement révolue et le véritable visage du groupe peut enfin être montré au grand public. Il faut aussi dire qu’avec l’explosion du metal, le développement de styles extrêmes (death, black, hardcore…), la violence de Killing Joke se retrouve presque normale, et ne choque même plus l’opinion publique britannique (et d’ailleurs), qui accepte même volontiers le talent de Jaz Coleman (au sein de KJ et en tant que compositeur) et ses sbires. C’est ainsi que le bougre se retrouve à retourner le plateau de l’émission de Top Of The Pops avec l’hypnotisant Millenium, alors dans le top 40 national, et que Butterfly Recordings sort le best-of du groupe qui aura le plus de succès, Wilful Days.
La donne a changé, et on peut se dire que Killing Joke prend ce qui vient, le succès ou non, et se contente de suivre sa ligne de conduite, de composer sa musique comme bon lui semble, en se contentant de garder cette envie de faire toujours mieux à chaque fois. Ainsi, 10 ans plus tard, met-on enfin fin à ces stériles débats qui faisaient de Night Time et son successeur la mort de l’âme du combo anglais, et comprend-on au passage que dès lors, le groupe avait pris son envol vers une carrière variée et pleine d’audace.
Pourquoi expliquer tout cela alors ? La réponse est simple : Democracy sème le doute dans ce contexte. Dur de succéder à Pandemonium, il est vrai, mais il est réellement d’apparence bien moins fouillée voire même beaucoup plus facile. De là à en faire un album « commercial », il y a évidemment ce pas que mon argumentaire ci-dessus m’interdira de franchir.
Democracy contient tout simplement une version épurée de la musique de Killing Joke telle qu’elle est devenue en ce milieu des 90’s. Elle est loin la complexité de Pandemonium, c’est vrai, on ne retrouve que des titres bien ficelés, simples et entêtants, et ce côté mystique et oriental, quasiment absent, manque quelque peu tant il semble être devenu partie intégrante de la musique du trio. On retrouve pourtant cette force tranquille, cette sérénité agréable et qui rassure en nous suggérant que le groupe sait où il va, sait ce qu’il fait. Il y a évidemment toujours ces titres percutants et forts, aux heurts tribaux (Pilgrimage, Another Bloody Election), aux limites de l’electro-metal (Aeon, Intellect, Medicine Wheel) ou même regroupant les deux facettes (Absent Friends), qui nous mettent une sérieuse raclée, mais Democracy ose aussi la carte de la variété (au sens premier du terme) et de la douceur. Osant le mixage guitare électrique/sèche sur plusieurs titres, ou même le côté purement acoustique et léger (Lanterns), Democracy met au grand jour la facette tranquille et réfléchie de Killing Joke, et reste comme l’album du groupe qui dégage le plus de sérénité, et du même coup, de sincérité. Avec des titres aux lignes mélodiques de Coleman touchantes voire bouleversantes, aux riffs de guitare sommaires comme jamais, et une base rythmique fidèle à elle-même, malgré la présence d’un nouveau batteur, Geoff Dugmore, Democracy est le disque qui prouve que Killing Joke maîtrise son sujet, et sait apporter des subtilités à sa musique.
La musique du collectif anglais est juste plus sincère, sans frasques mégalos et sur jouées. Democracy joue la carte de la simplicité et montre un groupe en pleine possession de ses moyens, à des mille des dérives qu’il a pu connaître. Bien que l’intérêt final du disque soit bien en deçà de ses deux prédécesseurs, il propose du pur KJ, une ration supplémentaire d’un groupe dont on ne refuse jamais rien. Et on en aura bien besoin, car Killing Joke est avec Democracy à la veille de son silence le plus long, sans éléments de doutes certes, comme cela avait pu être le cas après Revelations ou Brighter Than A Thousand Suns, le silence fait moins peur ; mais après une carrière déjà longue (plus de 15 ans), la fin est peut-être déjà proche…
A écouter : comme tous les autres oui, mais c'est surement l'album de cette période des 90's qui a le moins d'intérêt.
Non content d’avoir été aux origines d’un genre aussi vaste et versatile que le post-punk, subit maints assauts et doutes, Killing Joke poursuit sa course au travers du temps et parvient jusqu’à une nouvelle année charnière de la culture rock. En ce début d’années 90, la scène est en profonde mutation : plus de 15 ans après la révolution punk, les adeptes de la technique à tout va en prennent de nouveau un sacré coup sur la tête avec des groupes qui changeront à jamais le paysage musical international en misant sur la simplicité et la mise à nu de l’âme de leurs mentors : Rage Against The Machine, Korn, Pearl Jam, Faith No More, Soundgarden, et bien sur Nirvana, qui en 94, sombre suite au suicide de son leader. Cette recette, Killing Joke l’applique depuis toujours, cherchant continuellement à montrer son esprit tourmenté au travers de disques efficaces et ne tombant pas pour autant dans la complexité, et une nouvelle fois, les groupes susnommés citeront Coleman et sa famille comme influences majeures.
Il en va évidemment de même pour cette explosion metal indus qui secoue bon nombre d’adeptes de la contre-culture. Ministry et autres Nine Inch Nails, malgré des pièces majeures de leurs discographies sorties respectivement en 1992 (Psalm 69) et 1994 (The Downward Spiral), n’ont qu’à bien se tenir. Killing Joke vient remettre les pendules à l’heure, après avoir assené un sérieux avertissement 4 années plus tôt. Pandemonium brise le silence laissé 3 années durant et montre un KJ une nouvelle fois grandit.
Jaz Coleman n’a pas chômé durant ces années, effectuant des voyages musicaux tous aussi passionnants les uns que les autres. Egypte, Inde, notamment : sieur Coleman a enrichi une culture déjà colossale, et Pandemonium en sera grandement influencé. Toujours cette face obscure, celle qu’il n’a pas utilisée pour sa vie de compositeur de musique classique, voici ce que neuvième album contient. Pandemonium est l’album à la géométrie parfaite, comme le laisse penser la figure présente sur sa jaquette. Alors que l’on a l’impression que KJ mûrit sans discontinuer depuis ses débuts, et qu’Extremities, Dirt and Various Repressed Emotions semblait marquer l’apogée de cette maturité, Pandemonium enfonce définitivement le clou et prouve que l’impossible s’est pourtant produit. Coleman maîtrise désormais son sujet mieux que quiconque, et surtout, il a une envie viscérale depuis toujours, celle de se surpasser en permanence, de faire mieux à chaque fois, et force est de constater en jetant un œil dans le rétroviseur temporel qu’il y a peu de fois où il a échoué dans sa quête d’amélioration continue. Pandemonium est l’album inattendu, celui qui prouve définitivement (s’il fallait encore le faire) que Killing Joke est grand, voire même céleste. D’apparence simpliste et plus posé que son prédécesseur, bien que dans la même veine metal indus, il est d’une profondeur et d’une portée sans égales. Dès la chanson éponyme, on sent cette poigne de fer dans ce gant presque fait de velour, la musique du quatuor anglais hypnotise comme jamais. Le riff de guitare se fait précis et entêtant, la rythmique réfléchie et juste, et l’on se fait envoûter par ses nouvelles ambiances orientales. Ce Pandemonium fait la part belle à l’orient, et sur bien des titres on retrouve des mélopées astucieuses et délicieuses, ainsi que des instruments tout droit sortis des merveilleuses aventures de Jaz Coleman. Luxe ultime, Millenium fut même enregistrée dans la chambre mortuaire de la pyramide de Khéops afin d’y capter des énergies cosmiques et mystiques, expérience peu aisée d’après les dires des intéressés, tant la force de la pyramide était grande et empêchait la chose.
A travers un voyage entre terre et espace, Pandemonium va tour à tour nous emmener dans divers univers que son géniteur maîtrise bien, brouillant les pistes de 15 années de carrière tumultueuse. Il propose un condensé absolument subtil de toutes les étapes stylistiques franchies au cours du temps par Killing Joke, comme un résumé subtil et serein de ce que les Gatherers ont pu apprécier depuis le début de carrière de leur groupe fétiche. Avec le travail minutieux de son prédécesseur, l’énergie de la première période et la noirceur cold-wave revisitée des albums au plus grand succès, Pandemonium étonne par sa cohésion, sa variété, et la manière dont il opère une jonction très bien pensée entre tous ces éléments. Que ce soient l’épileptique Witheout, le douceatre Jana, le massif Pleasure Of The Flesh, le technoïde Mathematics Of Chaos (qui clôturent tous 4 brillamment le disque), ou tout autre titre du disque, l’auditeur se retrouve surpris et entraînée dans une spirale glauque et démente. Impossible une fois de plus d’éviter la personnalité de Jaz Coleman qui se surpasse véritablement dans son chant, atteignant son ton glaireux si caractéristique, qui lui permet d’interpréter à la fois de superbes mélodies (Communion) et des hurlements traumatisants (Exorcism le bien nommé), souvent les deux (Black Moon, Jana,…). Ses arrangements tiennent évidemment une place prépondérante, et l’on peut entendre sur divers titres, outre les désormais classique arrangements industriels et technos, une multitude d’instruments exploitant des gammes orientales, et surtout, l’on assiste à la première apparition de parties symphoniques (ensemble de cordes en l’occurrence) - même si elles ne sont qu’illusoires, puisque superpositions techniques de plusieurs enregistrement d’un seul violon - que l’on retrouvera par la suite sur d’autres albums. Ainsi, Coleman opère une jonction : celle entre ses deux univers fétiches. En quelques sortes, il a enfin trouvé la formule pour faire cohabiter quelque peu les deux facettes de son âme, et il en sort grandit et plus sur de lui.
Pandemonium est véritablement l’un des disques les plus mystérieux de la carrière de Killing Joke. Absolue synthèse de ce que la galaxie liée au groupe représente, il opère pourtant une nouvelle fois un bon en avant, qui de surcroît ne repose pas uniquement sur ce premier point. Killing Joke est enfin tranquille avec lui-même, il a trouvé un équilibre et une voie à explorer, résultant de la maturité et de l’ouverture de ses membres (pas seulement Coleman) durant ces années passées. Il y a certes cette ambiance orientale, mais il n’y a pas que cela, Killing Joke se surpasse, travaille dur, et ces rajouts ne sont qu’une partie de l’iceberg qui promulgue le collectif au sommet du panthéon des héros de la musique indépendante. Metal indus ? Post-punk ? Cold Wave ? Tout et rien à la fois. Killing Joke est Killing Joke, un point c’est tout.
A écouter : Of Course
C’est en 1990, après 4 ans de silence créatif, que Killing Joke redonne signe de vie. Certes, l’année précédente, Coleman et Geordie tournaient encore dans les squats les plus pouilleux d’Europe, mais la musique qu’ils présentaient n’était en rien similaire à l’idée de puissance et de noirceur, mêlée à un son unique, à laquelle le groupe nous avait familiarisés. Jaz Coleman et sa troupe reviennent des enfers. Là -bas, ils ont tiré les leçons nécessaires à leur vie, et surtout, le frontman a compris. Il a compris que Killing Joke était une partie de son âme, que cette aventure lui permettait de contenter son côté obscure, comme un navire fantôme dont lui seul tient la barre. Peu importe qu’on suive son aventure ou non, il en a besoin, pour déverser son énergie maléfique. Coleman l’a décidé : Killing Joke renaîtra de ses cendres, et seul un retour au source pourra le contenter. Geordie et Raven sont du voyage, mais Ferguson est remplacé derrière les fûts par un certain Martin Atkins, batteur occasionnel de Ministry et Public Image Ltd., groupes ô combien influencés par Killing Joke. Dès lors, KJ a vu passer tellement de membres en une décennie, qu’il devient symboliquement un collectif, une famille, avec sa manière de vivre, de penser, articulée autours d’un homme charismatique et, rappelons le, un poil frappé.
Par un été caniculaire, le quatuor renouvelé s’enferme dans un studio londonien, la rage au ventre, pour n’en ressortir qu’après de dures heures de labeur, avec un album terminé : Extremities, Dirt and Various Repressed Emotions. Autant le dire tout de suite, le pari est réussi, 10 ans après un album éponyme déjà culte, ce nouveau disque est le deuxième brûlot du groupe, et certainement celui qui apparaîtra avec le recul comme le plus terrifiant de ses albums. Avec une production de caverne (d’ailleurs, peut-être pour garder l’esprit du disque, lors de tous les remasterings d’albums de Killing Joke effectués en 2005, Extremities, Dirt and Various Repressed Emotions fut le seul album à être épargné), sourde et brouillonne, mais dans le plus pur esprit des balbutiements glorieux du combo, la bande à Coleman offre 11 titres percutants comme jamais. Dès Money Is Not Our Good, on sent la volonté de frapper : titre racoleur, hurlement profond dès les premières secondes, riff grassouillet, et surtout, cette énergie qui vient des trippes. Enfin Killing Joke revit pleinement, et même si, d’après les nouvelles ayant précédé le disque, on s’y attendait, le choc est grand. Adieu cold-wave et ambiances sombres, voici le cru 90 d’un groupe que l’on croyait perdu, et il sent la colère. Tout le monde y met du sien, Geordie se sent des envies de riffs gras et puissants, et on ressent pour la première fois dans la musique de KJ des sonorités metalliques, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles lui conviennent à merveille. Poussant des mélodies grassouillettes et grinçantes, les parties guitares arrivent, grâce à un très bon travail de superpositions sonores, à constituer réellement les fondements de l’architecture du disque, laissant en tête des mélopées uniques et captivantes. Raven quant à lui s’en donne à cœur joie, libérant enfin l’énergie qui manquait à son jeu toujours aussi groovy et clinquant, et plus à l’aise dans cette ondée sonore. Dans un esprit très rock, ses lignes de basses soutiennent efficacement la musique du quatuor. Quand à Atkins, qui participe là à ses uniques enregistrements avec le groupe, il signe une performance très énergique, avec des rythmiques bien moins hypnotisantes et variées que celles de Ferguson mais néanmoins très bien pensées et qui offrent aux compositions de Killing Joke un souffle nouveau.
Mais ce qui évidemment donne toute son âme à ce disque, c’est le travail de Coleman. En bon chef d’orchestre qu’il est désormais devenu (il avait entrepris des études de musicologie à la suite de son périple islandais), il a pensé le moindre détail de la galette pour en faire le reflet de son âme et de son coup de colère. Son chant d’abord, mégalo au possible, qui utilise toute la palette technique qu’on lui connaît, avec évidemment un usage abondant de cris (tout de même absents depuis Fire Dances), devenus plus rauques et malsains avec le temps, les bouteilles de whisky et les cigares. Le vers s’est lui aussi fait plus singlant, et les textes du disques sont presque tous comme des bras d’honneurs envoyés vers la société (Money Is Not Our Good, Beautiful Dead, …) que Jaz n’aime décidemment pas. La philosophie Killing Joke est là , entre diverses dénonciations exagérées, maniées et déclarées avec brio.
Cependant, là où le travail de Coleman est réellement novateur, c’est sur les arrangements. Extremities, Dirt and Various Repressed Emotions revêt un côté très industriel, grâce à divers sons utilisés en complément de sa musique. Bien sur, Killing Joke avait pour habitude de bidouiller ses titres, créant sa patte sonore, avec énormément d’ambiances, de mélodies au clavier (notamment sur la période cold-wave), mais jamais Coleman n’a pris le temps d’inclure autant de détails au son de son groupe, dédiant même certaines passes au travail synthétique (Solitude, Kaliyuga) et œuvrant à donner réellement ce côté crade aux compositions. Extremities, Dirt and Various Repressed Emotions nous prévient : la fin du monde, ou du moins un chaos certain, est très proche. Réalisez bande de fous, vous ne voulez pas voir la vérité en face ? Ecoutez la rage de Killing Joke, qui vous hurle de prendre gare à travers ses chansons blasphématoires. Une énergie pareille est irréelle (Age Of Greed, Extremities), elle ne peut que vous mener en enfer, et malgré ses accalmies (Solitude, Intravenous), elle garde une tension palpable. En ayant approché de près le metal, Killing Joke a eu du flair ; sa patte est toujours et plus que jamais présente, et sa hargne et son pouvoir ont décuplé. Extremities, Dirt and Various Repressed Emotions ne marque pas par son originalité, du moins, pas au même titre que le premier disque éponyme, mais il marque par sa folie, sa performance, et son impromptu retour au source.
Ce come-back fracassant rassurera certainement une partie des Gatherers (nom donné aux fans de Killing Joke) encore au rendez-vous, mais une nouvelle période de doute allait pourtant suivre avec l’éparpillement de chacun à divers projets personnels (la musique classique pour Coleman, l’éphémère groupe Murder, Inc. pour Geordie, Atkins, Raven et Ferguson –pas parti si loin finalement-). Mais après un tel retournement de situation, n’était on pas en droit d’en espérer de nouveaux ?
A écouter : oui!
Après le succès de Night Time et de son single Love Like Blood (la plus grosse réussite du groupe à ce jour), la maison de disque de Killing Joke (ndlr : EG Records) se frotte les mains. L’une des formations les plus décriées en Angleterre de cette décennie des 80’s se retrouve adulée du public, sans pour autant avoir concédé totalement de sa personnalité. Donnant immanquablement l’impression qu’un groupe au public restreint ait finalement donné l’accessibilité suffisante à sa musique, le quatuor anglais régale tous les mélomanes et adolescents en mal de sensations fortes. Et puisque la recette a l’air de marcher, Killing Joke va l’appliquer une nouvelle fois, avec la rapidité qu’on lui connaît. Brighter Than A Thousand Suns sort donc une année après Night Time, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’affiliation entre les deux est plus qu’audible.
Ce nouveau LP offre 11 nouveaux titres de Killing Joke, toujours dans cette dynamique EBM très pop, sur fond de cold-wave givrée et dans la mouvance de l’époque. Tout au long du disque, on sent cette envie d’écrire un nouveau Love Like Blood, de continuer sur cette lancée accessible et efficace. Mais comme on ne lutte pas contre sa nature, les titres de ce nouveau disque sonnent plus fouillés, moins basiques qu’un an auparavant. Bien sur, l’évolution est minime, mais les mélodies de synthétiseur se veulent plus envoûtantes et marquantes (Victory), les ambiances mieux enchaînées et imbriquées les unes dans les autres (Twilight Of The Mortal, A Southern Sky) et on sent que Ferguson, à sa batterie, a des fourmis dans les membres, que les pénibles rythmiques linéaires ne sont pas de sa carrure. Lui qui n’avait pas son pareil pour créer des plans tordus uniquement sur ses fûts, ne se complait évidemment pas dans ce rôle de batteur « boîte à rythme », et ses plans s’en retrouvent moins monotones, plus diversifiés et intéressants, même si, je l’ai dit, la ligne de conduite générale reste dans la droite lignée de Night Time. Raven n’est pas en reste, offrant une basse, certes discrète, mais chantante au possible (Victory). Il atteint là sa maturité au sein de Killing Joke, après avoir développé sa patte caractéristique très groove et gagne ici son statut de membre à part entière du groupe. Pourtant, même si la principale évolution de BTATS repose sur sa base rythmique, les titres restent paisibles, assez mous même, et rien ne vient retrouver l’énergie primitive que tant de monde espère du combo. Bien sur il y a ces trois premiers titres, Adorations, Sanity et Chessboards, puis en fin de disque Rubicon, qui nous font rêver à ce retour au source, par leurs tempos plus soutenus, et nous mettent du même coup des frissons. Mais la sauce retombe avec des ponts douceâtres ou bien un chant, pourtant magnifique, qui ne veut pas y mettre ses tripes, sa rage et sa haine.
Non décidemment, Killing Joke n’est plus le même groupe. Même si Brighter Than A Thousand Suns est un album très bon, moins facile que Night Time, avec des titres superbes d’émotions et qu’au final pourtant, sa richesse fait de lui un album moins vieillit 20 années plus tard, sa production plus claire et son éloignement confirmé des racines du groupe en font une déception supplémentaire. Il ne sera d’ailleurs même pas un succès aussi conséquent que Night Time, bien que plutôt bien vendu mais profitant certainement de l’aura de son prédécesseur. La recette est connue, et l’évolution est sûrement trop subtile pour le grand public, qui passera déjà à d’autres succès éphémères. Ce sixième LP marque la fin d’une période pour Killing Joke. Coleman, déçu par ce relatif échec, en veut plus, il souhaite se lancer dans un projet solo (autre que ses activités de compositeur classique) et laisse la troupe de côté (Geordi l’aidera toutefois pour les enregistrements) quelques temps pour composer son premier album. Mais EG Records ne l’entend pas de cette oreille, et Outside The Gate, fruit de ce travail, voit le jour (ndlr : en 1988) sous le nom Killing Joke, avec pourtant de nouveaux musiciens. Il restera d’ailleurs comme la pire sortie liée au patronyme, sans réel rapport avec la carrière du groupe et même rejeté plus tard par celui-ci. En 1989 suit sur le même principe The Courtald Talks, double LP étrange où Jaz étale ses états d’âme sous forme de spoken words peu convaincants. Là aussi, l’intérêt est somme toute limité, et l’entité Killing Joke se voit en réalité forcée malgré elle de ne plus avoir d’activités depuis Brighter Than A Thousand Suns. Un split officiel sera même annoncé après Outside The Gates. La fin d’une époque donc pour ce groupe qui aura traversé les années 80, des bas fonds de l’underground au haut des charts musicaux, créant une patte unique, répandant sa musique dans le monde entier, influençant le microcosme du rock et participant à l'accession de nombreux styles musicaux. Killing Joke ne sera désormais jamais plus comme avant, n’aura plus la fougue de sa jeunesse, sa créativité boulimique, et ce malgré un avenir placé sous les meilleurs hospices musicaux. Ces dix premières années (approximativement) auront contribué à créer un groupe, qui, malgré de discutables évolutions, restera ancré dans le collectif rock. Killing Joke est culte, grand, à part, et intouchable, tout simplement.
A écouter : oui
Pour la première fois depuis le début de sa carrière, Killing Joke laisse couler plus d’un an entre deux LP. Avec Fire Dances, le groupe avait prouvé qu’il était redevenu une entité solide et le temps n’a pourtant pas manqué depuis. Certes l’intervalle de durée entre ce dernier et son successeur n’est pas franchement long, mais avec le recul, il est facile de trouver une corrélation entre celui-ci et le tournant que prend le groupe. Night Time (puisque c’est son nom) confirme le changement qu’avait indiqué le groupe 2 ans plus tôt, à savoir une redirection de l’énergie vers des choses plus 80’s, notamment cold wave.
Night Time bascule même, dira-t-on, clairement du côté cold wave. On retrouve des hymnes clairement affiliés à Dominator (du précédent disque), et le côté percutant et violent de Killing Joke est quasiment mis au placard. Mais ce n’est pas tout, Night Time prend également un côté très pop pour l’époque. La batterie est devenue franchement basique, marquant les temps inlassablement et monotonement, à la manière de la vague electro-body-music. Les mélodies se sont mues en ritournelles basiques et mièvres, parfaites pour le dancefloor, et le chant de Coleman sonne même très « variété », même si glaciale d’émotions et malgré quelques légères divagations (Tabazan). Chaque titre se révèle être un sacré tube noir en puissance, et c’est d’ailleurs le destin qui attend Love Like Blood, qui atteint le top 20 anglais des singles et y reste ancré plusieurs semaines. Alors bien sur, on peut voir en ce disque l’amour que Jaz portait aux années 80, notamment avec le titre Eighties (à propos de ce titre, petite anecdote amusante : lors de la sortie de Come As You Are de Nirvana, une petite polémique éclata quant à la parenté mélodique des deux titres), mais les fans de l’époque ne l’entendent pas de cette oreille. Killing Joke perd une grande partie de son auditorat au profit d’un public plus orienté vers des groupes comme The Cure ou Depeche Mode. Avec le recul, les sonorités pop de Night Time sonnent franchement vieillottes voire ringardes près de 20 ans plus tard, et il accuse le coup énormément plus que ses prédécesseurs. Les mélodies creuses, la production lisse, les rythmiques usées et abusées, tout contribue à faire de ce disque l’un des moins intéressants de la carrière du groupe en matière d’innovation et d’influences futures. Il marquera le début d’une période où Killing Joke ne fera plus preuve se son efficience musicale, et se contentera de rester musicalement dans son époque. Son seul intérêt réside tout de même dans le paradoxe qui l’habite encore : Night Time est extrêmement accessible, et pourtant il garde toute la noirceur et une patte ineffable à tout disque du groupe. En outre, il traduit vraisemblablement le reflet d’une époque où la médiocrité ambiante, la crise globale et tout simplement la société se reflétaient jusque dans la musique populaire. Killing Joke n’en serait certainement pas venu aux hit-parades dans une conjoncture plus positive, et la situation les a certainement aidés à atteindre ce status, mais quoi qu’il en soit, l’affaire fit grand bruit, et Jaz fut taxé de vendu et son groupe y laissa des plumes chez les puristes.
Night Time reste comme un succès commercial et l’un des albums importants dans la carrière du groupe tant il opère un deuxième tournant après Fire Dances, qui, dès lors, prend un statut d’album de transition. Subsiste donc, deux décennies plus tard, un intérêt résidant principalement dans le fait qu’il s’inscrive dans le parcours d’un tel groupe, et sa portée symbolique quant au contexte dans lequel il a vu le jour.
A écouter : oui
Consécutivement à sept mois passés en Islande, à méditer sur le monde, à stimuler ses aptitudes créatrices dans la nature, et à faire un peu de musique (Jaz y rencontrera notamment le groupe Theyr, au sein duquel une certain Bjork officiait alors), les doutes se dissipent quant au futur de Killing Joke. En effet, à la fin de l’année 1982, Coleman finit par rejoindre Londres, où Geordie est déjà rentré depuis un bon moment, lassé de cet exode et finalement redescendu de ses délires de fin du monde. Visiblement, mis à part Youth, tout le monde au sein du quatuor semble avoir retrouvé plus ou moins ses esprits et semble vouloir relancer le processus de composition. Jaz décide donc d’abandonner ce « poids » et ne tarira pas d’éloges à son propos, le méprisant peu sportivement. C’est donc un certain Paul Raven qui est engagé au poste de bassiste. Celui-ci deviendra par la suite l’un des piliers du groupe, et certainement le personnage le plus important de l’histoire de Killing Joke, après Jaz evidemment.
1983 commence bien, et sera donc une sorte d’année charnière pour le nouveau line-up. Arrive bientôt, après une tournée ayant pour but de retrouver certains automatismes et d’intégrer le nouveau venu, Fire Dances, nouveau LP. On y retrouve une formation régénérée, plus sure de ce qu’elle fait, par rapport à ce qu’elle avait montré sur Revelations. Chacun semble avoir recouvré ses esprits, et calmé sa hargne au profit d’une certaine maturité stylistique. Avec dix tribales pièces (comme le laisse entendre le titre du disque), ce nouvel album offre un post-punk typiquement signé KJ, sorte de synthèse évolutive de ce qu’a accompli la formation jusque là . Pourtant, ce qui saute aux oreilles de prime abord, c’est cette production claire comme jamais, au service de morceaux posés, non pas calmes, mais à l’énergie contenue. On sent toujours cette hargne, mais elle est déversée de manière maintenue, par des riffs plus pensés et variés, par une batterie toujours aussi étonnante et mécanique dans son jeu (somme toutes toujours très martiale), mais bien moins percutante. Raven suit d’ailleurs cette dernière très rondement, s’offrant parfois quelques frasques fantaisistes, comme sur le pont de Dominator. C’est d’ailleurs là l’apport principal de son jeu par rapport à Youth. Le nouveau bassiste, bien que dans l’esprit mécanique très Killing Joke, confère à ses compositions un côté groovy et exubérant dans les rythmiques, peut-être en rapport avec l’explosion cold-wave du moment. Cet engouement soudain de l’époque n’épargne en effet pas vraiment Killing Joke, qui, bien qu’à l’origine de la chose, subit les évolutions d’un genre à son apogée (Pornography des Cure sortira la même année). Bien que très tribal et dans l’ensemble relativement fidèle au post-punk, Fire Dances regorge de références pour le style, le chant de Jaz, pourtant toujours caractéristique, et l’effet très « lointain » parfois mis sur sa voix (par exemple sur Rejuvenation) ne sont pas sans rappeler de temps à autre Rob Smith ou certainement d’autres chanteurs de l’époque depuis tombés dans l’oubli. Dominator reste même comme un pur morceau de cold-wave, très froid, lointain et électronique, et se place là comme un clin d’œil à l’histoire.
Fire Dances s’impose donc dès sa sortie comme la deuxième étape réellement importante de la carrière de Killing Joke. Après quelques péripéties douteuses, un changement de line-up bénéfique et une sérieuse remise en question, Jaz a su rebondir quant à l’avenir de son projet, pour sortir un disque qui marqué réellement un tournant dans l’évolution du groupe. Plus racé et mature que ses prédécesseurs, ce quatrième opus incarne parfaitement l’une des caractéristiques prépondérante du groupe, à savoir une capacité au cours du temps à se remettre en question, afin de ne pas tomber dans la médiocrité.
A écouter : bien sur
Avec un début de carrière tonitruant, deux premiers LP plus que remarqués et une réputation qui n’est plus à faire, Killing Joke est lancé, et même bien lancé dans un processus créatif rapide et efficace. Revelations arrive donc rapidement après son prédécesseur, en moins d’un an pour être précis, ce qui n’est pas une mince affaire pour un groupe qui écume les salles de concerts du monde occidental le plus clair de son temps. Enregistré justement lors de l’un de ces déplacements, à Berlin, ce troisième opus marque pourtant clairement le premier des nombreux vacillements que la formation Killing Joke aura à affronter par le futur. En effet, Jaz et sa bande mènent une vie de rockers, enchaînant les concerts, destructions de chambres d’hôtel (dans lesquelles ils ont auparavant réglé le compte de groopies un peu trop échaudées), délires dus au succès, et toute la panoplie de la parfaite rock star qui profite de la vie. Ajoutez à cela le fait que Jaz Coleman est un être plutôt instable, mégalomane, charismatique et influent, et bien évidemment, l’abus de diverses drogues, chaque jour, et vous comprendrez aisément, que début 1982, nos quatre anglais aient plus que perdu les pédales de la machine qu’ils ont pourtant bel et bien lancée.
Revelations est exactement le reflet de cette situation. Tout à fait caricatural par rapport aux précédents enregistrements du groupe, il renvoie à un Killing Joke en pleine dérive, titubant d’ivresse. Même si de prime abord la musique du quatuor semble avoir perdu de son « percutant », elle exploite toujours les mêmes lignes principales, et Revelations va justement beaucoup plus loin dans cette personnalité musicale, offrant certainement l’album le plus profond et intrusif composé depuis le début de la carrière du groupe. La décadence de la musique du groupe conduit à une diversification, à l’image des riffs de guitare, moins axés uniquement sur leur côté grinçant, et bien évidemment du chant. Jamais pareille intensité émotionnelle n’aura été retranscrite dans des compositions de KJ. La démence engendrée par les drogues se ressent dès le premier titre, The Hum, très décadent, comme une lente marche macabre exécutée sans convictions, offrant des tonalités dissonantes et effrayantes, au regard du chant de Coleman, presque faux et laissant augurer un frontman complètement chancelant au moment des prises. Chop-Chop, The Pandy’s Are Coming, dans la même veine ou encore We Have Joy, Empire Song, bien plus dans l’esprit énergique des titres des précédents disques montrent l’étendue de la folie du personnage, exploitant avec un instinct unique son instrument, pour un régal d’expérimentations. Le gaillard passe par des phases de folie furieuse, des phrasés plus calmes, parfois presque en spoken words ou d’une douceur suave. Ses paroles deviennent, avec la décadence, encore plus choquantes pour l’opinion publique. Partant dans des délires occultes révolutionnaires et misanthropes (chapter III, Have A Nice Day), l’adoration des états seconds inhérents à l’aventure KJ (We Have Joy) ou bien imaginant des aventures psychédéliques farfelues (Chop-chop), Jaz Coleman prouve réellement qu’il maîtrise (ou pas) son art, usant des métaphores en chaîne et créant un univers complètement fou...
Revelations est véritablement une vitrine de la personnalité qu’est Coleman. Killing Joke est à la dérive, et comme le bonhomme a pour nature de se démarquer de ses compères, sa folie transparaît au premier plan d’un album alangui. Le combo est même tout proche de l’explosion dès la sortie du disque, et après une rapide tournée nord-américaine, Jaz s’éloigne de Youth, alors devenu presque fou, emportant avec lui Geordie en Islande, afin d’échapper à la fin du monde (rien que ça). Il n’en faut alors pas plus à tous les détracteurs du groupe (nombreux dans la presse) pour déclarer la fin du règne de la blague tueuse proche.
A écouter : oui
Après avoir écumé un certain nombre de clubs en Europe et aux Etats-Unis, Killing Joke peut se targuer avant même la sortie de son deuxième opus d’avoir une réputation déjà fort sulfureuse. Jaz multiplie les déclarations choc, à tel point que le groupe est taxé de nazillon, et le premier LP a, quant à lui, offusqué, en outre, une bonne partie de la scène rock. Les chanceux qui ont pu voir les shows du quatuor anglais ne sont pas en reste, et ont pu les assimiler à des rituels païens, menés de main de maître par un fou furieux peinturluré et possédé par la violence de sa musique. Pourtant, dans cette révolution Killing Joke, l’Angleterre puritaine est la première scandalisée, outrée de l’engouement qu’une telle formation puisse susciter chez la jeunesse. Pensez-vous, pis encore que le punk, n’est ce pas là terrifiant ?
Quoi qu’il en soit, la situation va comme un gant à Coleman et sa bande qui jouent de leur image et sortent donc à peine un an après leur premier effort What’s THIS For…! Dans la droite lignée de Killing Joke, on retrouve un disque efficace et rentre-dedans, plus encore même que son devancier. D’ailleurs, de tous les albums que le groupe ait sorti dans les années 80, celui-ci reste sans nul doute celui qui offre les rythmiques les plus tribales et obnubilantes. Le furieux batteur de l’époque (Ferguson) tambourine ses fûts comme un damné, offrant des polyrythmies récurrentes, puissantes, et en plus de cela, novatrices. Ainsi, malgré la quasi-absence de cymbales sur tout le disque, reconnaît-on, par exemple, sur Tension ou Follow The Leader, des rythmes (associés à une production caverneuse) qui influenceront des groupes de cold-wave par pelletés. Follow The Leader justement, parlons-en : choisi à l’époque comme single, il reste certainement l’un des titres les plus fascinant que le groupe ait créé en un quart de siècle. Ses sonorités typiquement eighties, son clavier véritablement obsédant, ses guitares acerbes et son chant révolutionnaire participeront certainement à l’avènement et l’explosion proche d’une scène electro-industrielle en pleine effervescence. De manière générale, de toute manière, What’s THIS For… ! continue là où Killing Joke s’était arrêté. La promiscuité temporelle avec ce dernier et les idées encore floues d’une bande de fous conduirent certainement la formation à ne pas trop évoluer musicalement, malgré une forte personnalité développée en à peine deux années. Seuls la production (même si la ligne de conduite reste la même) et le degré d’énergie général donc, semblent être montés d’un cran, mais on retrouve bien tout ce qui avait fait le choc du premier opus, riffs aiguisés et sourds, chant ahurissant de lividité et de puissance et, donc, ces fameuses rythmiques.
What’s THIS For… ! n’offre donc guère d’évolution majeure, mais propose aux nombreux curieux de cette furie en route un nouveau disque, peu de temps après le premier. Pas le temps d’être déçu, de toute manière, puisque la recette, surprend toujours autant, car participant, via un sérieux palier, à l’extremisation que le rock n’aura de cesse de connaître jusqu’à nos jours. En ce début d’années 80, Killing Joke se fait sa place dans le panorama musical rock, suscitant des réactions diverses, mais ne laissant personne indifférent. Et dire que cela ne fait commencer…
A écouter : oui
A l’aube des 80’s, alors que la première vague de musique punk finit d’agoniser dans son vomi, nombre de groupes ont compris qu’après la révolution que celle-ci a engendré, les limites de sa caractérisation musicale étaient atteintes et usées jusqu’à la corde depuis longtemps. Après des années fastes, le genre a besoin de nouveauté, d’expérimentations, d’échappatoires astucieux, et c’est dans cet optique que le mouvement post-punk –et ses nombreuses dérives - se développe. Les structures sont allongées, caricaturées, nombres d’influences viennent régaler la musique de groupes qui deviendront légendaires. Ainsi, entre 1977 et 1982 sortent nombre d’albums cultes. Citons bien sur Unknown Pleasure, premier opus de Joy Division, et les trois disques qui lanceront l’épitaphe des Cure.
Parmi cette révolution qui devient déjà un fatras labyrinthique, Killing Joke, obscur combo sort son premier effort. Sans prétentions aucunes (question de relativité), Jaz Coleman et sa bande sortent pourtant l’un des disques, qui, avec le recul, reste l’un des plus influents que la scène rock ait créé depuis ses débuts. Un quart de siècle plus tard, alors que la formation est encore vivante (et loin d’être à l’agonie, de surcroît), nombreux sont les groupes qui se réclament de parenté au combo anglais, dans un arbre luxuriant de dérives stylistiques allant de l’indus au mouvement gothique, en passant par diverses branches du metal. Mais Rome ne s’est pas bâtie en un jour, et restons-en pour l'heure à ce Killing Joke, qui malgré ses nombreuses qualités et son statut, est tout de même loin de tenir le pavé, à lui tout seul, de la légende d’un groupe hors normes et hors du temps.
Ce premier album éponyme reste un pur album de post-punk, de ceux qui donnent tout son sens à un style, en restant unique pour autant. Mais il fait aussi d’une pierre deux coups, à savoir qu’il pose d’abord et avant tout les bases de ce que sera LE son Killing Joke, à travers le temps et les évolutions stylistiques. Dès Wardance, qui ouvre le disque, on fait connaissance avec ces sonorités à la fois minimalistes et baveuses, où la simplicité n’empêche en rien de prendre en pleine figure des compositions torturées, violentes et rageuses. Chaque titre développe une ambiance froide, faite de mélodies naïves et répétitives, de sonorités industrielles surprenantes, de rythmiques robotiques et le résultat est une musique incroyablement hypnotisante et lancinante. Jaz Coleman, dont on ignore encore le nom à l’époque (l’artwork du LP ne donne en effet aucune indication sur les membres du groupe), offre des lignes de chant hallucinantes, avec une voix déjà fort mature (pour ses 20 ans), entre hurlements rebondissants, appels de détresse, et vociférations terribles parfaisant un disque dont les ravages de l’apocalypse proche semblent constituer la seule ligne de conduite réelle. Killing Joke réussit le parfait mariage entre une façade de marbre – post-punk oblige -, une noirceur effrayante et une énergie rock indéniable. Mine de ne pas y toucher, ce disque se révèle avec le recul extrêmement riche en apports nouveaux que des générations de musiciens ne cesseront de réutiliser dans, je l’ai dit, de nombreux courants. Ainsi, les nombreuses sonorités produites par le clavier de Coleman n’auront de cesse d’inspirer, d’une part, grâce aux mélodies ingénues, simplistes et récurrentes (Tommorow’s World et sa boucle de 3 notes par exemple), la scène cold wave, et d’autre part la branche industrielle du post-punk, avec des bruitages soutenus par des rythmiques hallucinantes de monotonie et d’énergie (The Wait, typiquement metal-indus avant l’heure).
Des exemples comme ceux-cis, inutile de tous les citer, tant Killing Joke en regorge. 25 ans plus tard, alors qu’il n’a pris que quelques discrètes rides (on notera qu’une version remasterisée avec des bonus est sortie en 2005), on ne peut que se rendre compte d’à quel point le premier album de la bande à Jaz Coleman était précurseur, tant au niveau du fond (la noirceur apocalyptique) que de la forme (la musique richissime employée). Et pourtant, la carrière du groupe ne faisait que commencer, et l’on ne devait nullement se douter, à l’époque, du chemin que celle-ci emprunterait. Incroyable et culte.
A écouter : avant tout autre album des 80's du groupe
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