Décidément, le choix d'un album fétiche pour l'été 2005 va s'avérer des plus cornéliens. A peine s'arrête t-il sur un, qu'un autre montre le bout de son nez, mettant la fidélité à rude épreuve. Ainsi, la tentation vient d'Espagne, du massif cantabrique pour être plus précis, région montagneuse et maritime assez humide donnant un air de Normandie à la péninsule ibérique.
Dobra est le deuxième album de Kidsgofree que le label breton SanJam Records a eu la bonne idée d'inscrire à son catalogue. Excellement produit par Santi Garcia, à qui l'on doit notamment le son de Standstill, il s'inscrit dans la lignée d'un rock qui prend racine du côté de Washington et du fameux label Dischord.
Plusieurs noms viennent à l'esprit à son écoute. On pense bien évidemment à Bluetip, Retisonic, Faraquet, pour cette habileté à mettre en forme des parties qui vont s'emboîter les unes aux autres le plus naturellement du monde, des parties dont il ne vient pas à l'esprit qu'elles puissent être différentes tant elles vont si bien ensemble. La ressemblance s'arrête là, Kidsgofree ne possèdant pas cette énergie post punk décelable chez la bande à Farrell, notamment. Tout y est plus léger, plus subtil, empli d'une mélancolie et d'une émotion plutôt proche de Far ("Pocket Money"). Les mélodies sont savamment pesées, jamais insistantes, parfois douces et discrètes ("One Big Question"), attendant l'impulsion donné par le chant de Jorge Hunt - un anglais sans accent décelable pour le commun des mortels ce qui est appréciable - soit pour s'effacer, soit pour s'intensifier.
Aussi il est, bien entendu, inutile de s'attendre à de véritables décharges d'énergie brute à l'écoute de Dobra. Seuls "Bad Milk" et "Back To Devon" semblent disposer d'un potentiel non négligeable susceptible de faire monter la sauce en concert. Mais les motivations et les aspirations de Kidsgofree sont définitivement ailleurs.
Dobra s'adresse aux patients, à ceux qui ont le temps de voir venir, de s'imprégner de l'inspiration mise en oeuvre pour donner naissance à ces dix perles. On oublie donc un instant la fureur et le tumulte. On s'installe sur le canapé, on ferme les yeux et on apprécie.
A écouter : "Bad Milk", "Pocket Money", "Sleepy Dust"