S’il y a bien une scène dans tout ce fatras que représentent les musique amplifiées qui sait se renouveler ces derniers temps, c’est bien la scène hardcore. A coups de post-machins, de nouvelles écoles (les suisses, les américains, les anglais, …) de déstructures en veux-tu en voilà, de surenchère dans le chaos et l’énergie, on voit fleurir de petites perles (de grosses merdes également) un peu partout, et je dois dire que je raffole de tout ça. Au diable les puristes et leurs règles établies, lâchons nous un peu, laissons libre court à notre imagination débordante, dansons allègrement, et tant que l’ivresse est là, oublions le reste. Qui de mieux que Keelhaul d’ailleurs pour nous accompagner dans ces palabres intellos ? Sûrement d’autres, mais pour cette fois, je m’attarderais sur eux puisqu’il me parait judicieux (et surtout d’actualité) de le faire.
Troisième disque pour les américains, mais premier avec une distribution correcte puisque assurée par Hydra Head à une échelle désormais internationale, qui espérons le fera sortir le combo de son anonymat dans nos contrées. Qu’on se le dise, Subject To Change Without Notice nous en met d’entrée plein les esgourdes. Dès les premières écoutes, on se dit qu’on a à faire avec un groupe bourré d’énergie, presque incompréhensible tant ses titres sont parfois complexes du sol au plafond. Pour faire simple, Keelhaul pratique un hardcore très bruitiste et déstructuré, tapant largement dans les tendances actuelles : un petit côté sludge, un autre noise, un son massif et surtout, cette fâcheuse manie de ne jamais laisser l’auditeur tranquille, grâce à des titres qui n’en finissent pas de rebondir. On finit même par se freiner dans les pulsions qui nous poussent à danser comme un ahuri tant il est difficile de le faire. Tout est imprévisible. On passe par un nombre d’ambiance assez fou grâce à des riffs déments, dont on ne voit jamais le bout, soutenus par des rythmiques elles aussi fortement barrées et, la plupart du temps en total décalage avec le reste. Du coup, toute cette gymnastique d’esprit que le combo nous inflige, à coup de polyrythmies tellement complexes qu’elles semblent hasardeuses, confère à l’ensemble une approche très free-jazz ou tout du moins mathcore.
Seuls les titres interludes (HMG et le très Wilhelminien Tits Of War), étrangement placés l’un après l’autre au milieu du disque, nous offrent une respiration au milieu de tout ce tintamarre audacieux.
Subject To Change Without Notice se révèle pour autant palpitant malgré quelques passages à la personnalité faiblarde. Le tout résonne quand même comme un frais et subtile mélange de lourdeur à la sauce postcore et d’énergie folle et libertine (incarnés respectivement par les lignes mélodiques et rythmiques), auquel vient épisodiquement se greffer un chant rauque judicieusement placé.Ce dernier rappelle fortement Mastodon, et cela tombe bien puisqu’on est là aussi en présence d’une musique débridée et sans complexes.
Ce troisième effort de Keelhaul est donc un excellent disque, peut-être l’une des meilleures productions que l’on ait pu avoir ces dernières années en matière de hardcore (du moins l’une des plus originales) et il nous apporte là toute l’énergie du genre en apportant de l’eau au moulin.
A écouter : bien entendu.