La rage, le nom du titre de cet album choisi pour sa promotion. La rage, c’est aussi ce qui caractérise cet album, le premier de la jeune rappeuse marseillaise. Portée par une certaine notoriété (dans le sillage de l'engouement pour le rap féminin avec Diam’s ?), Keny nous propose un album rugueux, rageur et fortement contestataire, et qui se veut d’une honnêteté de chaque instant.
Les textes plein de hargne sont très vindicatifs à la fois contre les institutions françaises, le FMI, les politiques, ou encore la vie en Amérique du Sud, où elle a vécu une partie de sa vie. Keny se veut engagée et intègre, n’hésitant pas à interpeller directement son ancien directeur de centre de redressement pour l’insulter (Eh connard). L’album sent fortement le vécu, plein d’anecdotes sur son enfance et sa jeunesse, laissant percevoir la forte personnalité que dégage la rappeuse.
Après plusieurs écoutes, on se rend également compte que derrière le discours révolutionnaire, Keny offre également une vraie philosophie de vie, pleine d’optimisme, et d’espoir, invitant à profiter de sa vie et de sa liberté. On a ainsi affaire à un album varié qui prend soin de ne jamais se répéter d’un titre à l’autre, plein de ces minuscule peaufinages qui font que chaque écoute se révèle différente.
Le flow de la rappeuse est, le plus souvent, rugueux et rapide, ce qui correspond bien avec la dureté des textes, mais sur certains titres il sait se faire plus mélancolique quand le thème le nécessite, voire carrément dépressif sur Le fardeau. Sur certains titres, sa voix posée fait presque penser à du slam (Clouée au sol), pour un rendu impressionnant.
Les ambiances musicales utilisées sont également très variées allant de la guitare acoustique au violon en passant par la guitare électrique et prenant soin également de ne pas se répéter tout en gardant ce même souci permanent des petits détails. A la fois centrée sur elle-même avec les expériences personnelles de la chanteuse et universelle par son message de révolte, la musique de cet album reflète un travail minutieux.
Certes, le discours anarchiste a une nette tendance à plonger dans certains clichés, notamment une attitude contestataire exacerbée ou encore une certaine caricature dans les textes (la comparaison de Sarkozy et Hitler sur Nettoyage au Kärcher). Dommage car sur certains autres thèmes, Keny s'en sort très bien, prouvant un réel talent d'écriture, comme sur Ils ont peur de la liberté, où elle critique les conservateurs sur un ton ironique.
Au final, on tient un très bon album de rap français, qui nous révèle une vraie artiste engagée avec une foi à toute épreuve. Le souci constant apporté à la musique permet de ne pas tomber dans un album monocorde, et si elle continue comme ça, elle sera à suivre de très près.
A écouter : Clou�e au sol, Cueille ta vie, Je suis la solitaire, Sans terre d'asile